Vayne Lian | Slice of my boring life

Ton quotidien des plus ordinaires te va bien, quand bien même, l'envie d'être un peu plus dans la norme se fait ressentir. Mais rien de tout ce que tu as traversé ne te semble logique et cette stabilité qui est tienne à ce jour, tu la préserves au mieux, quitte à ne pas vivre pleinement.

C'est en Chine que tu es né, de parents à la nationalité convenue dans ce pays. Tes souvenirs en sont flous, des bribes de conversations surprises à la volée, des moqueries et quelques anniversaires. Bons comme mauvais moments se sont entremêlés dans un fouillis sans nom, tu n'as su le fin mot de l'histoire de votre déménagement à ta mère et toi que bien plus tard. Un récit tragiquement absurde de scandale financier couvrant votre famille de honte au point que ta mère ne l'ait pas supporté.

Victime de brimades, tu as en mémoire de vagues images où les bousculades étaient courantes et d'avoir eux quelques égratignures et bleus. S'il y a une chose que tu as retenue de cette époque, c'est que les enfants sont cruels entre eux et n'ont besoin que d'une infime raison pour justifier une absence de morale. Chose qui pour toi est également applicable au genre humain indépendamment de sa maturité.

Il vous avait fallu plusieurs années de démarches et de bonne foi pour accéder à un déménagement définitif. Avant quoi, vous avez dû patienter le temps d'un divorce, d'accords et surtout que l'on cesse de se disputer ta garde, cédée à la partie maternelle en fin de compte. Naviguer entre les domiciles de tes parents, gérer l'apprentissage d'une langue qui t'était inconnue entre multiples compromis n'avait pas été de tout repos ni de gaieté de cœur. Parmi les choix s'offrant à vous, elle avait désigné le Japon, sur le moment tu ne t'étais pas posé de questions, souhaitant fuir tout autant les insupportables traitements et regards dans ton école pour toi, comme en dehors, elle aussi en ayant fait les frais. Une pression constante à laquelle se rajoutaient les prérequis avant de mettre un pied dans le pays. Madame était par ailleurs assurée d'obtenir un travail par le biais de sa cousine, s'en étant grandement rapprochée à l'annonce de son envie de changement, les deux ayant passés de nombreuses heures en visioconférence et appels téléphoniques.

Sa décision avait été prise pour raison d'une cousine éloignée dont vous receviez des nouvelles régulièrement. Ta génitrice avait été curieuse et se montrait peu frileuse face aux changements drastiques de régime. C'est ce qui lui avait plu, que cette fois, son mariage ne soit pas le fruit d'une passion consommée trop rapidement et joue sur une compatibilité définie pour durer. Sans être totalement en accord avec cette idée, c'était à ses yeux plus juste qu'une relation forcée par une grossesse, quand bien même elle te témoignait une affection infinie. Elle ne t'a pas demandé ta permission, pourtant tu approuvais, justifiant ta pensée par ta peur des autres et le désir d'être aimé.

Vous y étiez parvenu à l'orée de ton adolescence. Au moins, personne ne vous connaissait, une nouvelle vie, de nouvelles portes qui s'ouvraient.

Tes difficultés visibles s'effaçaient lentement à mesure des années. Tu étais un élève assidu et volontaire, bien qu'étrange en dépit de tes efforts pour t'intégrer. Toujours est-il que tu n'as jamais fait de vague au point d'être un problème tant pour ta mère que pour cette société. On t'a appris que l'incontestable mariait les couples en fonction de paramètres précis et qu'il était important de s'y conformer. Ça ne t'a pas dérangé jusqu'à la lettre que ta mère ait reçu. Un beau-père que vous n'aviez jamais rencontré s'était greffé comme un parasite à votre havre de paix. Si tu ne l'aimais pas, ta mère était encore plus réticente. Ce fut une union qui ne dura qu'une semaine à ton plus grand soulagement et à son étonnement.

Ta mère était surprenante, quand bien même tu ne lui avais jamais dit, elle s'était plus rapidement acclimatée que tu n'étais parvenu à le faire en étant plus jeune et mêlé par les études à des adolescents de ton âge.

Les moyens que tu mettais en œuvre pour entrer un peu plus dans le moule n'ont pas été un franc succès. Tu n'en gardes que la sale habitude de la cigarette et les cicatrices qui font partie intégrante de toi pour t'être un brin plus livré à tes classmates. De l'alcool, quelques initiatives et la volonté de plaire autant que de démontrer ta valeur auprès d'inconscient te font aujourd'hui regretter d'avoir essayé de leur ressembler.

Tu as cette spécificité d'avoir toujours apprécié structurer et faire preuve de minutie et plus que les métiers de gratte-papiers, l'ordre et l'artisanat t'ont semblé un parcours logique concernant tes études supérieures. À l'origine, travailler le bois te convenait à tes modestes ambitions : devenir ébéniste. Peu à peu les spécialisations auxquelles tu as pu accéder par de l'alternance ont dérivé ton attention sur l'ingénierie, particulièrement dans le cadre de constructions nautiques. Si ce n'était pas donné à tous de poursuivre quatre années supplémentaires à celle de ta première formation, tu n'as pas ménagé tes efforts pour y parvenir. Enseigner des cours dans ta langue natale, faire la plonge en plus du service, passer serpillère et brosses et tes nuits courtes ont été tant de sacrifices valables pour une place de choix dans l'industrie du bois. Si ta passion devenue profession s'est faite exigeante à bien des égards, tu souffles aujourd'hui, bien heureux d'exercer à un certain échelon, ce qui n'a pas toujours été le cas. Cette ascension s'est faite sur plusieurs années.

Tes débuts dans la menuiserie nautique se sont avérés riches par plusieurs évènements marquants. Notamment les incontrôlables. Sans les soutenir, tu approuvais silencieusement le mouvement de rébellion, ta mère ayant été remariée à cette période-là. La différence avec le précédent c'est que cela demeure et qu'il n'a jamais commis d'impair que ta mère ne saurait pardonner. Aussi tu t'en satisfais, tu as quitté le nid aussitôt que tes premières paies te l'ont permis.

Le groupe n'a pas duré autant que tu l'aurais cru, ce qui était bien dommage, mais tu te doutais et au fond, sans être favorable à l'incontestable, tu n'es pas non plus contre l'idée d'être analysé pour une compatibilité optimale.

Se sont succédé shukumei, le bug du système et une épidémie, de quoi te rendre morose pour une éternité supplémentaire. Tu as voulu te rendre utile et réduire tes dépenses pour apporter à ceux qui avaient tout perdu ou connu la disparition d'un proche. Tu as eu de la chance, quand bien même ta mère et ton beau-père n'ont été touchés par aucun de ces évènements, vous n'étiez pas serein.

Puis, il fut révélé que l'erreur système avait été un test que tes parents ont réussi haut la main, apparemment bien conformé au gouvernement et aux décisions qui leur avaient été imposées. Tu ne sais pas dans leur cas ce que tu aurais fait, mais tu n'aurais probablement rien changé non plus.

Quant à l'affichage des personnes décédées qui ne l'étaient pas, tu te promenais encore avec ton sachet de courses quand ta mère s'est jetée dans tes bras. Un réconfort inespéré puisque tu ne te doutais de rien, très peu regardant sur les médias. Vous vous étiez fait recenser très rapidement, laissant l'entièreté de ces contrariétés entre les mains des autorités. La politique ne t'a pas plus intéressé, quand bien même tu as été curieux de connaître plus en détail les clauses concernant les devoirs conjugaux, un point sur lequel tu as tendance à paniquer.