Music is moonlight in the gloomy night of life - Kyo Tokugawa

Tokugawa. Une appellation qui ne te plaît guère. Un nom qui te colle à la peau depuis le jour de ta naissance. Celui de ceux qui suivent aveuglément une vie qu'on leur impose. Ces personnes qui se soumettent sans la moindre combativité. Incapable de vivre par eux-mêmes, de fonder une famille sans les directives d'une machine nommée Incontestable. Ont-ils une échappatoire ? Aucunement. Aucun japonais ne peut esquiver cette épée de Damoclès qui menace de s'abattre sur eux. Néanmoins tu aurais aimé les voir lutter pour quelque chose qui leur tient à cœur dans leur vie. Un travail. Un loisir. Une passion. Leurs progénitures. Sauf qu'il n'y a rien au fond de leur iris. Aucune flamme. Aucun éclat. Aucun désir. Du vide. Tes parents n'avaient jamais eu la fibre parentale avec toi d'aussi loin que tu te souviennes. Et ça, tu le leur as toujours reproché depuis ton enfance. De n'être que des pantins sans vie au service du gouvernement. De ne t'avoir jamais donné autant d'affection que tu aurais dû recevoir.

L'impression de ne pas être désiré s'était fait sentir rapidement dans ton petit être. Pourtant tu ne cherchais qu'à être aimé et dorloté comme tout parent est censé le faire. Aucun geste tendre. Aucun mot d'amour. Aucune patience. Aucune attention. Rien.

Tout le contraire de tes cadets. Eux avaient eu droit à de « l'amour », ou du moins à un semblant de ce sentiment, par des baisers, câlins et autres gestes affectueux gommant en partie toutes les erreurs qu'ils avaient pu faire avec toi. Un essai. Un prototype. Cette impression était restée gravée longtemps dans ton esprit de petit garçon dès lors que tes yeux avaient perçu la différence de traitement. Et même s'ils avaient peut-être tenté de redresser un minimum le niveau avec toi, le mal était déjà fait au sein de ton être. C'était à ton tour d'équilibrer la relation. D'agir comme ils l'avaient fait avec toi. De ne pas leur offrir ce qu'ils recherchaient dans ces contacts physiques. De leur faire goûter aux rejet et refus. Tu étais déjà bien trop fier de ta petite personne pour te laisser happer par ce besoin primaire. Tu avais grandi jusque là sans l'utilité de ces choses. Pourquoi devait-il en être autrement ? Pourquoi devoir intéragir désormais avec eux quand tu avais d'autres sources à disposition ? Ton petit frère. Ta petite sœur. Ta tante. Tes cousins. Tes amis. Tu avais assez de monde autour de toi pour ne plus compter sur eux.

Et puis il y avait la musique. Heureusement qu'il y avait ces belles mélodies pour remplir ce vide au fond de ton cœur. Tu ne pouvais vivre sans la moindre note de musique quotidienne dans tes oreilles. Classique. Rock. Pop. Tout style de musique te mettait dans un état de bonheur. Jour après jour, tu te cultivais doucement jusqu'à ce que tu passes le pas de la pratique sur une guitare acoustique. L'héritage de ton oncle. Un cadeau qu'il t'avait offert lorsqu'il avait vu à quel point tu étais obnubilé par la sienne. Il t'avait appris les bases petit à petit jusqu'à ce que tu puisses comprendre par toi-même les rudiments de l'objet. Jouer d'un instrument t'avait permis d'ouvrir un peu plus ton cercle social et d’effacer ce sentiment de malaise récurrent.

Tant de sources différentes te donnaient ce que tu n'avais jamais eu auparavant. À partir de cette période, cette différence de traitement n'avait plus autant d'impact sur ta personne qu'auparavant. Tu pouvais désormais avoir une existence plus agréable agrémentée de tendresse et affection. Être soutenu par autrui t'a aidé à te construire petit à petit dans cet environnement instable à tes yeux. Tu pensais fermement que tout irait bien à partir de ce point. Plus rien ne pouvait ébranler ton quotidien comme auparavant. Grave erreur.

C'était il y a vingt ans. Tu te souviens encore du bruit de l'amas de gouttes d'eau tombant sur le toit de votre demeure. De la branche d'arbre qui tambourinait contre la fenêtre au rythme de la bourrasque. Du grondement du tonnerre qui assourdissait tes tympans. L'orage qui sévissait à l'extérieur mettait à mal ton sommeil. Tu somnolais à moitié. Ton être était sur le qui-vive face au moindre danger potentiel. Pourtant ce qui te sortit de ton repos furent deux voix qui agrémentaient tout ce fracas. Rares étaient les moments où tes parents élevaient la voix au sein du cocon familial. Spécialement à une heure si tardive. Petit pas par petit pas, ton corps endolori rejoignit la source de bruit. Caché dans les ténèbres au bout du couloir menant au salon, tu observais avec attention la scène qui se déroulait sous tes yeux. Ton père semblait être dans un état second, déversant sa rage sur sa femme sans la moindre demi-mesure en agitant ses bras partout. Hors de contrôle. Comme s'il était sous l'emprise de l'alcool. Fait rare mais probable. Elle ne faisait que répondre de manière plus modérée à ses propos en l'implorant de baisser le ton. Encore à moitié dans les bras de Morphée, distinguant à peine la moitié de leur conversation, il y avait eu quelques mots que tes oreilles percevaient avec clarté. Des termes qui te font encore grincer des dents aujourd'hui.


Ton prénom associé à cette déclaration, tu restais figé au loin. Bouche ouverte. Souffle coupé. Yeux écarquillés. Totalement choqué de la nouvelle. Tu pensais avoir mal entendu sur l'instant mais le propos s'échappait de nombreuses fois de sa bouche. Incapable de réagir, ton être faisait immédiatement demi-tour pour se réfugier dans la chambre. À peine la porte fermée que ton corps s'écroulait contre celle-ci. Des larmes se mettaient à couler longuement alors que tu étouffais le moindre bruit qui cherchait à s'échapper de ta gorge. N'avais-tu jamais compté à leurs yeux ? Te détestait-il à ce point pour être traité ainsi ? Pourquoi autant d'abjection envers ton être ? Tant de questions fourmillaient dans ta tête à cet instant. Mais ton esprit sombra lentement dans les abysses tant la fatigue était grande.

Il était là le point de rupture. Ces mots avaient enterré la fine relation de confiance avec tes parents. Incapable désormais de croire la moindre de leur parole. D'apprécier le moindre moment en leur compagnie. Un froid s'était immiscé entre vous. Et comme à leur habitude, presque aucun geste vers toi n'avait été amorcé pour comprendre la raison. Pourtant cela te rongeait terriblement de les confronter à leur mensonge... mais tu n'avais pas le courage suffisant à cet instant pour évoquer cette discussion nocturne. À tel point que tu t'enfermais souvent dans ta chambre dès ta rentrée des cours pour éviter leur présence. Casque sur tes oreilles, tes doigts pianotaient sur un clavier midi connecté à ton laptop. Chaque soir, ton être entier se plongeait corps et âme dans la composition de mélodies avec passion, oubliant l'espace d'un instant ce mal-être qui te rongeait petit à petit. Les morceaux terminés étaient publiés sur des plateformes en ligne sans la moindre conviction. Un simple partage de ton passe-temps qui pouvait égayer le quotidien d'autrui. Ou peut-être un appel à l'aide invisible à travers ces sons.

Tes résultats scolaires se dégradaient lentement avec le temps. Ton comportement, dans cet établissement comme en ville, n'était plus du tout correct. Tout le contraire à vrai dire. À tel point que cela t'avait valu plusieurs remontrances jusqu'à faire appel à ta mère pour lui expliquer la situation. Face à cela, ta mère tentait de nombreuses fois de te prendre à part pour discuter sérieusement. Tu pouvais entrevoir au fond de ses iris de l'inquiétude et de l'affection à ton égard. C'était bien la première fois que tu pouvais percevoir ce genre de sentiment à ton égard mais il n'y avait aucune réaction notable de ton côté. En surface tout du moins. À l'intérieur de ton être, ton sang bouillonnait à foison, te retenant de déverser le venin qui s'était accumulé depuis tout ce temps. Ne comprenant guère ce changement soudain de caractère, tous deux avaient mis cela sur le compte de l'adolescence. Il y avait une part de vérité dans leur affirmation. Tu étais bien con à cette époque. La moindre connerie possible à faire pour te mettre dans de beaux draps, tu y plongeais la tête en avant. Probablement dans l'espoir de ternir le nom de cette personne qui te reniait si fermement depuis des années. Cela avait engendré plein de problèmes à l'époque. Mais tu semblais t'en foutre royalement. Comme si plus rien ne comptait à tes yeux que ta propre existence. Et ça, ton petit frère te l'avait fait remarquer un jour.

Toi, Ryotaro et Sanae aviez toujours eu cette belle relation fraternelle depuis leur premier pas. Une relation saine et normale avec des hauts et des bas que tout enfant partage dans sa vie. Et ce malgré la jalousie qui t'avait toujours habité depuis l'enfance. Tu ne pouvais guère leur en vouloir. Ce n'était pas eux les fautifs mais bien vos vieux. Et pourtant, un jour, quelque chose s'était brisé entre vous. À cause de cette altercation entre toi et Ryo. Vos voix s'échangeaient de beaux noms d'oiseaux. Son regard perçant ne quittait guère ta vision. Ta poigne était agrippée à son col, cherchant à le décoller du sol alors que ton crâne s'entrechoquait avec le sien. Sanae pleurait tout en tirant sur ta jambe pour arrêter cette scène se déroulant sous ses yeux. Tu étais prêt à en découdre avec ton petit frère pour probablement trois fois rien. Une remarque. Un mot plus haut que l'autre. Qu'importe. Ta haine semblait avoir atteint un autre niveau. Celui même d'haïr tes semblables. Ta prise n'était plus. Ta main repoussait lentement Ryo dans l'herbe. Quelque chose ne tournait plus rond chez toi. Tu ne pouvais plus rester enfermé dans ce cercle infini. Tu devais le faire. Pour ton bien et pour celui des êtres auxquels tu tenais.

La confrontation avait eu lieu un soir lors de l'absence de tes cadets. Tu ne voulais aucunement qu'ils perçoivent toute la rage qui t'habitait, qu'ils entendent tout le venin qui sort de ta bouche. Tu n'avais pas mâché tes mots sur leur éducation, ta condition, tes sentiments. Tu leur avais tout jeté à la figure. Immédiatement ton père avait cherché à te faire taire et montrer son autorité face à ta personne. Mais ta mère avait pris soin de te défendre d'un geste malvenu. Elle comprenait probablement cette colère qui habitait ton corps dans son changement. Et lorsque son regard fut planté dans tes iris, elle ne pouvait pas se résigner à te cacher la vérité.


Ta mère s'était effondrée sur le sol. Les larmes n'arrêtaient pas de couler le long de ses joues. Face à sa détresse, tu ne savais plus comment réagir. Du moins c'était le reste de ses paroles qui te mit dans un état second. Tu n'avais aucun lien de sang avec ta figure paternelle. Tu étais le fruit d'une union libre. D'une longue relation avec un autre homme. D'un véritable amour. Et ces sentiments avaient germé dans cette petite graine qui se développait déjà dans son ventre à la réception de cette lettre rosâtre. Pour protéger cette vie, ta mère avait coupé les ponts avec cet individu malgré son cœur meurtri. Mais celui de son époux l'était tout autant. Défenseur du système, il ne pouvait considérer ce tourment du destin comme juste à son égard. Son premier enfant, un bâtard. Quelque part dans sa tête, il avait maudit ton existence à la seconde même où il avait eu vent de l'information. Et même si elle l'avait imploré de t'aimer comme si tu étais le sien, il y avait toujours eu cette part de rancœur au fond de lui. Pour un choix qui n'était pas le tien. Tout venait de là. Cette différence de traitement. Ce manque d'affection flagrante de leur part. Quelque chose clochait depuis toujours. Tu savais désormais la vérité.

Ton existence était chamboulée. Tu ne savais plus quoi faire ni vers qui diriger ta colère. Tous les trois, vous souffriez de différentes manières. Le silence régna finalement dans la pièce. Plus un seul mot ne fut prononcé. Incapable désormais de savoir où diriger ta colère. Elle. Lui. L'incontestable. L'univers. Trop d'informations dans ta tête. Tu préféras quitter l'endroit sans attendre une seule seconde. Tu avais le besoin de t'isoler. De digérer. De réfléchir.

Les tensions ne s'étaient pas apaisées malgré la révélation de ce secret. Un certain malaise s'était instauré au sein de la demeure. Tes cadets posaient des questions mais tu ne leur répondais jamais par la bonne réponse. Impossible pour toi de leur révéler le pot aux roses sans manquer de faire éclater totalement le cocon familial. Ils avaient droit au bonheur. À garder leur innocence. De continuer à vivre dans cette illusion. Qu'importe si tu gardais le mauvais rôle à leurs yeux, ils ne devaient rien savoir.

Il était tard. Tu étais là assis dans le salon, fixant longuement un bout de papier. Ton regard examinait avec attention le moindre mot que tu venais de poser dessus. Chaque mot avait été étudié minutieusement pour éclaircir les choses avec ton entourage. Il était temps pour toi de partir. De prendre le large par la petite porte. Tu n'avais plus ta place entre ces quatre murs. L'avais-tu eue ne serait-ce qu'une fois ? Ta main reposait le crayon et le papier sur la petite table. Ton corps se levait en direction de l'entrée où stagnait le peu d'affaires que tu emporterais avec toi. Quelques vêtements. Un peu de nourriture. Tes économies. Ton laptop. Tes instruments de musique. L'essentiel à tes yeux. Tu ouvrais la porte avec lenteur, embarquant la valise et le reste avec toi. Tes pas te menaient lentement jusqu'à la rue. Tu portais un dernier regard sur cette maison vide. La surprise de ton absence allait probablement les frapper dès leur retour. Un mal pour un bien. Tu pensais que tout le monde serait bien plus heureux comme cela en commençant par toi. Un souffle s'échappait de tes lèvres alors que tu tenais fermement ce billet entre tes doigts. Ton corps reprenait sa marche d'un pas plus ferme et déterminé. À dix-huit ans, tu disais adieu à cette vie. Au revoir à ta famille. Peut-être un jour trouverais-tu la paix en ton être pour réapparaître devant eux. Du moins tes cadets qui te manqueront très certainement. Mais impossible de rester dans cet environnement sans péter un câble à l'avenir. Tu avais besoin de prendre le large. Seul. Loin de ta famille.

Tu avais pris la décision de rapidement quitter Okinawa et de rejoindre Kagoshima au sud de l'île d'Honshu en utilisant une partie de tes économies. C'était dur. Très dur. De devoir vivre seul. De partir de zéro sans avoir la moindre connaissance de la vie. La moindre qualification. Par chance, tu étais bien débrouillard et tu n'étais pas très tatillon sur les jobs que l'on t'offrait. Tu prenais ce qu'on te donnait sans la moindre contestation tant que cela pouvait subvenir à tes besoins. Ce n'était pas le luxe mais tu faisais avec. Tu n'avais pas plus trop le choix de toute manière après avoir coupé les ponts avec toute ta famille. Tu travaillais le jour dans une usine, un travail difficile et pénible,  pour gagner ta croûte comme tout le monde.  La soirée, tu la passais de temps à autre à la caisse d'un konbini de quartier. Un emploi partiel plutôt simple qui te permettait de faire quelques rentrées supplémentaires. Rien d'extraordinaire mais c'était un plus. Le reste de ton temps libre, tu l'utilisais à bon escient afin de continuer de créer et d'alimenter ce compte musical que tu entretenais depuis plusieurs années. L'inspiration était là malgré les galères de la vie et même si la gloire n'était pas au rendez-vous pour l'instant.

Plusieurs mois semblaient avoir été suffisants pour t'être lassé de cette ville. Assez pour faire disparaître lentement l'inspiration pour la composition. Au-delà de changer de routine, tu avais besoin de changer d'environnement. Peut-être avais-tu pris goût à la liberté et au voyage après avoir fait le grand pas pour la première fois ? Quelques semaines plus tard, tu quittais cette ville pour une autre plus au nord pendant un certain moment jusqu'à ce que l'inspiration s'évapore à nouveau. Puis une autre. Et une autre. Tu continuais ton périple en menant un semblant de vie de vagabond. Sans réel domicile fixe. Une vie de voyages et d'aventures à la recherche constante d'inspiration. Une vie difficile mais tellement gratifiante en expérience et rencontres. Parce qu'il aurait été impossible pour toi seul de te déplacer aussi fréquemment dans le pays avec si peu d'économies et de moyens. Ces liens forgés au rythme de tes périples t'avaient permis d'avoir un endroit où te loger pendant un temps, de trouver avec plus d'aisance de quoi gagner ta croûte et de protéger tes biens les plus précieux. Le seul fil conducteur de ta vie était la construction de ton image de marque côté musique. Qu'importe les endroits et les galères, tu n'avais jamais cessé de continuer à bâtir ton empire musical de tes doigts, agrémentant de nouveaux sons chaque mois. Tout pouvait partir de là. D'une fanbase solide. D'un nombre d'écoutes suffisant. Un jour. Peut-être. En attendant, certains de tes morceaux de musique semblaient avoir trouvé leur public. La vague de commentaires positifs sur tes dernières sorties te motivait à aller dans cette direction.

Ton épopée s'était achevée dans la capitale de ton pays. Cette immense métropole t'avait captivé par ses quartiers distincts au charme et caractère unique. Chaque fois que tu portais ton regard à n'importe quel point de la ville, tu trouvais une inspiration musicale. Cette ville était faite pour toi. Ici, tu allais pouvoir vivre ta véritable vie. Celle qui avait un but. Un sens.

L'avenir était incertain. Tu savais d'avance que tout ne marcherait pas du premier coup. Que tu allais encore galérer à payer le loyer et t'épuiser rapidement. Mais cela n'avait aucune importance. Tu voulais croire en ton projet. Toutes tes économies passaient dans l'achat de matériel électronique. Tout ton temps libre dans le perfectionnement de tes talents musicaux et la composition. Pendant des mois, tu n'avais que bûché sur cette carrière inexistante dans l'espoir d'entrevoir cet avenir radieux. Et cela avait payé après plusieurs semaines de galères. En partie. Tu travaillais désormais comme animateur musical tous les soirs dans un petit club de quartier. Tu vivais la nuit et te reposais le jour. Un rythme de vie totalement différent de tes relations de l'époque. Mais c'était ton choix. Ta vie. Pour les autres, cet emploi, c'était trois fois rien mais pour toi, c'était la possibilité de pratiquer ta musique avec un public et de te faire connaître des fêtards récurrents comme des concurrents. Un moyen de faire tremplin dans ta carrière. Tu n'avais aucunement l'intention de rester cloîtré dans une boite pareille. Tu rêvais de mixer dans un établissement reconnu comme Alife ou AgeHa. Tu rêvais de grandeur. Et pour concrétiser ce rêve, tu n'avais jamais arrêté de charbonner chaque jour pour parfaire tes sons et tes mix.

Le bouche-à-oreille avait fonctionné. Ton nom était souvent évoqué lors des expéditions nocturnes des tokyoïtes. Beaucoup louaient tes performances sur scène comme l'originalité de tes musiques. Les réseaux sociaux et quelques médias locaux avaient amplifié le phénomène. Ta renommée ne cessait de croître nuit après nuit notamment grâce aux divers remix de tes sons par tes concurrents. Au rythme des mois et années, tu n'avais cessé de changer de crèmerie dès lors qu'on te proposait un cachet plus juteux et un lieu plus prestigieux. Tu vivais ta meilleure vie dans cette ambiance nocturne sans le moindre souci. Libéré de toutes tes chaînes. Reconstruit dans un univers qui te plaisait à cent pour cent. La vie nocturne te plaisait sous toutes ses formes.

Ton style musical avait finalement tapé dans l'œil d'une personne influente du milieu. Après plusieurs rencontres et discussions professionnelles, on t'avait proposé l'édition et la distribution des enregistrements musicaux sous un label. Un contrat que tu n'avais pas pu refuser tant l'offre était alléchante. Distribution. Communication. Marketing. Merchandising. Financement. Tant de moyens offerts pour t'aider à toucher un public plus large. Cette sécurité avait un prix. Un pourcentage de royalties assez bas pour un premier jet. Qu'importe. Ta décision était prise. Tu allais enfin pouvoir jouer dans la cour des grands.

2107 était une année charnière pour toi. Une période riche en aventures et nouveautés. Tiraillé entre l'élaboration de cet album dans un grand studio et la vie nocturne. C'était difficile. Très difficile.
Le manque de sommeil se faisait ressentir jour après jour.  La pression que tu te ressentais manquait de te rendre dingue. Pourtant tu avais continué de lutter vaillamment jusqu'à la sortie de ton premier single. Une période indélébile dans ton esprit. Elle coïncidait avec la naissance de ce nouveau mouvement anti-système nommé « les incontrôlables ». Un groupe d'individus révolutionnaires cherchant à abroger le système mis en place depuis des dizaines d'années. Une pensée qui divise et dérange fortement. Toi tu comprenais ces personnes qui contestaient fermement cette institution. Tu en avais souffert fortement de cette obligation.

Malgré tout, tu n'avais jamais cautionné ce débordement dont avait fait preuve cette rébellion. Une manifestation qui se transforma en drame le 14 février 2108. Un acte odieux. Aucun acte de barbarie ne peut être justifié pour n'importe quelle cause. D'autant plus que cet événement n'avait été qu'un tremplin pour renforcer la sécurité et la force de l'institution. Une bêtise sans nom en somme pour ce groupe contestataire.

Tu l'avais vu venir devant tes yeux. Ce raz-de-marée d'une grandeur terrifiante. Cette mort soudaine. Ton corps emporté par les flots à travers la mégalopole japonaise. À travers le cours d'eau, tu cherchais à garder la tête hors de l'eau. Tes mains avaient réussi à agripper à un poteau d'éclairage. Tentative de survie désespérée. Tu luttais vaillamment contre les éléments pendant un laps de temps qui te sembla une éternité. Soudain à bout de force, ta prise n'était plus. Tu avais été emporté à nouveau par le cours du flot. Et là, le blanc. Le dernier souvenir en tête fut ce choc de ton corps contre un élément froid et dur. À ton réveil, tu esquissais un douloureux soupir à la sensation déplaisante. Tu avais l'impression d'être passé sous un rouleau compresseur. Plusieurs écorchures, contusions et cicatrices parsemaient divers endroits sur ta peau. Tout ton flanc droit était dans un piteux état et une douleur vive se faisait ressentir à ton avant-bras gauche. À tel point que les médecins soupçonnaient une fracture à ce niveau. Blessé. Écorché. Néanmoins vivant. Une expérience effroyable. Tu n'avais jamais eu si peur de ta vie ni remis ton existence et tes choix en question. Et puis, il y avait eu cette pensée pour ta famille. Allaient-ils bien sur leur île ? Auraient-ils pleuré ton âme si ton temps était venu ? Une certaine mélancolie s'était emparée de toi face à cette réflexion. Peut-être était-il temps de raccrocher les wagons. L'idée avait germé dans ton esprit mais ton cœur n'était pas encore prêt à pardonner. En attendant, il fallait que tu rassembles toutes tes forces pour te relever de ce cauchemar éveillé et aller de l'avant.

Un monument commémoratif de cette catastrophe naturelle avait été érigé au Hamarikyu Gardens l'année suivante. Tu avais pris un jour de repos pour être présent à ce moment symbolique. Tu priais pour le repos de toutes ces âmes qui n'avaient eu guère ta chance. Au fond de ton esprit, tu te motivais à te donner à deux cents pour cent pour les êtres qui n'étaient plus. Pour ne pas salir leur mémoire. Ta vie frénétique ne s'était jamais arrêtée. Composition musicale pour toi ou autrui dans les studios. Différents concerts et mix à travers le Japon et le monde. Ton existence avait atteint la porte du rêve que tu te lançais dans tes plus sombres heures. Une vie remplie de liberté et de sensations. Une vie parfaite à tes yeux.

Le chaos s'était manifesté une nouvelle fois sur l'archipel japonais. Une maladie d'origine inconnue s'était mystérieusement propagée avec véhémence du jour au lendemain. Fatigue. Fièvre. Évanouissement. Le nombre de cas croissait au fil des jours. La panique s'était déclenchée au sein de la population face à cette épidémie. Tu avais même entendu par différentes relations que leurs moniteurs semblaient être hors service depuis un certain temps. Une situation critique. Et toi, tu étais là à continuer ta vie sans le moindre symptôme face à ce virus agressif qui semblait mettre à mal le corps de n'importe quel individu. Chance ou immunité ? Aucun des deux d'après les autorités. Il semblait que les cas étaient liés au stress causé par l'extinction de l'incontestable. Un communiqué qui semblait avoir rassuré une bonne partie de la population contrairement à toi. Tu restais sceptique sur la cause...

Elle était là sous tes yeux. Cette annonce désastreuse sur l'écran de ton téléphone. La disparition de tes parents. Tous deux étaient signalés comme décédés sur le réseau social du gouvernement. Tes jambes avaient lâché sur le coup face à cette information. Morts. Depuis combien de temps ? Comment ? Pourquoi Sanae et Ryo n'avaient pas cherché à te contacter avant ? Pourquoi n'avais-tu pas été notifié de leur décès ? Au fond de ton être se mêlaient tristesse et colère. Incapable désormais d'entendre leur voix et de voir leur visage après tes années de cavale. Incapable de leur dire tout ce que tu avais sur le cœur depuis des années. Dans ce désespoir qui consumait ton âme, tu avais cherché un moyen de reprendre contact avec ta famille. Une tâche facile avec tes contacts et ressources sous la main. Le plus dur restait à venir. Faire le premier pas et subir les conséquences de tes actes. Pendant plusieurs jours, tu avais longuement réfléchi soigneusement à l'approche et aux mots employés de peur de te faire rejeter. Et tu avais raison quelque part. Ryotarô n'avait jamais réellement répondu à ton message. Quelque part au fond de lui devait-il te vouer une certaine haine à l'avoir abandonné. Une erreur qui allait te demander du courage et du temps pour la rectifier au fil des années. Contrairement à lui, Sanae avait repris contact avec toi. Lors de votre premier échange, tu avais subi toute sa haine et sa tristesse qu'elle avait enfouie depuis des années. Réaction normale à tes yeux. Tu ne faisais que subir sans lâcher un seul mot. Tu ne pouvais t'attendre à être accueilli positivement après ta disparition. Coupable de tes actions passées. Et puis le sujet était venu sur la table. Une certaine incompréhension s'était installée dans votre discussion jusqu'à ce que tu comprennes clairement la situation. Information erronée du gouvernement. Tes parents étaient bel et bien encore de ce monde. Un soulagement s'était manifesté dans ton être. Tu allais avoir le choix d'entamer ta rédemption. Une chasse à l'homme venait d'être instaurée à peine quelques semaines après ce problème dans le but d'attraper tous les fuyards qui avaient saisi leur chance pour disparaitre pour de bon. Tentative futile et désespérée dans l'espoir de fuir une vie non désirée. Afin d'éviter à l'avenir tout dysfonctionnement du système, chaque citoyen avait dû subir un remplacement de sa puce. Cet énième couac du gouvernement avait amenuisé la confiance que tu avais dans les institutions de ton propre pays...

Les années défilaient à grande vitesse. Tu continuais à tracer ta route dans le monde musical à grand coup de son signé de ta patte pour toi comme autrui. Tu avais pris la décision de t'émanciper petit à petit des grosses productions pour lancer ta propre boite de production avec tes gains amassés au fil des années. Un risque que tu voulais prendre pour éviter cette emprise malsaine sur ton être et ton savoir-faire. La campagne pour l'élection du nouveau premier ministre du Japon avait été lancée en 2114. Chaque candidat se lançait dans la bataille avec leur programme détaillé sur pleins d'aspects divers et variés dont les règles autour de l'incontestable. Chacun avait leur point positif et négatif. Sakai Mamoru était sorti grand gagnant de la phase finale. Un résultat dont tu acceptais le choix vis-à-vis de son programme visant à protéger les plus faibles. Et toi, en observant le monde, tu attendais avec appréhension l'arrivée de cette fameuse lettre...

Sous ton apparence séduisante et envoûtante se cache une âme à la fois libre et mystérieuse. Tu es un aventurier dans l'âme, quelqu'un qui ne se satisfait pas des chemins balisés et qui préfère explorer les sentiers inconnus. Ton regard perçant trahit une curiosité insatiable. Tu es toujours en quête de nouvelles expériences, de nouvelles découvertes qui alimentent ton esprit. Débrouillard dans l'âme, tu aimes te casser la tête sur un problème sans demander l'aide d'autrui. La satisfaction n'en est que plus grande lorsque tu accomplis un exploit par tes propres moyens que par la facilité. Tu possèdes une assurance qui peut sembler désinvolte mais qui est en réalité le fruit d'une profonde connaissance de tes propres capacités. Tu sais ce que tu veux et tu n'as pas peur de prendre des risques pour l'obtenir. Ta détermination est inébranlable. Tu fais preuve d'une résilience remarquable face aux défis de la vie. Sans ambition, ton existence n'a plus d'importance. Il te faut suivre un but. Une voie. Celle que tu traces par ta volonté jour après jour dans l'adversité du monde. Tu es vaillant. Te battant contre vent & marée pour atteindre ton but. Sans ces traits de caractère, tu n'aurais jamais continué à pousser pour te faire une place dans le milieu. Rêveur ? Tu préfères le terme ambitieux. Cela sied mieux à tes oreilles.

Ta spontanéité et ton esprit libre font de toi un compagnon de voyage idéal, capable de transformer les moments ordinaires en souvenirs inoubliables. Tu inspires ceux qui t'entourent à rêver plus grand, à vivre plus intensément, et à embrasser l'inconnu sans peur. Dans le milieu où tu évolues, il faut parfois faire preuve de sacrifice et faire profil bas face aux exigences des autres. Un principe que tu as bien du mal à acquérir. Depuis ton adolescence, tu as toujours été quelqu'un de très obstiné que ce soit avec les membres de ta famille ou autrui. Tu es quelque peu impulsif et surtout tenace. Tu préfères être ferme et jouer la carte de l'honnêteté, quitte à blesser parfois partiellement, que de jouer les faux-culs. Tu apprécies choquer le monde qui t'entoure en ne mâchant pas tes mots. Tu attends la même chose de leur part même si tu n'exclus pas parfois un petit mensonge dans une situation de crise. Une part d'humanité restante au creux de tes entrailles malgré les difficultés de la vie.

Malgré ton air souvent sérieux, tu n’es pas dénué de charme ou d'humour. Ton sourire en coin et ton regard chaleureux montrent une facette plus accessible et amicale de ta personnalité. Tu sais mettre les autres à l'aise, créer des connexions et conversations authentiques. Ton charme naturel te vaut une popularité certaine auprès des autres mais tu ne t'attaches pas facilement à autrui. Peur de ressentir à nouveau cette cassure avec un autre être humain comme avec tes cadets. Derrière ce sourire espiègle et ces manières décontractées se cache un cœur protecteur, qui choisit soigneusement les personnes à qui tu accordes ton affection et tes sentiments. À celles qui ont su gagner ta confiance, tu leurs offres une loyauté sans égale. Rares sont ces personnes gravitant autour de toi. Confiance sélective. Mais pour eux, tu es toujours prêt à les défendre avec ferveur. Avec eux, tes barrières s’effondrent petit à petit. Plus vulnérable mais apaisé de n'être plus seul. De ne plus porter ce poids de la solitude.

Tombeur. C'est probablement comme cela que l'on te définit dans la gent féminine. Comment ne pas succomber à ce charme et cette prestance qui émanent de ton être ? Face à cette manière directe de roucouler ? Tu ne te prends guère la tête avec les demoiselles. Tu prends. Tu  consommes. Tu jettes. Il n'y a que cette forme d'alchimie instantanée entre deux êtres qui t'attire. Et puis plus rien. Un collectionneur d'aventures sans lendemain. Tout simplement parce que tu sais que tu ne peux te permettre de laisser autrui pénétrer ton cœur sans subir une blessure future. Par la simple présence de cette machine qui régit la vie de chaque japonais. À cause d'elle, tu ne pourras probablement jamais ressentir ce sentiment d'amour et d'attachement. À cause d'elle, tu finiras avec certitude dans une relation sans saveur comme celle de tes parents.

Gracieux. C'est probablement le premier mot s'échappant des pensées des gens posant le regard sur ton être. Tu es un homme d'une hauteur d'un mètre quatre-vingts environ pour une septantaine de kilos dont l'apparence est aussi éclatante que captivante. Une personne qui prend soin de son physique depuis l'adolescence par des sessions de sport divers et de musculation. Sous ton haut se cache une musculature finement dessinée à faire pâlir certains. Ta peau, à la douceur inattendue, est naturellement mate depuis ta naissance. Un héritage de ton géniteur inconnu probablement. Néanmoins cette couleur de peau est aussi un témoignage d'innombrables heures passées à l'extérieur, absorbant la chaleur et la vitalité du jour. Quelques cicatrices s'aventurent à divers endroits de ton être. Ancien souvenir douloureux de cette expérience traumatisante.

Tes courts cheveux bruns, souvent ébouriffés par la brise, encadrent un visage aux traits élégants, audacieux et quelque peu féminins. Un charme que semblent jalouser la gent masculine comme féminine. À la fois captivant et sensuel. Héritage de ta mère. Mais ta réelle beauté se cache dans ton regard. Tes yeux, d'un doré profond et envoûtant, semblent capturer et refléter chaque rayon de lumière, comme s'ils renfermaient les secrets du soleil lui-même. Un trait génétique issu d'une modification génétique déjà présent dans le chromosome y de ton père. Assumant cette part de féminité, tu n'hésites pas parfois à agrémenter ce regard d'un léger maquillage noir paré de dorure pour l'accentuer avec outrance. Virilité et féminité se mêlant à loisir sans la moindre honte de ta part. La beauté n'a pas de genre.

Streetwear. Sportwear. Sartorial. Casual-chic. Tous ces styles vestimentaires te vont à ravir. Tu prends du plaisir à en changer au gré de tes envies. Aucune limite à tes yeux tant que ton reflet te plaise. Tu aimes plaire depuis toujours. Et tu sais à quel point l'accoutrement apporte ce petit plus à l'aura que chaque être humain dégage. Cependant tu as toujours eu cette attirance pour les chemises qu'importe leur matière. Tu te sens tellement à l'aise et classe en portant ce simple bout de tissu sur tes épaules. D'ailleurs tu as la fâcheuse habitude de la laisser plusieurs boutons entrouverts. Provocation ou style ? Probablement un peu des deux...

Personnage tiré d'un manga/anime/jeu-vidéo/série

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