Wanna have fun !

- Je suis désolé Madame Ishizawa.

La nouvelle était tombée. Naoko Ishizawa était stérile. Une nouvelle atroce pour une femme qui avait toujours rêvé d’avoir un enfant. Alors quand elle s’était mariée à Takanori, elle n’avait voulu qu’une chose, porter leur progéniture. Mais on en avait décidé autrement pour elle. Peu importe, elle l’aurait cet enfant. Il avait d’abord été question d’une mère porteuse, mais Naoko ne se sentait pas à l’aise de voir une femme porter l’enfant de son mari. Quelque part, c’était comme s’il allait avoir une autre mère qu’elle et ça, elle ne le supportait pas.

Naturellement, l’adoption avait été envisagée. Une procédure longue, coûteuse. De ce côté-là, le couple n’était pas à plaindre. Naoko était une peintre assez connue et Takanori lui, travaillait dans la finance. Ils gagnaient très bien leur vie. Quand la décision fut prise, Naoko avait tenu à adopter un enfant qui n’avait pas eu la chance d’avoir de parents. Elle ne voulait pas d’un nouveau-né. Alors ils se rendirent dans un foyer où résidaient des enfants abandonnés, battus ou peut-être pire…

Dès leur première venue, leur cœur avait balancé pour un petit garçon du nom de Raiden. Un gamin haut comme trois pommes, avec un visage occidental et de grands yeux bleus. Il était toujours assis dans le coin d’une pièce, à lire des livres d’images. Naoko et Tanakori avaient rapidement eu le coup de cœur pour ce petit garçon et s’étaient décidé à l’adopter.

- Raiden a bientôt six ans. On l’a trouvé seul avec son doudou devant le foyer, tout ce qu’on a trouvé sur lui c’est une lettre de sa mère. Personne ne sait d’où il vient. Ca fait presque deux ans qu’il est ici. Vous êtes les premiers à vous intéresser à lui. Ce gamin est un peu bizarre. C’est un solitaire, il ne parle jamais aux autres et préfère rester dans son coin. On a essayé de lui faire faire des activités en groupes mais…il est très discret. On lui a fait passer tous les tests psychologiques nécessaires, pas de troubles apparents….

Plus Naoki écoutait, plus elle ressentait au fond d’elle que cet enfant était surement celui qui avait le plus droit au bonheur. C’est ainsi qu’en 2098, Raiden était devenu Raiden Ishizawa.


2107, Raiden a désormais 16 ans. Durant son enfance, ses parents lui avaient tout donné. Ils cédaient à toutes ces demandes disaient oui à tout, ne se plaignaient jamais des bêtises qu’il pouvait faire et lui pardonnaient tout. Enfant peu difficile, choyé, aimé, mais toujours aussi seul. Mais il restait souvent mutique et seul dans son coin. Le collège avait été traître. Raiden, c'était l'enfant un peu bizarre dans le coin de la cours qui dessinait sur des feuilles, qui ne parlait à personne, qui s'asseyait au fond de la salle. L'enfant adopté, qui n'avait pas de vraie famille. Durant trois ans, il avait subi du harcèlement, que se soit physique, ou moral, sous l’impuissance de ses parents qui malgré plusieurs alertes au directeur, n’avaient rien pu faire à cause du silence de leur fils, qui ne disait rien sur ses harceleurs. Par peur de représailles encore plus grandes. Des insultes, des menaces, des violences. Il était revenu chez lui avec des blessures un nombre de fois trop important. Il avait tenté de faire l’école buissonnière pour ne pas avoir à subir la présence de ses camarades. Mais son absentéisme avait évidemment été signifié à ses parents qui malgré tout, tenaient à ce qu’il fasse de bonnes études. La seule solution qu’ils avaient trouvée, c’était de le faire changer d’école. Trois ans, trois collèges, la même histoire. Durant ces années-là, Raiden s’était renfermé sur lui-même et passait son temps libre dans sa chambre à dessiner, écrire mais aussi s’intéresser à d’autres sujets que l’école, notamment les plantes et les fleurs, qu’il avait toujours trouvé belles et attirantes.

Depuis son adoption, il avait souvent des rêves étranges, un endroit sombre dans lequel il était enfermé. Peut-être un vestige de sa plus jeune enfance. Mais il considérait tout de même Naoko et Takanori comme ses parents, après tout, c’est eux qui l’avaient élevé. Il n’avait pas posé plus de questions, il aimait ses parents, c’est eux qui avaient toujours été là alors il ne lui semblait pas utile d’en savoir plus, du moins pour le moment et surtout à cet âge.

La fin du collège avait été un soulagement, mais ne l’avait pas laissé indemne. D’enfant solitaire mais heureux d’être avec ses parents, il était passé à adolescent seul, sans aucune confiance en lui. Combien de fois dans le miroir il avait essayé de se tirer les yeux, ne serait-ce que pour espérer qu’ils se plissent un peu, pour au moins ressembler à un japonais, un vrai. Puis un matin, pendant les vacances scolaires, il tomba sur la lettre de sa mère biologique en cherchant un vêtement dans la chambre de ses parents.

Cette lettre l’avait totalement bouleversé. Il avait eu une mère qui l’avait aimé. Qui l’avait abandonné pour son bien. Une mère qui, au vu de ce qu’elle lui a écrit, n’était probablement plus de ce monde mais qui avait voulu lui donner une chance. Une chance qu’il gâchait, à fuir le monde qui l’entourait. Ce moment avait été dur, pour lui et pour ses parents qui lui avaient caché cette lettre, pour le protéger et ne pas réveiller de potentiels traumatismes. Raiden ne leur en avait pas voulu bien évidemment. Jamais il n’aurait pensé que savoir ça le bouleverserait autant. Mais cette lettre avait fait révéler en lui un second souffle. Son apparence physique ne devait pas lui gâcher la vie. Il s’était alors promis qu’à partir de ce jour, il serait heureux, pour lui, pour elle, et pour ses parents.

Le lendemain, il avait décidé de changer d’apparence. Avant de plaire aux autres, il fallait bien se plaire à soi-même non ? Raiden s’était longtemps caché dans des vêtements noirs et amples. Mais tout ça était terminé maintenant. Il fallait qu’il vive, qu’il s’assume tel qu’il était. Il était temps de changer. Même si ça lui faisait peur, il avait le soutient incontestable de ses parents qui lui avaient toujours dit qu’être soi-même était ce qu’il y avait de plus important dans la vie. Alors il alla chez le coiffeur, et commença par se décolorer les cheveux. Quitte à ne pas avoir une tête d’asiatique, autant le faire jusqu’au bout.

Son style vestimentaire changea lui aussi. Il opta pour la couleur, qu’il avait toujours préférée au noir. Il était allé faire les boutiques avec sa mère pour se prendre une nouvelle garde-robe plus fun, plus colorée. Il s’y sentait bien, étrangement, cela lui donnait un peu plus confiance en lui. Il se sentait fort avec son nouveau style. Au même moment, il appris qu’il avait été reçu dans une école qui enseignait l’Ikebana, l’art floral. Tous ces changements avait fait ressortir une énergie folle en lui, une énergie qu’il avait contenue toutes ces années.

A la rentrée, tout allait mieux pour lui. Il avait fait quelques connaissances qui semblaient l’apprécier. Il avait appris à être avec les autres, du moins, à faire face à ses angoisses pour discuter. Mais il s’était coupé du monde pendant si longtemps qu’il avait toujours du mal à savoir comment agir. Cela se traduisait par un débit de parole et une franchise qui en avait fait fuir plus d’un sans qu’il ne comprenne vraiment pourquoi. Seul Uzui, un camarade de classe, avait réussi à le cerner un peu, et restait avec lui, il avait au moins un ami. Enfin, une connaissance. Il avait toujours du mal à faire confiance aux autres et même si Uzui était gentil avec lui, Raiden n’était pas attaché, au moins, si jamais il le trahissait, il n’aurait pas de regret, n’est-ce pas ?

2108, Big Bang Kiss. Raiden s’était fait une frayeur cette nuit-là. Il se trouvait tout près d’une explosion alors qu’il sortait d’un bar avec Uzui. Sans vraiment le vouloir, il s’était retrouvé en pleine manifestation et quand il vit le monde s’agiter autour de lui, il avait été pris de panique. Avec la foule, il avait perdu de vue son camarade. Victime d’une violente crise d’angoisse, il avait fini par se faire renverser par une vague de gens apeurés et avait fini à l’hôpital jusqu’au matin. Après cet évènement tragique, une violente phobie de la foule s’était développée chez Raiden, qui depuis, refusait catégoriquement de prendre les transports et évitait à tout prix les rues les plus bondéesde Tokyo. Alors il s’était fait offrir un vélo pour son anniversaire, puis se mit à la marche et à la course.

2109, une catastrophe naturelle sans précédent avait frappé le pays. Fort heureusement, Raiden et ses parents n’ont pas été touchés. Mais cet évènement tragique l’avait encore plus conforté dans son idée que la vie ne tenait qu’à un fil et qu’il fallait en profiter chaque jour. Depuis, pas un jour ne s’était passé sans que Raiden s’empêche d’être heureux, quoi qu’il arrive. Il gardait toujours le sourire, même dans les moments difficiles, il essayait toujours de trouver un côté positif.

2111 fut une année des plus terribles, pour tous. Durant le système ERROR, ça avait été un peu la panique dehors et Raiden avait de plus en plus de mal à sortir de chez lui. Puis ensuite vint l’épidémie un mois plus tard. Cette fois-ci, c’était son professeur d’art floral qui fut touché et qui décéda quelques mois plus tard. Il fut remplacé par un nouveau et bien que Raiden s’était prit d’une véritable passion pour cet art, personne ne pourra remplacer Mr Cheng, avec qui il avait noué des liens très forts pendant ses études.

Puis en Décembre, l’évènement qui fut appelé Soosaku fit son apparition, déclarant certaines personnes comme mortes. Uzui, qui venait à peine d’être marié, en avait profité pour s’enfuir. Personne ne sait ce qu’il était devenu. Raiden avait perdu son seul « ami ». Enfin, est-ce qu’un ami disparaîtrait du jour au lendemain sans prévenir ? Cependant, il espérait qu’il était toujours vivant.

Raiden n’avait jamais vraiment compris le système dans lequel il vivait. Il se disait que de toute façon, il n’avait pas tellement le choix. Il fallait qu’il vive avec ce système et qu’il essaie de faire confiance à l’Incontestable, même si parfois, le manque de liberté l’ennuyait. Cependant, l’Incontestable était sûrement le seul qui pouvait peut-être, enfin, lui trouver quelqu'un qui pourrait l'aimer et qu'il pourrait aimer en retour…

Ce n’est qu’en avril 2112, alors qu’il avait 22 ans, que la vie reprit son cours normal. A ce moment-là, Raiden était en stage chez un fleuriste. A la fin de l’année, il avait eu son certificat avec les compliments de son maître et fut engagé en tant qu’artiste floral dans la boutique où il était.

Cela fait maintenant deux ans que Raiden travaille. Il vit encore chez ses parents bien évidemment, ne gagnant pas assez pour avoir son indépendance. Il aimait son travail et le faisait avec passion. On avait plus ou moins fini par l’accepter, les gens devenaient probablement plus matures avec le temps. Raiden gardait toujours sa bonne humeur et son sourire. Mais parfois, son passé le rattrapait. Parfois, tout s’assombrissait autour de lui et dans ces moments-là, il n’était qu’une ombre en train de planer sur un monde qui l’effrayait. Ces moments-là ne duraient pas longtemps, mais ils étaient-là, ces traumatismes qu’il voulait enfouir derrière son sourire et son visage d’ange.