Elya Hart

Nous parlons ici de quelqu'un plutôt crédule. Il est facile de faire croire à Elya que le père Noël existe, si tant est que vous ayez des explications convaincantes sur son existence. Il y adhérerait sans problème !
Ceci étant dit, s'il y a une chose a laquelle il adhère moins, c'est l'Incontestable.

Lorsqu'il était adolescent et qu'il devait suivre en cours, les explications du pourquoi et comment l'Incontestable était une bonne chose pour le pays et pourquoi c'était nécessaire, il aurait préféré pouvoir sécher ces cours. Il trouvait ça horrible d'imposer aux gens de vivre avec un inconnu et de les obliger à essayer de se reproduire. Rien qu'à cette pensée, il en avait un frisson et pas un bon ! C'était d'ailleurs à cause de cette pensée qu'il n'était pas fan de l'incontestable et c'était quelque chose dont il ne parlait à personne. Oh bien sûr, il voyait des aspects positifs, les avantages économiques, bla-bla-bla. Mais ça ne lui convenait pas ! Il avait toujours été désintéressé par l'aspect charnel d'une relation. Pire, certains points provoquaient en lui une parfaite répulsion. Et il n'y pouvait rien, il était comme ça, c'est tout.

Il avait 17 ans lors de la première manifestation anti-Incontestable. S'il avait pu y participer, il l'aurait fait ! À l'époque, il avait fabriqué en cachette une pancarte et était prêt à marcher au côté des Incontrôlables !
Petite parenthèse toutefois, Elya n'est ni adhérent, ni hostile envers ce groupe. Son avis s'est même teinté d'un peu plus de noir lors des explosions qui ont eu lieu à cette même manifestation. Il n'a pas eu besoin d'attendre le battage médiatique qui en a découlé pour penser par lui-même que c'était peut-être un acte terroriste causé par les incontrôlables eux-mêmes… Finalement, il a été soulagé de ne pas y avoir participé. Et après ça, il avait renoncé à l'idée de participer à tout autre regroupement, même pacifique, qu'ils organisaient. De toute manière, ce groupe n'avait pas duré longtemps, le gouvernement y avait veillé, ça réglait la question…

Revenons maintenant à la raison qui n'avait pas permis à Elya de devenir un jeune rebelle.
Contrairement à lui, sa famille est très partisane de l'Incontestable. Pour cause, ses parents s'étaient rencontrés et mariés grâce à ça et forcés de constater que ç'avait été une totale réussite. Ses parents s'aimaient profondément et n'avaient de cesse de répéter, eux aussi, à leurs enfants, à quel point c'était merveilleux. Dans ce contexte, il était difficile pour Elya de leur parler de ses doutes et de ses peurs et de participer à des manifestations dans le secret, il aurait trop culpabilisé vis-à-vis d'eux. Il avait donc choisi d'y renoncer.

Il avait des origines anglaises du côté de son père. La famille avait immigré bien avant la création de l'incontestable. Elle était présente depuis au moins trois générations et ils avaient toujours pu garder ce nom anglais. À croire qu'ils avaient toujours engendré beaucoup de garçons et que la génétique avait préféré les gênes anglais. Sinon, il n'aurait pas hérité de la blondeur de son arrière-(arrière ?) grand-père ? Il faudrait qu'il jette un œil à son arbre généalogique à l'occasion…
Bref ! Il avait aussi un frère aîné, Joshua, tout aussi blond que lui… et tout aussi adepte de l'Incontestable que le reste de la famille. Il n'était pas fan de son frère et c'était un euphémisme. Depuis tout petit, Joshua n'avait eu de cesse de l'intimider, voire de le brutaliser. Là encore, il était difficile de se confier à quelqu'un comme ça... Et les choses allaient empirer.

Ses parents étaient propriétaires d'une brasserie à Shinagawa, proche de la baie. L'établissement marchait bien, ils avaient largement de quoi vivre. Ils ne manquaient de rien. Jusqu'à ce jour en octobre 2109 où ils ont tout perdu.
Cette nuit-là, ses parents étaient restés tard à la brasserie, bien après la fermeture, pour tout nettoyer, ranger, faire leurs comptes et inventaires. Elya et Joshua étaient habitués à voir leurs parents rentrer tard le soir. Mais, en ce matin du 11 octobre, jamais ils ne se seraient doutés que c'était la dernière fois qu'ils les voyaient partir travailler…

Un terrible séisme suivi d'un tsunami a totalement balayé la baie. La brasserie a été complètement dévastée. Il n'en restait plus rien et leurs parents ont été présumés morts. On n'a jamais retrouvé les corps.
Elya n'a pas eu la force de se rendre à la commémoration l'année d'après. Seul son frère y est allé.

Après ces tragiques événements, les deux frères étant majeurs se sont installés ensemble dans un petit appartement à Toshima. Son frère, âgé de vingt-et-un ans à l'époque, se trouve un bon emploi dans une agence de publicité alors qu'Elya se cherche encore. Il aime le dessin, il aimerait aller en école d'art. Son frère refuse de payer ses études et le jeune homme se retrouve à enchainer les petits boulots tout en devant gérer la fin de ses études. Tandis que Joshua continue à lui en faire voir de toutes les couleurs, le rabaissant en permanence. La cohabitation devient extrêmement compliquée, surtout que l'homme, sujet au stress de son travail et de son emploi du temps, décharge la majorité de sa frustration sur son petit frère.

Il y a pourtant eu un gros évènement qui a encore plus perturbé Elya que l'attitude du frère.

Au fil du temps, le jeune homme comptait sur l'intervention de l'Incontestable pour éloigner Joshua de lui. Ça le perturbait de trouver soudain ce système pratique et désirable… Mais ils ne recevaient aucune lettre. La personnalité de son frère était-elle si exécrable que l'ordinateur ne lui trouvait personne ?
Il en venait presque à souhaiter qu'on lui trouve quelqu'un pour lui-même. Lui, Elya ! Enfin… presque !
Sauf que, bien sûr, quand il a ce genre de fantaisie en tête, bam ! L'Incontestable est en panne. Sérieusement ? Il allait devoir vivre combien d'années avec son frère ? Il ne pouvait pas vivre par ses propres moyens et de toute façon, Joshua, qui semblait extrêmement possessif, n'avait pas l'air de vouloir le laisser déménager. Ce furent les quatre mois (durée de la panne de l'Incontestable), les plus étranges, sur le plan émotif, qu'Elya avait vécu. Des émotions contradictoires l'avaient profondément perturbé, le rendant presque malade physiquement.

Il faut dire qu'une étrange épidémie avait frappé les Japonais. Et il se demandait si une sorte de psychose ne s'était pas réveillée chez lui, lui faisant penser qu'il en était atteint. Mais ni lui, ni son frère n'avaient eu de troubles graves. De légères migraines, peut-être ? Ils avaient été chanceux sur ce coup-là… Car beaucoup de gens malades avaient causé bien des problèmes au gouvernement. Cela dit, Elya n'en était nullement chagriné.

Il était toujours préoccupé par la panne de l'Incontestable, si bien qu'il s'était réfugié dans le dessin en tentant d'éluder tout ce qui se passait autour de lui. Jusqu'à ce que le gouvernement ait dû recenser la population. Ça lui rappelant le (gros) mauvais côté de l'incontestable. Leur surveillance constante et finalement, leur peu de liberté. Pire, quand il avait dû se faire implanter une nouvelle puce… Soi-disant pour les protéger d'une nouvelle épidémie. Il ne croyait plus à rien ! Il était devenu très méfiant au sujet de son gouvernement, encore plus qu'avant.

Quelle période stressante et d'isolation qu'il s'est forcé à adopter.  En évitant la télévision et en se mettant des œillères pour tenter de bloquer les informations peu réjouissantes qui lui parvenaient malgré tout, des conséquences de l'épidémie.

Heureusement, après toute cette période confuse, son esprit redevenait plus clair et ce, avec le retour de l'Incontestable.

De nouveau opérationnel, l'ordinateur avait enfin trouvé à son frère sa « moitié ». Elya en était ravi, il le verrait beaucoup moins ! Mais, il devrait à présent tenter de s'assumer financièrement, même si son frère, aussi salaud soit-il, continuait de lui donner un peu d'argent lui permettant de garder son appartement et d'avoir de quoi se nourrir.
Il finit par obtenir un emploi stable dans une supérette deux ans après la fin de ses études. Ce n'était pas le travail de ses rêves, mais c'était suffisant. Il se contenterait de dessiner à ses heures perdues.
Il continuait de s'isoler, d'éviter les chaînes d'information. La vie à son domicile était devenue calme et sereine. Cela le conforta dans l'idée que seul, il était bien mieux et que de devoir cohabiter à nouveau avec quelqu'un serait sûrement une expérience pénible pour lui. Chaque matin, il croisait les doigts pour que l'Incontestable ne lui ait trouvé personne.

Si Elya évitait de s'informer, il avait été difficile de passer à côté de l'élection de leur nouveau premier ministre. Pour le coup, il était devenu un peu plus attentif aux nouvelles et s'était même mis à suivre attentivement le programme de ce dernier et les annonces qu'il allait faire. Il espérait que, soyons fous, Sakai Mamoru propose un délai plus long entre les rapports sexuels chez les couples mariés.
Oups… ça l'aurait au moins un peu « rassuré », seulement un peu sur son avenir…