Je ne suis pas là pour toi ♠

Avril 2107

Les pieds gelés, bougeant frénétiquement mon point d’appui entre ma jambe gauche et droite, je l’attends devant l’enseigne mal éclairée du premier bar que j’ai trouvé. Mes yeux, dont les paupières sont à demi-closes, tentent en vain de repérer les phares de l’automobile malgré le brouillard ambiant. A cet instant, le temps me paraît foutrement lent. Tellement que je me retrouve à reposer mon attention sur cette phalange présentant encore des traces ensanglantées que j’essaie tant bien que mal de dissimuler sous ma manche tout autant marquée par le spectre des événements passés. Putains de pays de merde, qu’est-ce que j’aimerais retourner en Corée. Je l’ai pensé, je l’ai presque espéré même si je refuse de regretter. Trop tard, c’est déjà fait. Je n’aurais jamais dû m’expatrier.

A cette envie de tout quitter, bien qu’il n’y ait plus aucun moyen de retourner dans le passé, il se met à éclairer le chemin que je dois emprunter en me faisant signe, à l’aide d’un double appel, d’avancer. Il ne m’en faut pas plus pour rejoindre la banquette de l’habitacle réchauffé pour l’occasion.  

- Merci d’être venu.  

C’était vraiment con ce que j’ai dit puisque rien n’est gratuit. S’il est là, c’est uniquement parce qu’un type m’a filé sa carte de chauffeur de taxi indiquant ses initiales H.A. et son numéro à contacter après m’être fait virer pour avoir frappé un type éméché qui tentait d’intimider un groupe de femmes cherchant juste à s’amuser.  

- Faudrait me déposer là.

A ces mots, je sors un bout de papier froissé au fond d’une poche de ma veste indiquant l’adresse de Sun-Mi, ma seule famille, mon seul cousin qui a bien voulu garder Sachi, bientôt 2 ans dans ce nouvel appart’ dont la mémorisation de la rue m’échappe. Je prends soin de le lui déplier avant de le lui tendre, me rendant compte bien trop tard que la couleur grenat imprégnée sur mes doigts a teinté le fond immaculé. Gêné, je me mets à me racler la gorge inconsciemment avant de m’enfoncer au fond du siège passager comme si de rien était.  

C’est ainsi que notre nouvelle collaboration a débuté. Ou plutôt, son travail légal rémunéré complété par des séances de psy improvisées.  

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Mai 2107  

Il est là. Je les reconnais ; ses cheveux décolorés à bord de sa caisse. Enfin, je crois. Qu’importe, j’embarque après avoir aperçu une lampe de panneau de toit ressemblant à l’écriteau “taxi”. Cette odeur, toujours la même, si familière, cocktail léger de cuir et de parfum pas trop dosé, pour l’avoir humée une à deux fois par semaine depuis plus d’un mois.

- Ooooooh t’es enfin là, j'ai failli attendre !  

Pas d’identité. Pas de formalité, juste deux étrangers liés par un service contre quelques liquidités, c’est ce que je me suis persuadé.  

- Bordel j’pensais m’y habituer. J’ai vraiment essayé, je te jure depuis 1 mois ! Mais j’crois que je ne m’y ferai jamais !  

Désespéré, et surtout complètement bourré, je me laisse tomber sur le siège arrière côté conducteur.  

- A chaque verre j’repense à mon grand frère. Qu’est-ce qu’il me manque Shin.... Et mes sœurs, Hana, Ae-Cha et Jae-Hwa ! J’sais ce que tu vas dire alors ne rien pas, baragouine-je en essayant à quatre reprises de boucler la sangle de la ceinture jusqu’à ce que, enfin, un petit clic résonne. J’étais le p’tit dernier et alors ? J’étais pas pour autant le préféré de mes parents, j'dirais même pas que j’étais.....bah le dernier quoi. Genre tout a été épuisé, tu vois ? L’amour, l’affection, la thune –enfin ouais nan la thune ça va –… attends.... j’recommence ; “l’amour, l’affection” trop occupés pour penser à s’acheter des capotes ou à prendre la pilule et s’éviter une charge mentale en plus !

A cette conclusion, s’installe un petit silence le temps que je réalise la vraisemblance avec ma vie actuelle. Quelle insolence de juger la vie d’autrui quand la sienne est littéralement identique, à quelques dates près. Face au constat cuisant, lenteur d’esprit sûrement, un rictus moqueur se dessine sur mon visage pour enfin l’illuminer ; je suis toujours le même baratineur.  

- Non non.... je te vois venir avec ma fille mais que veux tu un chien ne fait pas un chat, j’me suis juste contenté de répéter la tradition familiale.... Non..... t’as raison, en vrai, j’suis juste une merde de 25 ans qui aurait mieux fait d’laisser son enfant se faire adopter par un couple de coréens ; elle aurait sûrement eu plus d’équilibre et de stabilité qu’avec un gamin comme moi qui sors une fois par semaine. Quand j'pense qu'elle va avoir 2 ans dans quelques jours !  

Il m’arrivait ainsi de lui déballer ma vie et la manière dont j’ai toujours profité de mon statut de cadet dès ma naissance à Busan, en Corée du Sud, en 2082 pour sceller la fratrie composée de 3 filles et de 2 garçons. Je pouvais parler de mes parents et à quel point j’en savais peu sur eux pour n’avoir échangé que de petites banalités entre les cris d’épuisement. Après tout, je suis né lorsque ma mère avait déjà 42 ans et mon père 46. Financièrement aisé, mon père était souvent absent pendant que ma mère se contentait de me refiler aux ainés pour s’adonner à son passe-temps préféré ; les achats au centre commercial.  Famille un peu bancale, je n’avais pas trop de lien avec les autres membres car du côté paternel mon père était fils unique et du côté maternel c’était un gros bordel depuis qu’une tante avait décidé de tout quitter pour développer ses dons de voyance au Japon. Tous la traitèrent de folle à lier. Ils n’avaient pas totalement tort en y repensant, fallait être siphonné pour venir de son plein gré.  

Impulsif face à l’autorité pour n’avoir jamais eu à la respecter, j’étais assez turbulant comme gosse, toujours en quête d’attention au point de me faire pitié quand je le réalisais. Je ne sais même plus comment j’en suis arrivé à lui évoquer mes conneries d’enfant à foutre des merdes dans des papiers journaux et à appuyer sur la sonnette avant de m’enfuir en courant. Quant à mon statut d’élève, il ne volait pas plus haut. Toujours dans les derniers lors des classements, mes parents ont dû me payer régulièrement des heures de soutien privées pour arriver à peine à passer de justesse à l’année supérieure. Je me sentais tellement redevable à l’époque que j’avais commencé à bosser comme serveur dans un petit bar de quartier le week-end à partir de mes 18 ans en 2100. Entre le baseball qui occupait pas mal de mon temps libre à cette époque  et qui arrivait à me canaliser, les cours et mon boulot à mi-temps, on peut dire que j’ai commencé à avoir un rythme plus adapté à la vie en société. Finies les parties de jeux vidéo toute la nuit entres potes en pleine semaine ; non, c’était réservé au week-end de libre entre deux sorties en boite. Et même si je traînais souvent avec le même petit groupe d’amis, y avait ce type qui venait d’emménager 2 ans plus tôt que je voyais vraiment plus souvent que les autres parce qu’il était vraiment plus simple à vivre ; Chae-Rok. J’avais beau essayer de le provoquer avec mes taquineries surjouées, rien n’y faisait. Peut-être que c’est grâce à sa patience à toute épreuve qu’il a décidé de devenir pompier mais quoi qu’il aurait choisi, je l’aurai soutenu.  

Je ne sais toujours pas aujourd’hui comment il a fait pour me supporter toutes ces années.  

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Septembre 2107

Ce soir, je suis sorti mais ce n’était qu'un prétexte pour te contacter, je crois. La routine commence à s’installer, j’ai su trouver quelques entreprises à la recherche d’interprète-traducteur indépendant. Tous ces contrats mensuels accumulés m’ont permis de meubler cet appartement intégré dans une petite résidence de 6 logements avec une terrasse dans un quartier familial entouré de parcs et d’une école aux bonnes réputations. Je tape des heures pour tout payer, je n’ai pas vraiment le temps de décompresser. Je suis dégoûté de ne plus voir Sachi comme avant, chez mes parents, où mes heures étaient réduites pour qu’on profite.  

Aujourd’hui, tout ça, c’est fini.  

Depuis mai, j’ai fait passer des entretiens à des personnes habilitées et j’ai fini par trouver une baby-sitter qui me convenait.... à peu près. En vérité, je crois que qui que ce soit, cela ne sera jamais assez bien car à choisir, je voudrais passer tout mon temps avec elle plutôt qu’à des bagatelles. Elle semble l’apprécier, ma fille. Et inversement. Heureusement. Pourtant, elle ne s’est toujours entièrement effacée, cette idéologie de famille unie mais est-ce vraiment important pour Sachi ou l’est-ce pour le petit garçon blessé que je ne suis jamais totalement satisfait ?

Ce genre de discussion, j’aurai pu les aborder avec mes potes d’enfance s’il n’y avait pas les frontières d’un pays qui nous séparaient. Y a les réseaux pour les contacter ou par un message sur leur numéro mais j’ai préféré les supprimer de partout pour avancer sans me retourner. J’étais obligé. Pour m’apaiser et ne pas me sentir asphyxier.  

Alors, quand ça ne va pas, je l’ai, lui.  

Celui qui vient de se garer avec une casquette et un masque sur le parking dépeuplé à cette heure, tous les clients étant encore en train de commander leur première boisson de la soirée. Il est 21 heures 30.  

- Salut.

Moi qui voulais tant parler à quelqu’un que je connaissais, je réalise un peu tard que je ne sais rien de lui. Finalement, ce soir, je vais apprécier l’écouter pour changer. Les espoirs, les projets, les désillusions d’autrui, c’est aussi ça être un ami.  

Enfin ça, c’est ce que je croyais qu’on était.  

Pendant un moment de silence, le vrombissement du moteur comme seule musique surplombant celle des cliquetis de la fine pluie, je crus l’apercevoir. Elle. Sa silhouette, celle digne d’un fantôme du passé comme si je l’avais enterrée en omettant son existence toujours avérée. Elle respirait et vivait dans ce système qui m’a condamné. La mère biologique de Sachi. Mon ex de quelques nuits.  

- Attends ! Ralentis juste !

Un instant, un court instant, d’un seul bond, mon cœur faillit sortir de ma poitrine. Absorbé, complètement obnubilé, j’en oublie de respirer.  

Comment ai-je pu ne jamais envisager la recroiser, ici, dans son propre pays ?  

Toujours aussi belle et élégante. Elancée, comme je l’ai connue avant de m’annoncer être enceinte de plus de trois mois déjà. Je m’en souviens comme si c’était hier.  

Flashback:

- La mère de Sachi.  

C’est tout ce que je réussis à articuler. Mes iris ne peuvent se détacher d’une semelle de chacun de ses pas effectués. Le front collé contre la vitre, l’air chaud expiré forme une buée m’empêchant même de totalement l’observer dans son entièreté. Encore quelques secondes...  

OH.  

J’ai reculé.  
J’en suis sûr, elle m’a repéré.
Je préfère ignorer et continuer comme si rien ne s’était passé.  
Cela sera comme si cela n’avait jamais existé, pas vrai ?  

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Février 2108  

Cela va faire un an que je suis ici et même si je commence à trouver mes habitudes, sortant avec Sun-Mi de temps en temps ou des employés des boites pour lesquelles je traduis, rejoignant Sachi au parc ou à des activités organisées pour les enfants, j’ai du mal. Moi qui ne me suis jamais senti à ma place au sein de ma propre famille, je crois qu’elle ne m’a jamais autant manquée. Quelle ironie. Surtout que là, c’est la fête au sein des couples formés alors j’essaie, depuis la vitre de ce petit café dans lequel je me suis installé pour avaler mon premier repas de la journée, de deviner si ceux se tenant la main ont été forcés ou s’ils le font de leur propre volonté ? Est-ce des couples formés par l’Incontestable ou des personnes heureuses avant l’intervention de celle-ci ?  
Adossé contre le dossier, je finis par prendre mon téléphone en main pour jeter un œil sur les nouveautés de la journée quand un nouveau vent se met à insuffler. Les incontrôlables, qu’ils s’appelaient.  

Pour la première fois, je me sens intégré dans cette société par ma façon de penser bien que moi, je n’ai pas le droit de m’en mêler. Je ne suis qu’un étranger qui est venu pour élever un môme japonais alors je reste éloigné de cette agitation malgré la tentation.  

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Novembre 2108

P’tains mais tu fous quoi au juste ?! Je t’appelle, sans cesse, depuis presque 2 heures. Hors de question d’appeler un autre chauffeur. C’est toi ou personne d’autre. Pourtant, le numéro attribué ne semble plus fonctionner, ton répondeur ne se déclenche jamais. Je ne pige rien de ce qui est train de se passer... ou alors je refuse de l’accepter. Je suis juste trop buté pour abandonner. Ou alors trop con pour ne pas abdiquer quand il le faut. Ou encore pas assez bourré pour pouvoir encore appuyer sur l’icône du téléphone à côté de ses initiales.  

Moi qui voulais causer, comme d’hab. Que tu me racontes tes plans cul, que je surenchérisse avec celui que je viens d’avoir y a quelques minutes. Je t’aurais proposé une bière que tu aurais pu accepter et, si tu avais prétexté le fait que tu sois le conducteur, je t’aurais dit de rester assis pendant 2 heures dans une station pourrie juste pour prolonger cette parenthèse dans nos vies respectives  

Moi qui voulais causer, comme d’hab. Ce n’est pas ton absence ce jour qui a été difficile mais ta disparition brutale et définitive.  

Je me sens exactement comme quand je suis arrivé y a bientôt 2 ans ; seul et regrettant cette décision d’avoir tout plaqué même si je refuse de le prononcer distinctement.  

Je me vois encore assis dans notre salon familial, à Busan. Sachi allait souffler sa deuxième bougie d’ici quelques mois, quand j’ai réalisé que si je l’élevais ici, elle y grandirait en y ayant tous ses repères. Comment annoncer à une jeune femme (post-ado) de 16 ans ou plus qu’elle doit quitter, renoncer à la langue qu’elle a jusqu’à lors parlée, sa famille et ses amis, son école et son quartier, pour aller retrouver des parfaits étrangers ?  

A choisir, j'ai préféré me sacrifier. Après tout, j’avais quasiment 25 ans, je venais de terminer mes études et obtenir mon diplôme grâce à l’aide de mes frangines qui m’ont pas mal encouragé et surtout occupé Sachi le temps de réviser. Après tout, je savais déjà parler Japonais et pour moi, cela serait un choix. Quel choix.... d’accepter de se faire implanter une puce qui allait maîtriser notre avenir familial. Pourtant, à cette époque, ce n’est que comme ça que j’ai envisagé que Sachi accepte de vivre ainsi ; en côtoyant ce mode de vie quotidiennement et en m’ayant pour référant.  

Réellement, jusqu'à récemment, je pensais y arriver... à me persuader que j'avais bien fait mais le vide que t'a laissé me refait douter.

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Octobre 2109

Le mois dernier a marqué la fin du mouvement des Incontrôlables non pas sans un pincement, même si je n’ai jamais pu l’exprimer ouvertement mais j’ai continué ma vie normalement.  

On est le 5 octobre et je viens d’apprendre que l’une de mes sœurs est hospitalisée suite à un accident de voiture. Depuis mon expatriation, nous ne les avions plus revus. Ça fait long deux ans et demi alors sans attendre plus, sur un coup de tête, je décide de prendre deux billets d’avion pour les rejoindre une semaine bien que j’aie dû justifier l’absence de Sachi pour raison familiale.  

En y repensant, c’est peut-être ce qui nous a sauvé.  

Le 12 octobre, alors que nous devions rentrer au Japon en fin d’après-midi, trois typhons viennent de toucher le Japon dans la nuit suivis d’un séisme vers 13 heures. Finalement, le malheur qui a frappé ma sœur nous a permis d’en éviter un autre.  

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Novembre 2111  

Sachi a fêté ses 6 ans en mai dernier. A la même période, un message bizarre était apparu sur le moniteur d'un pote indiquant « system error ». Je me souviens l’avoir simplement omis, après tout, je ne voyais pas comment cela changerait quelque chose.

C’est en réfléchissant à un court séjour à l’étranger que je me suis rendu compte qu’elle n’avait aucune notion d’anglais. Manque de bol, on a dû reporter l'idée d'un éventuel vol. En cause ? L'apparition d'une nouvelle épidémie en juin. Au moins, j'ai eu tout le loisir de repenser à cette idée de cours privés.  J’aurais pu m’en charger en tant que traducteur, je connais l’importance des langues étrangères dans certaines sociétés en fonction du poste souhaité. Pourtant, je me rends compte que je rentre bien trop tard pour encore demander à une enfant de se concentrer. Jamais, elle ne comprendrait, que je ne souhaite pas jouer à la poupée mais la faire réviser.  

Déterminé, j’ai passé une annonce à laquelle plusieurs potentielles enseignantes se sont proposées. Dès l’entretien, il ne m’a suffi que de quelques minutes avec toi, Yua, pour me décider à t’engager pour t’avoir à nos côtés. Pour la première fois, je n’ai jamais été aussi confiant et c’en était pétrifiant. Accueillante et spontanée, un brin ingénue, peut-être l’étais-tu. Ton innocence et ton manque de méfiance m’a attendri en me rappelant Sachi.  

Je ne me suis pas trompé.  

Depuis ce jour, elle la récupère deux fois par semaine à l’école directement pour l’amener à l’appartement. En plus des cours dispensés, du goûter préparé, il lui arrive souvent de rester pour le dîner. Si au départ, c’était une requête exceptionnelle de la petite tête brune, c’est devenu rapidement une habitude aux yeux de tous. Au même titre que lorsque l’on va au zoo ou au centre commercial, on l'appelle pour qu'elle se joigne à nous.  

Si je dois poser des mots sur cette relation ?  
J’en serais incapable.  
A quoi bon ?  
Tu seras toujours là, de toute façon.  

Du moins, jusqu’à ce que le système t’appelle.

C’est sûrement pour ça que je ne veux pas. Je n’ai aucune envie de m’engager, parce que je n’ai rien à y gagner ; si ce n’est que l’on va tous chialer. Et puis, même si je le voulais, je ne saurais même pas comment m’y prendre pour ne pas la faire souffrir alors je préfère, pour la première fois, garder ces fourmillements me transperçant lorsque je la croise de temps en temps et simplement profiter de cette amitié. Enfin ça, c’est ce que je me suis juré. Vais-je m'égarer ou y arriver ?

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Décembre 2111

Et là, je suis mort. Déclaré “mort”. Pourtant, je me vois encore marcher dans la rue. Un instant, l’espace de quelques secondes seulement, l’idée de m’échapper m’a traversé. Je mentirais si je le réfutais mais je l’ai aussitôt signalé. Comment pourrais-je m’en aller ? Je me suis enchaîné de plein gré.  

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Avril 2113

Beaucoup de nouvelles rencontres en début d’année scolaire. Nouvelle rentrée rime souvent avec nouvelles amitiés, que ce soit en cours, dans le quartier ou après les inscriptions aux nouvelles activités. Y a d’abord eu Oliver, le fils de Juliette la nouvelle enseignante de Sachi. Après tout, ils vivent à quelques pas de chez nous alors les croiser n’a rien de surprenant.

Maintenant qu’elle a voulu débuter des cours de danse au dojo d’Eiji, elle ne cesse de vouloir inviter une certaine Hikari dont le grand-frère, Kuro, semble aussi démuni que moi face à tant d’enthousiasme.

Notre vie n’a cessé de se stabiliser avec les années. De par mon boulot de traducteur-interprète indépendant, je côtoie plusieurs employés régulièrement. Quelques potes à l’arrache, un cousin sur qui compter malgré des avis divergents, quelques relations éphémères lors de mes rares sorties nocturnes. Quant à H.A., je ne l’ai jamais revu ni recroisé. Peut-être est-il décédé ou s’est-il sauvé ? Qu’importe, il a décidé de ne jamais me recontacter donc je ne devais pas compter. A part Yua, Juliette et sa baby-sitter, rares sont les femmes qui gravitent dans la vie de Sachi. Le spectre de sa mère me hante encore parfois, lorsque je repense à cette nuit dans ce taxi. J’espère ne jamais la recroiser ici, ma pire crainte serait qu’elle demande à intégrer la vie de sa fille...  De plus, à tout moment, tout pourrait basculer avec l’annonce d’un mariage forcé.  

Je me retrouve avec une double épée à gérer mais je vais y arriver. Et sinon, y a le saké pour aider à oublier.  

Optimiste ou pessimiste.  
Courageux ou froussard.  
Surprotecteur ou laxiste.  
Blagueur ou sérieux.  
Empathique ou égoïste.  
Sociable ou solitaire.  

Chul, c’est tout ça à la fois.  
Un père attentionné, doux et patient qui peut également devenir un mec arrogant, dénigrant et totalement violent. Défaillant, peut être qu’il l’est réellement, il ne le sait plus entre la réalité et les traits qu’il s’est façonnés. A force de jongler entre ses différentes personnalités, il en a oublié qui il est.

On dit que la naissance d’un enfant provoque la naissance d’un parent et c’est exactement ce qu’il s’est passé présentement.  

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Avant ses 23 ans

Jamais vraiment insouciant pour être le cadet d’une famille nombreuse, Chul a toujours appris très jeune à se débrouiller. L’autonomie, ça le connaît mais ça ne l’a pas empêché d’éprouver un manque total d’intérêt pour étudier. Lui, il a toujours préféré sortir pour s’amuser ou encore passer son temps à jouer à des jeux en ligne sur ses consoles adorées. Proche de ses sœurs pour l’avoir élevé en tant que petit dernier, il leur aurait tout donné ; de son argent jusqu'à son temps. Avec son frère, c’était un peu plus conflictuel mais il a remis la faute sur une éventuelle jalousie pour avoir accaparé toute l’attention de leurs grandes sœurs. Pourtant, ça ne les pas empêchés d’aller régulièrement au ciné ou de finir bourrés dans un bar du quartier. Non, leurs embrouilles s’étaient toujours pour des merdouilles pour savoir qui a raison, qui va réussir à pécho la nana en question, qui a la plus longue s’ils la sortent du pantalon. Au sein de sa famille, hormis ses parents à qui il en a toujours voulu énormément pour l’avoir conçu inconsciemment, c’était un pilier sur qui on pouvait compter.  

En cours, c’était différent. Encore et toujours noyé dans la masse, il avait déjà appris dès petit à se démarquer pour exister. Rires exagérés, blagues pourries à raconter pour se la jouer, inscription à un club sportif pour l’intégration. Tout y était, même l’égo surdimensionné du petit con qu’on a envie de frapper. Il ne manquait aucune occasion pour se faire remarquer, son but ayant été de se sentir vivant et important aux yeux des personnes l’entourant. Petit ami attentionné les premiers jours avant de baiser le premier baiser, il se lassait ensuite rapidement avant d’y mettre un terme définitivement. Vu comme un simple connard souvent, c’était plus profond pour avoir toujours cette impression que ce n’était plus suffisant une fois la routine installée et les papillons dans le bide envolés. Au fil des années, sans le remarquer, il les a alors enchaînées, les conquêtes sans vraiment se soucier de ce qu’elles pensaient ou si cela pouvait les blesser. Après tout, il était le petit dernier à qui ses grandes sœurs avaient tout donné et se cachait souvent derrière cette excuse pour se dédouaner.  

En amitié, il était tout le temps dans l’excès ; tout ou rien, la frontière était inexistante tant ces notions s’entrelaçaient et se mélangeaient. Rancunier, il ne manquait jamais de faire preuve de franchise acérée pour dire le fond de sa pensée quand quelque chose lui déplaisait. Prendre sur soi ? Cela ne le concernait pas. C’était pareil du lycée à l’université, ce qui lui a valu plusieurs remontrances mais jamais suffisantes pour le faire changer et gagner en maturité. Après tout, c’était sa manière de se sentir exister alors qu’importe si sa présence emmerdait, c’était toujours mieux que d’être ignoré. Pourtant, réellement apprécié ou illusion par l’effet moutonnier de la société, il était toujours entouré. Vraiment apprécié ? Il ne le sut jamais. Cependant, malgré son fort caractère, il sera présent en cas de galère.

Après ses 23 ans

Volontairement, mais aussi inconsciemment, Chul a fini par changer après la naissance de Sachi. Cela a même commencé avant, dès qu’il a su que sa dernière conquête en date attendait un enfant.  Il était là, l’événement le plus marquant qui a annoncé le changement brusquement.  

Passant du protégé au protecteur, le poids des responsabilités qu’il s’est infligé pour que tout soit parfait l’a submergé. Attaché à ce petit être dès que leurs regards se sont croisés, il s’est juré que jamais il ne laisserait Sachi ressentir le désintérêt de son propre parent. Pourtant, à cette promesse s’est tout de suite greffée une difficulté qu’il ne pouvait maîtriser ; l’abandon de sa génitrice. Trop exigeant, il a voulu combler cette absence sans jamais que cela ne soit satisfaisant. Que cela soit l’obtention de son diplôme pour exercer sa nouvelle profession, sa décision d’expatriation, ses heures supplémentaires pour se louer une maison, ce n’était jamais assez pour l’empêcher de ressentir cette culpabilité qui s’est mise à le ronger sans jamais l’exprimer sauf lorsqu’il n’est pas exposé à la présence de Sachi.  

Rares sont les fois où il s’autorise une sortie mais lorsque c’est le cas, alcool ou pas, ses réactions sont décuplées comme si tout ce qu’il retenait avait besoin de s’extérioriser. Relation à la va-vite au détour d’un chiotte minable, insultes exagérées pour une simple bousculade, coups échangés pour une remarque à deux balles. Rien n’y fait, ce pays et son système ; il le hait.  

Inébranlable sur les valeurs qu’il s’est imposé, bien qu’elles soient souvent trop élevées pour un seul homme d’une trentaine d’années, Chul réussit avec brio à cacher ces côtés obscurs qui ne cessent de l’absorber un peu plus chaque jour.  
Désormais avec peu d’amitiés, il passe tout son temps avec son enfant de bientôt 10 ans. Les seules personnes que Sachi côtoie sont ses amis au masculin qui peuvent se compter sur les doigts d’une main. Quant aux femmes, il évite de s’en approcher sous les yeux de sa fille pour qu’elle ne ressente aucune envie de s’y attacher et d’être blessée par le vide que cette nouvelle présence féminine pourrait laisser. Les seules étant pleinement tolérées sont celle de sa gardienne rémunérée et sa prof d’anglais mais elles ont été soigneusement sélectionnées pour la confiance qu'il doit leur accorder... C’est à se demander si ses choix ont réellement été motivés pour le bien être de Sachi ou pour le sien.  

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Se déconstruire pour mieux se reconstruire, c'est ce que Chul a tenté de faire mais on dirait que l'un et l'autre n'ont jamais cessé d'exister. Cohabitant depuis tout ce temps, il suffit d'un événement pour réveiller de manière amplifiée ses démons du passé.

A côté de cette ambivalence qui fait dissonance, il a ses préférences :  

: les jeux vidéo, les plats coréens tels que le kimchi, les tteok-bokki & le bibimbap, les femmes belles naturellement, le tact (à défaut d’en avoir, il l’apprécie chez les autres), la ponctualité, la bière et le saké, les séries en anglais, le footing et les sports collectifs, les comics, les bains moussants

: les pleurs, l’eau froide, les inconnus trop intrusifs, la musique classique et la K-pop, les odeurs fortes comme le tabac ou la transpiration (la nourriture étant exclue de cette règle)

C’est le gars habituellement aux cheveux noirs (de naissance) mais qui peut se les décolorer en blond, en blanc ou encore ressortir avec une teinture bleue schtroumpf sans hésiter. Que ce soit pour attirer, narguer, provoquer ou tout simplement faire plaisir à sa pré-ado préférée, il n’a pas vraiment d’objection à servir de cobaye humain au nom de l’innovation. D’après ce qu’on dit, il n’y a que les cons qui ne changent pas d’avis.  
A côté de ses colorations parfois extravagantes, sa coupe de cheveux est quant à elle régulièrement la même ; courte dans l’ensemble avec un peu plus de longueur sur la partie supérieure pour pouvoir se coiffer de différentes façons.  

Dans la continuité de la description de son visage carré, si ses cheveux sont ébènes, son regard mélancolique l’est tout autant. Caractérisé par des traits faits et une mâchoire saillante, il est vite repéré dans la foule en raison de son 1 mètre 81 qu’il veuille s’exposer ou simplement se fondre dans la masse des Japonais.  

Sa garde-robe est à l’image de sa double personnalité ; contrastée et bicolore.  

Lui qui peut tant apprécier et rechercher l’attention lors de ses pulsions d’exhibition par ses cheveux teints et le port de bijoux à outrance tels que les longs colliers en acier, les bracelets, les montres voire des piercings au tragus ou à son lobe l’oreille. Il ira jusqu’à compléter son look par des vêtements colorés accompagnés d’une paire de baskets à motif pouvant représenter des formes géométriques, à la constellation ou même un imprimé léopard.  
Ce look extraverti en quête d’individualité et de démonstration de personnalité est plutôt réservé à ses soirées entre potes ou avec de parfaits étrangers.  

C’est aussi lui qui, aimant participer à des sports collectifs comme le baseball, peut enfiler un jogging gris hyper large pour se taper un petit footing suivi d’une session de basket sur un vieux terrain inutilisé tout en passant inaperçu. Ni taillé ni musclé, il se contente de se maintenir en forme - du moins, c'est ce qu'il prétend car en réalité c'est juste pour pouvoir manger en toute impunité tout ce qu'il lui plait sans se transformer en cochon prêt à se faire embrocher pour la prochaine fête sacrée.

Pour finir, en semaine, lorsqu’il doit se rendre dans différentes entreprises pour des demandes de traduction, il aura tendance à privilégier la banalité à l’excentricité. Petit blaser noir ou bleu foncé surpassant une chemise blanche, un pantalon de costard ajusté en toile et une paire de mocassin sans oublier la cravate pour plus de professionnalisme lui sembleront plus appropriés bien qu’il se sente souvent étouffé par tant de formalités. C'est uniquement parce qu'il se sent obligé de s’y conformer... s’il souhaite pouvoir assumer la vie de famille qu’il s’est imposée.   

Par contre, quelle que soit la destination, Chul préfèrera utiliser juste un peu de déo quitte à se doucher deux fois par jour plutôt que de se parfumer, les odeurs fortes lui donnant rapidement la migraine. A retenir ; il n'hésitera à boycott quiconque cocotte.

Personnage tiré d'un manga/anime/jeu-vidéo/série

Code:

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