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. : . 17/06/2114 . : .
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Curieuse journée
Qu’est celle de deux jeunes mariés.


J’ai passé mon temps à éviter Naoki… C’est mal, je sais. Toutefois, j’ai eu l’impression que nous étions deux pour participer à ce petit jeu…

Le réveil s’est révélé particulièrement compliqué. De coutume, sortir des bras de Morphée m’est long et pénible : mon corps a besoin d’au moins une vingtaine de minutes avant d’enfin daigner émerger. Alors, avec une quasi nuit blanche où j’ai repoussé le plus longtemps possible mon arrivée dans le lit conjugal et la difficulté à sombrer à cause d’une présence à mes côtés, ma carcasse s’est rebiffée. Elle a mis une éternité avant de trouver l’énergie nécessaire pour me lever... Combien de temps lui a-t-il fallu ? Une heure ? Davantage ? Impossible d’en être certain... Le fait est qu’il était déjà très tard lorsqu’elle y est parvenue, puisque mon portable indiquait dix heures quarante-cinq. Bon sang ! Même avec ça, j’avais dormi quatre ou cinq heures. Quelle déveine !

Tel un zombi las et épuisé, je me suis alors traîné jusqu’à la cuisine pour me servir un café. Pour être honnête, j’ignore si mon époux était présent ou non. La fatigue était telle que mon ouïe engourdie ne percevait rien d’autre que les battements de mon cœur. Par ailleurs, mes cheveux en bataille me voilaient les yeux et hors de question de faire l’effort de les en dégager... Tout ce que j’ai vu, c’est que la cafetière était branchée et que les stocks que j’avais ramenés, puis rangés, étaient toujours là. Machinalement, j’ai inséré une dosette et je me suis avachi contre le plan de travail, tout en songeant à la triplette quotidienne.

Un baiser.
Un repas.
Une activité.

Satanés devoirs conjugaux ! Comment mon père et certains potes avaient-ils fait pour s’y plier sans hésiter ? Avaient-ils préféré tout réaliser d’un coup, ou bien avaient-ils espacé les directives pour se laisser du temps ? Tombe-t-on aisément sous le charme de sa moitié ? Pour Papa et Inaya, ça avait été une évidence. Or, ça ne semblait pas être le cas ici… Surtout pour le petit brun qui avait espéré une femme ! Cette piqûre de rappel a aussitôt agi comme une gifle. Je me suis alors penché en avant puis, un gémissement plaintif m’a échappé, tandis que j’enfouissais mon visage dans le creux de mes paumes. Tsss ! Même après tout ce temps à réfléchir, les doutes étaient toujours là…

- ‘Fait chier… Ai-je ensuite grogné d’une voix éraillée.

Faire la conversation à un inconnu est laborieux. Non pas que je manque d’idées de sujets de discussion, mais il me faut surtout un temps d’adaptation avant d’oser être moi-même… C’est sans doute pour ça que je n’ai pas souhaité me confronter au salaryman dans l’immédiat. En fait, je ne l’ai même pas cherché ! Au lieu de quoi, j’ai emporté mon café pour retourner m’isoler dans la chambre. En véritable loque humaine, je me suis glissé sous les draps en espérant grappiller quelques nouvelles heures de sommeil. En vain... L’aiguille du cadran a tourné et je n’ai réussi qu’à perdre mon temps.

Toujours dans l’optique de jouer au chat et à la souris, mes jambes m’ont finalement porté jusqu’à la salle de bain sur les coups de midi. Hélas, le jet puissant de la douche n’a pas réussi à me détendre. Plus les secondes défilaient, plus j’avais la sensation que le nœud de mon ventre se nouait inexorablement. Un esprit rationnel parlerait de faim. Après tout, je n’avais encore rien avalé et mon estomac n’avait pas été franchement comblé la veille… La logique aurait voulu que je me nourrisse avec mon compagnon, quitte à commander sur une appli ! Nous aurions passé un moment sympathique ensemble et aurions essayé d’apprendre à nous connaître ou, à défaut, à nous organiser dans notre nouveau quotidien. Nonobstant, je suis quelqu’un de buté… Surtout lorsque je suis contrarié ! Ainsi, j’ai interprété ma douleur ventrale comme une réaction à de cette brutale union. J’angoissais. Tout simplement ! Alors, pour éviter de me lamenter, j’ai opté pour recracher tout ce stress avec de la musique.


Curieuse journée
En tandem, qui va pourtant devoir bientôt commencer…


Je ne sais pas depuis combien de temps mes doigts caressent les cordes. J’ai cessé d’y faire attention après le troisième morceau. Oh, il y a bien le déroulé d’hier et de ce matin qui repasse en boucle dans ma caboche toutefois, la réalité ne fait actuellement plus partie de mes préoccupations. Tout ce qui compte, c’est d’expulser le trop plein avec ma voix et mes mains. Or, cette petite séance me fait le plus grand bien. Je dirais même que je commence, ENFIN, à retrouver un tant soit peu d’énergie. Un miracle !

Casque aux oreilles et dos à la porte, mon dévolu s’est jeté sur ma guitare électrique, avec des titres qui pulsent, histoire de me faire violence et de me sortir de ma léthargie. Au début, il y a eu quelques fausses notes ainsi qu’un léger train de retard. Cependant, j’ai pris le pli et me voilà à fond depuis une dizaine de minutes.





- Say what you want, but you’re not getting through to me… Can you take it, can you take it ! Pray if you want, but you can't get a piece of me… Can you save this, can you save this !

Pour me mettre dans l’ambiance, mon pied droit tape le sol à chaque fois que la batterie est censée intervenir. C’est frénétique. En rythme. De quoi m’enfermer encore plus dans ma bulle. D’avance, je plains nos nouveaux voisins ! Ils sont tombés sur un mec ayant souvent besoin de jouer pour respirer. Jusqu’ici, nous avions notre propre maison et ma famille s’est toujours montrée très tolérante avec ma passion. Hélas, je doute que les locataires de cet immeuble soient du même avis ! Tôt ou tard, j’aurai des problèmes… Je vais devoir apprendre à être moins expansif, à respecter les horaires ou à privilégier les heures où les gens bossent. Hm. Encore un énième compromis ! Bon, je suppose qu’à cette heure-ci, en milieu de semaine, on n’aura pas trop de problème ? Ils doivent tous bouffer à leur boulot…

- Don't keep saying I'm afraid of a new day. Don't you hate that, really hate that… So stay if you want but we'll burn you an effigy ! So separate us, separate us…

Après la douche, j’ai troqué mon jogging et mon débardeur abricot pour une tenue plus chill, dans laquelle je pourrais aussi bien traîner que sortir. Me voici donc en slim noir, avec un long sweat à capuche beige dont les cordelettes bondissent au fil de mes mouvements.

- ‘Cause I've been waiting for something beautiful… Can you serve it up for me ! But I've been thinking that something wrong with me… Clear it up for me. And I've been hoping for something meaningful… Can you serve it up for me !

Bien qu’il soit daté, j’adore ce vieux groupe. De plus, certaines paroles d’« Effigy » peuvent relativement bien coller avec une partie de mes émotions ! C’est sans doute ce qui me pousse à tout donner, que ce soit dans mon chant ou dans mon entrain. Sur le coup, je n’ai presque plus rien à voir avec la goule épuisée de ce matin. Je bouge. Je réagis. Je vis. Il n’y a pas à tergiverser : la musique agit vraiment comme un exutoire…

Tout à coup, alors que j’entame le second refrain, un son extérieur attire mon attention. Un bruit de pas... Ou peut-être une voix ? Difficile de trancher, surtout avec le casque. Je sais seulement que c’est humain et assez proche de moi. N’étant pas idiot, j’en déduis donc que mon mari vient de pénétrer dans la chambre, certainement pour une raison bien précise… Sans attendre, mes doigts s’immobilisent et je pivote légèrement en sa direction.

Vue entravée.
Expressions difficiles à cerner.
Battements de paupières agacés.

Tain ! Avec la transpiration, ma tignasse hirsute a légèrement collé à mon front, si bien que quelques mèches se sont logées entre mes cils. M’empêchant de bien cerner l’intrus, je les repousse d’un geste vif, avant d’enfin darder mes ébènes sur leurs consœurs. Plus d’erreur : le comptable est là, à quelques pas de moi. Immobile. En train de m’épier. Bouche scellée, je le sonde du regard dans l’espoir de connaître ses intentions toutefois, voyant qu’il met un peu de temps à ouvrir les lèvres, je prends les devants.

- Il te faut quelque chose ?... J’fais trop de bruit ?

Offrant une moue indécise, ma tête penche légèrement sur le côté.

- Désolé. J’arrête d’ici deux ou trois minutes…

Je n’en ai pas forcément donné l’impression jusque-là, mais j’essaye de mettre un peu d’eau dans mon vin. J’essaye. Sincèrement ! Du moins, en cet instant... Peut-être pour m’excuser d’avoir passé trop de temps à reporter nos tête-à-tête et à fuir. Encore une fois... Le problème, c’est que je ne sais vraiment pas sur quel pied danser avec ce mec…


Curieuse journée
Où il faudra bientôt convenir du déroulé…






Spoiler:



Jun Tsuyu
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« Awareness. »


Naoki avait tourné et retourné dans le lit pendant un long moment qu'il n'aurait pas su définir. L'idée de se lever, d'aller prendre l'air, de faire quelque chose de ce temps d'insomnie l'avait plus d'une fois traversé, avant d'être rattrapé par la pensée qu'il en viendrait sûrement à croiser son époux. Et cette simple éventualité, à cet instant, le terrifiait.

Comment était-il censé réagir, après ça ? Ah, la réponse est évidente. « Normalement ». Mais qu'est-ce que c'était, exactement ? Avec ce premier baiser échangé, la réalité de leur union avait été scellée, aussi banal qu'avait été ce contact buccal. Quoi dire, quoi faire, quoi ressentir face au grand brun qui partageait son chez lui ? Qui allait partager sa vie ? Le comptable n'était déjà pas très doué pour les relations sociales, mais là, l'épreuve le laissait totalement perdu.

Emporté dans son tourbillon de pensées, Naoki veille, tard, bien plus tard que ce à quoi il est habitué. Si bien qu'il ne dort pas quand sa moitié se décide à rejoindre la chambre conjugale. Cependant, un réflexe stupide et couard lui fait fermer les yeux et prétendre que c'est le cas. Pour ne pas faire face à son mari, il fait semblant d'avoir paisiblement rejoint les bras de Morphée, croisant les doigts pour que sa comédie discrète soit crédible.

Privé de sa vue, ses autres sens sont en alerte, et lorsque Jun rejoint le lit, il peut sentir avec exactitude son poids, léger, s'enfoncer dans le matelas. Il peut sentir la température d'un autre corps aux côtés du sien même sans qu'ils se touchent. Il peut sentir une odeur différente de la sienne, de tabac, de dentifrice, et d'autre chose d'unique et indéfinissable. Il peut sentir son corps bouger à chaque respiration tendue qu'il prend, la nervosité du musicien l'enveloppant comme une couverture couverte de pics. Et il se demande si, de l'autre côté du lit, il en est de même pour lui.

Il ne sait pas combien de temps il reste ainsi, à feindre le sommeil, si bien que celui-ci fini par le rattraper, épuisé de fatigue qu'il est. Il sombre dans un coma sans rêve, et s'en réveille à son heure habituelle, le salaryman réglé comme un coucou suisse.

Cette fois ci, Jun est endormi, alors il s'extirpe le plus lentement et discrètement des draps. Il aurait aimé prétendre qu'il est sorti immédiatement, mais la curiosité lui a fait jeter un œil du côté du beau au bois dormant. Ainsi dans ses songes, il a l'air bien plus paisible. Et quelque part, Naoki se prend à souhaiter qu'il puisse un jour se sentir ainsi même éveillé. Ses propres pensées l'embarrasse, alors il déguerpi cette fois.

Lorsqu'il occulte la chambre, et les quelques affaires qui ne lui appartiennent pas, il pourrait presque prétendre que sa matinée est la même qu'avant la lettre rose. Alors il se lance dans sa routine des jours sans travail. Il boit un verre d'eau, enfile un jogging, et part courir pour commencer la journée de manière dynamique. Pas que courir soit particulièrement un plaisir, mais cela lui permet principalement de se vider la tête, et de se tenir en forme. Au moins, quand il court, il parvient à ne penser à rien. A seulement la musique dans ses écouteurs, à ses foulées, son parcourt, et à sa respiration. C'est comme s'il entrait dans un mode automatique. Et Dieu seul sait à quel point une pause dans son ouragan de pensées lui est nécessaire.

Sa sortie dure presque deux heures. Il n'a pas couru tout du long, bien sûr, il a aussi marché, et cela lui a aussi permis de se familiariser un peu plus avec le quartier. Il a repéré un joli parc. Peut-être pourrait-il proposé à Jun d'y aller. Un jour. Pas aujourd'hui. Il ne s'en sentait pas prêt.

En sueur, il retourne à l'appartement, restant une longue minute sur le pallier pour se préparer mentalement à faire face à son mari... Pour rien. Pour autant, l'odeur de café dans la cuisine lui laisse penser qu'il s'est levé, mais il ne le voit nulle part. Surement qu'il est de retour dans la chambre, se dit-il. Heureusement qu'il a prévu de quoi se changer dans la salle de bain, dans laquelle il file pour aller se doucher et s'habiller.

En temps normal, après ça, il aurait préparé un repas, mais un tour dans la cuisine, et surtout, face au frigo lui rappelle à quel point il est désespérément vide. Il n'y a dedans, et dans les placards, que le strict nécessaire. Il hésite, et entend Jun passer à la salle de bain. Il ne se sont toujours pas vu, et Naoki ne saurait dire si au final, cela ne le réjouit pas.

Il secoue la tête pour penser à autre chose, et, ni une ni deux, il sort du riz, qu'il lave, et qu'il met à cuire. Il rassemble aussi d'autres ingrédients. Une boite de thon. De l'huile, des œufs. Du vinaigre, qu'il utilise lorsque le riz a fini de cuire et qu'il évente pour décoller tous les grains. Une fois celui ci a la bonne consistance, collant, moelleux et vinaigré, il le mélange à du furikake à base de shiso. Puis, gardant un bol d'eau tiède à portée, il commence à façonner une boule. Il y met en son centre un mélange de thon et de mayonnaise maison, il la referme, la presse, et l'enroule d'une feuille de nori. L'onigiri est alors posé dans une assiette, le shiso l'ayant un peu coloré de petits point violets parmi le riz blanc. C'est simple, et vraiment basique, mais cela fera un repas de fortune.

Et puis... Il ne connait pas les goût de Jun. Au moins, avec ça, il est quasiment certain qu'il aimera. Il n'a jamais entendu quelqu'un qui n'aimait pas les onigiris. Dans le doute cependant, il en fait un nature, sans shiso ni thon. C'est un peu triste, juste du riz et de l'algue, mais il ne voudrait pas le forcer.

Alors qu'il était à sa préparation, un chant s'est mis à résonner dans l'appartement. Au début, concentré sur sa tâche, il n'avait pas fait attention, mais alors qu'il fait une pause après avoir terminé une boule de riz, il s'arrête pour écouter. « Jun chante bien », se dit-il. Et il a l'air d'aimer ça. Peut-être pourrait-il lui en parler, histoire de lancer une conversation ? Lui n'y connaissait pas grand chose en musique...

[…]

Dans l'encadrement de la porte, Naoki se tient sans vraiment oser rentrer, les mains dans son dos tenant une assiette. Jun est en train de jouer, et il n'a pas envie de l'interrompre, une certaine curiosité le piquant de l'observer ainsi dans son élément. Cependant, involontairement, sa présence le dérange et fait s'interrompre le musicien. Immédiatement, le comptable se sent navré, son estomac tombant dans ses talons, lui coupant le sifflet et les mots qu'il aurait voulu dire. Il se retrouve bêtement, muet et grimaçant, le rose montant aux joues de s'humilier une fois encore.

- Il te faut quelque chose ?... J’fais trop de bruit ?

Ses épaules se tendent, et il se redresse un peu, et cette fois ci, les mots courent et sortent comme une cascade.

- N-n-non, non bien sûr que non, ça ne me dérange pas du tout, a-au contraire ! J-je suis désolé de vous avoir interrompu, ce n'était pas dans mon intention, m-mais c'est vrai que je suis resté planté là, alors, évidemment que ça vous.. tu.. t'a perturbé.. ?

Il aimerait agiter les mains en même temps, mais elles sont prises et dans son dos.

- V-vous.. Tu n'as pas à t'arrêter, je suis désolé encore, c'est juste que.. c'est juste que...

Il sent ses joues chauffer, et son regard retrouve le sol. « Allez ! Propose lui ! » s'intime t'il mentalement, mais sa bouche est de nouveau cousue. Alors, voyant qu'il n'arrive pas à sortir ce qu'il veut, il tend l'assiette au musicien des deux mains, à bout de bras. Dans celle ci trône trois onigiris fraichement préparé.

- … Il... il est midi passé et il.. il n'y avait pas grand chose dans la... hm.. B-bref, je me suis dit que... Enfin, bien sûr, rien ne vous oblige. Je comprends tout à fait si... Mais ce serait bien d'aller, peut-être... Ah, bien sûr, je peux y aller seul mais je ne connais pas vos goûts et ce.. serait l'occasion de s'organiser pour... Hm.

Le discours du comptable est totalement décousu, signe de son état de nervosité visible. Décidément, il n'arrive à rien.

© PAN
Naoki Tsuyu
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Alors que mes doigts restent suspendus sur la corde, la voix de mon époux s’abat en rafale comme de la pluie battante. Il débite alors des excuses à tout va, avant d’analyser la scène, comme si cela lui permettait de comprendre et interpréter ma réaction. Est-ce une habitude ? S’adresse-t-il toujours aux gens de manière aussi timide et alarmée, ou bien ai-je le droit à un traitement de faveur ? Parce que c’est presque stressant, en fait !... Je suis à deux doigts de me lever pour attraper doucement ses épaules, ancrer mes ébènes dans les siennes, puis lui demander de souffler un bon coup… Cependant, je n’en fais rien, trop contrarié par l’emploi du vouvoiement m’ayant directement fait tilter. Le temps d’une seconde, mes lèvres se plissent à l’horizontale et font disparaître toute sympathie sur mon faciès. Heureusement, Naoki se reprend en pleine diatribe, ce qui a pour effet d’estomper un peu de ma contrariété.

En soit, il ne m’a pas dérangé. Je joue aussi bien seul que pour des proches. Ces derniers sont mêmes habitués à ce que je gratte près d’eux et exigent parfois que j’ouvre la porte de ma chambre afin de pouvoir m’écouter depuis le rez-de-chaussée. Tant qu’il n’y a pas foule, la présence d’un tiers n’est pas un frein à mon activité et ce, peu importe mon lien avec ledit tiers… C’est pourquoi ma tête dodeline de droite à gauche, non sans afficher une expression distante, à cause du « vous » tintant encore dans mes oreilles. Hélas, le comptable ne doit pas avoir remarqué mon geste… Ou alors, il est bien trop pris dans sa lancée, car il continue intarissablement à vomir des excuses. Seigneur ! Décidément, la communication va être compliquée entre nous... À croire qu’il a peur de moi et qu’il se justifie pour éviter le conflit !

Rahhh ! Si le brun continue à s’exciter comme ça, mon calme apparent ne va pas faire long feu ! Sa détresse commence d’ailleurs à être contagieuse. Je sens déjà mon pouls s’accélérer… Déterminée à apaiser mon interlocuteur, ma bouche frémit, avant de se figer lorsqu’une assiette s’élève dans les airs.

Naoki a fait de la bouffe.
Pour nous.
Pour moi ?

Mes rétines passent succinctement du plat à leurs consœurs. C’est réellement lui qui a fait ça ?! Ça sent bon… Et puis, visuellement, c’est plus que correct. Pour un mec disant être « probablement pas plus doué que moi », il semble sous-estimer ses compétences et surestimer les miennes ! Profitant de mon silence, le cuisinier repart dans une énième logorrhée où, sans surprise, on va dans tous les sens ! Il est question de nourriture et… De courses ? Je n’en suis pas sûr. Son discours est si décousu et bazardé à toute vitesse, que je dois presque me concentrer pour en comprendre le sens…

- « Tu », s’il te plaît.  Le rappelé-je en contenant une grimace.

Si cela ne tenait qu’à moi, je lui aurais répondu un truc méchant pour lui rappeler à quel point le vouvoiement dans un « couple » m’indispose puis, dans la foulée, je l’aurais envoyé paître avec sa nourriture. Néanmoins, je sens que lui refuser quoi que ce soit serait critique dans notre relation déjà difficile... En outre, ce type a non seulement eu la gentillesse de faire le premier pas, mais il a aussi mis la main à la pâte. Il ne mérite pas ma méchanceté. Si ça avait été un inconnu ou un pote, je n’aurais jamais été autant sur la défensive… Après tout, les efforts, ça se fait à deux. À moi de le suivre dans cette voie. Courte inspiration, suivie d’un essai de sourire.

- Ok. On ira faire les courses ensemble. Je n’ai pas encore rendu la voiture à mon père. Du coup, on pourra s’en servir pour aller au supermarché.

Bien que mon paternel n’en ait pas fait la demande et qu’il me propose de la « garder le temps qu’il faudra », j’aimerais qu’il la récupère au plus tard, ce soir. Hors de question d’être un poids pour lui ! Certes, il peut se débrouiller avec celle de son épouse ou utiliser les transports en commun, mais ce n’est pas une raison pour abuser.

- Tu manges avec moi ?

Ma senestre s’élève jusqu’à l’onigiri avec du shiso, pour ensuite le ramener à mes lippes. Avant d’y goûter, j’attends patiemment que mon interlocuteur m’imite. Non pas que je craigne un empoisonnement… Disons que c’est de l’ordre stratégique : peu importe comment se déroulera cette journée, nous aurons au moins coché la case « repas partagé »…

Explosion de saveurs.

La mayonnaise qui accompagne le thon est vraiment délicieuse ! On sent que c’est du fait maison. Incapable de mentir à mon vis-à-vis, je lui adresse un regard chaleureux, puis brise la glace :

- C’est bon ! Ta mayo est une tuerie. Bravo !

Plein d’enthousiasme, je fais reculer l’onigiri de quelques centimètres afin de l’observer sous toutes les coutures.

- Bon et joli. Si, si, je t’assure ! J’insiste, par franchise et pour le rassurer. Honnêtement, mes onigiri n’ont jamais été aussi beaux… Ils ressemblent plutôt à des pâtés informes… Et sont parfois caoutchouteux ou pas assez cuits…

Ce n’est pas étonnant : je ne m’applique jamais. Quand je cuisine, je veille à ce que ce soit rapide et à peu près mangeable ! C’est pour ça que les plats préparés ou les yatai sont mes amis… Méditatif, je mords de nouveau dans l’onigiri que j’engloutis lentement, mais sûrement. Les pensées m’assaillent. J’en viens à me demander comment le jeune homme a su aussi bien se débrouiller aux fourneaux avec si peu d’ingrédients. Est-ce parce qu’il aime réellement cuisiner, comme il l’avait affirmé la veille ? A-t-il l’habitude de mettre la main à la pâte pour lui ou… Quelqu’un d’autre ? Frissons. De fil en aiguille, une question me taraude : et si l’Incontestable avait ruiné un couple en union libre ?

Merde.
C’est pas vrai !
Mes onyx cavalent aussitôt vers le sol, dissimulant au mieux mon trouble. Pourquoi n’y ai-je pas pensé plus tôt ?! S’il est aussi paniqué avec moi, ce n’est pas forcément parce que je suis un mec… C’est parce que… Je suis un briseur de ménage et il ne sait pas comment me le dire ?! À cette idée, mes canines viennent violemment mordre l’intérieur de mes joues. Je tente malgré tout de faire bonne figure. Ma guitare à mes pieds et mes bras comme des remparts autour de mes genoux, je tente une approche aussi directe que maladroite.

- Dis… C’est la première fois que tu vis avec quelqu’un ?

Raclement de gorge accompagné d’une légère coloration de mes joues.

- Quelqu’un avec qui tu vas vivre intimement…

Dans notre cas, pas longtemps, mais pas question de le lui dire ! Au lieu de quoi, mon regard se fait lourd, tandis qu’il s’arrime un peu plus aux deux perles abyssales. J’inspire, lentement, avant de libérer le fond de mes pensées.

- Mh… En fait, ce que je veux surtout savoir… C’est si j’ai ruiné ta vie et celle de la personne avec qui tu habitais...

Parce que c’est forcément pour ça qu’il cuisine aussi bien, que ma présence le gêne, qu’il a directement parlé de factures à partager et que, selon ses dires d’hier, il avait si peu de temps à accorder à son mariage… N’est-ce pas ?





Jun Tsuyu
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« Hope and despair. »


Tel un petit animal craintif, Naoki se tend dès que son vis-à-vis le reprend sur le tutoiement, et son regard file immédiatement vers le sol en signe d'excuse. Dans sa panique, c'est le vouvoiement qui s'est surtout présenté à ses lèvres, et ce, malgré l'expérience de la veille, où il était clair et net que cela n'était pas au goût du musicien. Le petit brun se flagelle intérieurement, se répétant à quel point il est idiot de ne pas avoir fait plus attention à ses mots alors même que la situation est déjà bien compliquée entre eux. Décidément, il n'arrive à rien.

Les bras toujours tendus, tenant l'assiette avec l'impression qu'elle pèse une tonne depuis une éternité, le comptable commence à décompter à partir de 20, se disant qu'à 0, il remballera son plat, ses stupides onigiris dont Jun ne veut probablement pas, et il déguerpira pour aller se cacher quelque part dans l'appartement, laissant à son époux la paix qu'il mérite.

- Ok. On ira faire les courses ensemble. Je n’ai pas encore rendu la voiture à mon père. Du coup, on pourra s’en servir pour aller au supermarché.

Naoki relève brusquement la tête, si bien qu'on pourrait craindre qu'il se fasse le cou du lapin, et dévisage son mari, ses grands yeux noirs écarquillés derrière sa lourde monture. Ses lèvres entrouvertes dans une expression surprise et abasourdie, il met plusieurs dizaines de secondes à formuler une phrase à peu près audible.

- Ah.. euh.. Eh.. T-tu... v-veux bien m'y accompagner ?

Il n'a pas l'air de revenir de l'acceptation de sa proposition, persuadé que l'homme devant lui ne supporte pas sa présence. Il cligne des yeux, ses longs cils venant battre sur ses pommettes tachetées avant d'afficher une moue hésitante, penchant vers la timidité plutôt que l'embarras.

- Hm... Si vo... Si tu veux...

Il se garde de dire qu'il avait prévu cette assiette entière pour le musicien seulement, craignant que cela le fasse changer d'avis s'il s'éloigne à la cuisine pour aller chercher sa part. Et voyant que Jun penche pour les onigiri au shiso, il récupère celui qu'il a fait nature dans l'assiette.

Essayant d'être discret sans vraiment y arriver puisqu'il est littéralement en train de fixer le potier, Naoki guette la moindre de ses réactions alors qu'il croque lui-même dans sa boulette de riz, priant tous les dieux qu'il connaît pour qu'il ne crache pas en s'exclamant de dégoût.

Et seconde surprise, le visage de Jun s'illumine comme il ne l'a jamais vu encore. Il ne le pensait pas capable d'un tel enthousiasme alors qu'il le couvre de compliments, ce qui fait, bien entendu, rougir le petit salaryman assez nettement.

- C-ce n'est pas grand chose... Tente-t'il de diminuer sans fausse modestie, puisque c'est réellement ce qu'il pense.

- Bon et joli. Si, si, je t’assure !

Il s'apprête à nier à nouveau lorsque Jun insiste, mais à la place, il presse les lèvres, prenant une inspiration pour faire un effort. Il regarde bien sûr ses pieds, dont le spectacle est bien moins troublant que l'expression enjouée de son époux.

- Hm...

Ses yeux darde une fois vers le haut, file vers le bas, et remonte encore. Et discrètement, la commissure de ses lèvres se relèvent dans un sourire discret et timide.

- M-Merci, Tsuyu-san. Je suis content que ça v-... te plaise.

Ses mirettes fuient bien vite leurs consœurs à nouveau alors qu'il ajoute :

- Si.. tu le souhaite, je peux vous montrer comment les former comme il faut... La prochaine fois.

Se concentrant sur son onigiri pour ne pas avoir à affronter le regard perçant du chanteur, il ne remarque donc pas le changement net qui peut se voir sur son visage au fil de ses pensées.

- Dis… C’est la première fois que tu vis avec quelqu’un ?

Confusion.

Comment le sujet de conversation en est arrivé à ça ? Naoki ne comprends pas bien qu'elle a été le cheminement, et cela peut se voir, puisqu'il a l'air un peu perdu, du moins, désarçonné par la question alors qu'il dévisage son partenaire. Et alors qu'on pourrait s'attendre à ce qu'un énième flot de parole lui échappe, ce ne sont que quelques petits mots, interrogatif et un peu incertains qui sont posés en réponse.

- Je vivais seul.

Il penche la tête sur le côté, semblant comprendre alors que Jun est en train d'essayer d'apprendre ce qu'il en était de sa vie d'avant. Pour être honnête, il ne s'était pas posé cette question, mais il est vrai que certains couples sont surpris lorsque l'un des membres reçoit sa lettre pour se marier avec un inconnu.

- Enfin, j'ai vécu avec mes parents mais après ça, j'ai vécu seul depuis un certain temps, précise t'il, comme si cela changeait grand chose à sa précédente déclaration.

Puis la réalisation le frappe soudainement. Etait-ce une manière de lui dire que c'était son cas à lui ? Qu'il avait quelqu'un avant l'arrivée de la fameuse missive, l'obligeant à abandonner son amour par devoir sociétal. Son estomac tombe dans ses talons alors qu'il s'imagine déjà avoir brisé un ménage, forçant le musicien à renoncer à son bonheur pour se présenter dans l'appartement qui leur a été attribué. Etait-ce pour cela qu'il n'est venu qu'au dernier moment ? Qu'il l'évitait clairement ? Qu'il noyait son chagrin et son désarroi en jouant et chantant de manière si investie ?

Le petit salaryman déglutit, et maintenant que le sujet est sortie, c'est le moment ou jamais pour en avoir le cœur net. Alors, il tente de s'aventurer.

- Hum... Et... Enfin... V-vous-tu n'es pas obligé de.. E-enfin vous ne me devez rien m-mais e-et et... T-toi ? E-est-ce qu'il... y avait quelqu'un q-qui partageait v.. t-ta vie ?

Son ventre se tord un peu plus alors qu'il ajoute immédiatement.

- Si c'est le cas, j-je suis navré de m'être mis en travers de votre idylle, et.. et bien qu-que je sois persuadé qu'il y ai une bonne raison pour que l'Incontestable n-nous ai réuni, j-je comprend tout à fait la difficulté d-de.. de ce genre de situation. J-je ne vous demanderais b-bien sûr pas d-de.. de mettre fin à v-votre relation c-comme ça, j'imagine que c'est.. quelque chose dont n-nous pouvons d-discuter p-pour que cela se passe au mieux, v.. t-toi et moi.. ?

A vrai dire, bien qu'il ne mentait pas en soi, l'idée d'être la 3ème roue d'un tandem déjà formé lui fait plus de peine que ce à quoi il s'attendait. Pour Naoki, qui avait toujours attendu sa lettre rose car elle lui donnerait enfin sa place dans un couple fait pour lui... Devoir se mettre en retrait pour ne pas briser un amour existant ne faisait que lui rappeler la manière dont il avait vécu sa vie jusque là. Après tout, ce ne serait qu'une ligne de plus dans la liste des choses décevantes de son existence. Son travail, bien loin de sa passion éteinte. Sa vie sociale quasiment inexistante. Et là, un mariage voué soit à l'échec, soit à l'amertume.

Peut-être qu'il espérait trop, à vouloir, une fois dans sa vie, quelque chose d'important et de précieux rien que pour lui.

Quelque chose qu'il aime, et qui l'aime.

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À ma grande surprise, ma proposition d’aller faire des courses ensemble est accueillie par de la stupéfaction. Naoki n’avait apparemment pas envisagé que nous puissions partager cette corvée ; ce qui, je l’avoue me contrarie bien plus que je ne l’avais pensé... Sa réaction vient sans doute du fait que je me suis montré froid et distant la veille. On ne va pas se leurrer : je n’ai pas spécialement fait preuve de bienveillance à son égard. J’ai même été assez agressif à un moment donné... Toutefois, cela ne signifie pas que les devoirs lui incombent à lui seul !

Cela fait longtemps que j’ai passé l’âge d’être materné -ou plutôt paterné- ! À défaut d’être une garce, ma génitrice m’a rapidement appris à mettre la main à la pâte, en l’aidant avec le ménage ou en allant faire des petites commissions… Et, une fois qu’elle a été condamnée à mort, j’ai vite compris qu’il fallait que je soulage au maximum mon père pour l’aider à entretenir notre foyer.
Parce que nous ne pouvions plus compter que sur nous-mêmes.
Parce que c’était nous contre le monde entier.
Parce que c’est ça, se serrer les coudes.
Alors, pourquoi les choses seraient-elles différentes avec mon époux ? Bien que cette relation soit vouée à l’échec à cause de mes réticences à coucher avec lui, je compte bien lui prouver qu’il n’est pas seul. Cette union est notre. On se doit de faire des choses ensemble et de partager les tâches quotidiennes… Même si c’est pour peu de temps ! Évidemment, je me garde bien de le lui expliquer ou de lui avouer cet ultime détail. Il ne comprendrait pas...

- Bien sûr… À deux, ce sera plus rapide et ça nous permettra de mieux nous comprendre. Rétorqué-je du bout des lèvres.

Ne souhaitant pas m’étendre sur le sujet, je propose rapidement à mon interlocuteur de partager le repas. Sa réponse, bien qu’hésitante, ne tarde pas et, en un éclair, il cavale jusqu’à la cuisine pour chercher sa part. Qu’il est vif ! À croire qu’il a le diable au corps… Personnellement, j’aurais été incapable de me redresser aussi vite et de revenir avec une assiette en moins d’une minute ! Serait-il habitué à courir, ou bien s’est-il dépêché, de peur que je change subitement d’avis ? Peut-être un peu des deux… Quand on le regarde de plus près, il n’est pas bien grand cependant, sa musculature est assez visible. Bien sûr, ce sont des suppositions et des déductions dues à quelques œillades furtives toutefois, plus je l’inspecte dès qu’il a le dos tourné, plus je réalise qu’il a l’air plus robuste qu’il n’y paraît…

Ce dont je suis certain, c’est de la qualité de sa cuisine. Ce qu’il a préparé est un délice ! Tout en me régalant, je fais donc part de mon enthousiasme, le complimentant aussi bien sur le goût que sur l’aspect.
L’effet de mes aveux est immédiat. En un clin d’œil, un fin voile ocre s’étend sur les joues du salaryman. C’est adorable ! Tellement mignon, que mes lippes se défroissent aussitôt, puis affichent une expression douce. Comme lui, les compliments ont tendance à donner des couleurs à mon visage… Dès lors, impossible de m’en défaire avant de longues minutes ! Compatissant, je décide donc de ne pas le déranger davantage et hoche timidement la tête lorsqu’il propose de m’apprendre un jour.

Les choses auraient sûrement pu continuer de bien se passer si mon cerveau n’en avait pas profité pour voguer ailleurs ou jouer les analystes… Mais, comme fait exprès, ce fourbe s’attarde brusquement sur un sujet plus alambiqué.
Sur un problème que je n’avais pas envisagé avant d’avoir vu ses talents culinaires.
Sur quelque chose de taille qui remet totalement en cause notre mariage.
Sur une angoisse.

La lettre rose aurait-elle ruiné un couple non-reconnu ? Cette préoccupation ne quitte plus mon esprit. Insidieuse, elle tourne d’ailleurs en boucle, jusqu’à devenir complètement étouffante. Mon ventre se noue de plus en plus. Je suis même persuadé que, d’ici peu, je ne pourrai plus rien avaler… Hélas, je n’ai pas la volonté nécessaire pour arrêter cette appréhension grandissante. Implacable, celle-ci se répand sournoisement dans chacun de mes nerfs et, telle un arachnide, se met à tisser une immense toile intérieure. Tout mon être gémit de douleur. Mes membres sont raides, ma gorge sèche, tandis que mon myocarde n’est plus qu’une succession de battements frénétiques au rythme inarrêtable. Merde ! Je connais suffisamment cette sensation pour comprendre ce qu’il m’arrive : je suis en train de plonger. Si je continue sur cette voie, ou si mon vis-à-vis confirme mes craintes, alors ma chute est inéluctable…

Malheureusement pour moi, la réponse du comptable ne répond pas vraiment à mes attentes. J’entends qu’il vivait seul. Nonobstant, cela ne l’empêche en rien d’avoir une liaison, voire une petite amie de plus ou moins longue date… Peut-être qu’il aime également quelqu’un en secret et qu’il n’a jamais osé se déclarer ? Cela pourrait justifier son attitude étrange dès qu’il m’a rencontré... Dans un sens, ce serait sa façon de me montrer ses regrets face à cette relation qui n’aurait, et n’aura, jamais lieu à cause de moi ?

Contrit, je détourne mes ébènes pour les laisser glisser sur mes bras noués. Une part de moi appréhende le fait de devoir reformuler cette question. Tout ça finira mal. Mes pensées sont trop agitées pour que les choses sortent correctement ! Dans mon état, je suis certain que mes propos seront mal formulés ou prononcés dans un ton que je regretterais… Autant dire, que cela remettra forcément de l’huile sur le feu. Or, ce serait dommage d’en arriver là, alors que nous avons un début de discussion sans heurt…

Le regard insistant de mon interlocuteur me brûle l’échine. Même sans le voir, je le devine en train de m’étudier avec attention, dans l’espoir de comprendre ce brusque renfermement. Hélas, les mots ne se lisent pas sur ma peau. Seuls les maux sont visibles. C’est peut-être ce qui pousse mon binôme à affiner sa réponse, en me précisant qu’il a vécu seul depuis un certain temps néanmoins, cela ne m’aide pas davantage. Au contraire, j’ai l’impression qu’il se répète car, en aucun cas, il ne précise si quelqu’un partage sa vie de près ou de loin…

Sur le moment, je ne m’en rends pas compte, mais c’est quand même fou qu’il ne comprenne pas le sous-entendu de ma question, alors que, lui, m’interroge clairement sur le sujet ! Au lieu de quoi, je prends tout à la lettre et me contente de hocher légèrement la tête pour lui faire savoir que j’ai compris et qu’il était inutile de s’attarder. J’étais prêt à faire une croix sur notre tête-à-tête, me motivant déjà à me bouger pour aller me préparer à aller aux courses quand, soudain, le beau brun crève le silence. Sa voix tremblante s’élève et, entre deux grimaces, me pose une pluie de questions sur mes relations amoureuses.

« Quoi ? »

Mon corps se redresse au fil de sa pénible logorrhée tandis que, en écho, mes paupières s’écarquillent sous le choc.

« Mon idylle ?! »

Brusquement, quelque chose cède. La pression ? La peur ? L’une des barrières que je me suis érigée dès que mon nom a été tiré ? Le fait est que tout mon visage se déride sous un rire spontané, qui m’échappe sans que je ne puisse le retenir ! C’est léger. Tendre. Un peu nerveux, mais étrangement pas moqueur.

- Ahaha ! Aucun risque là-dessus !

Ma senestre passe nerveusement sur mon visage, comme pour effacer le stress et mes derniers gloussements. Lorsque mes doigts retombent sur mes genoux, mes onyx se cognent doucement contre leurs homologues. Je marque un temps, puis souris presque avec tendresse.

- Hier, tu as été la première personne que j'embrassais de mon plein gré. Donc ne t’en fais pas : ce mariage n’a absolument rien brisé de mon côté.

À lui de faire fonctionner son cerveau.
De comprendre tout ce que ça implique.
De réaliser que je suis totalement novice et assurément puceau !

Je me fiche de livrer ce genre d’information. Tout mon entourage proche est au courant. Ce n’est un secret pour personne… Pourquoi devrais-je en rougir ?! Honnêtement, la situation ne m’a jamais dérangé. Oh, je pourrais toujours blaguer sur le fait que je me « gardais pour le mariage », mais c’est faux ! J’ai déjà eu des opportunités... C’est juste que je n’y ai jamais vu un quelconque intérêt… Et, même après ce baiser décevant, je n’en vois toujours aucun…





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« Let me do my best. »


L'éclat de rire soudain du potier cloue Naoki sur place. Il est clair, empli d'émotions qui semblent en profiter pour se déverser, et teinté d'une touche d'amusement presque candide, véritable, spontané. Attendrissant. Et le salaryman se prend à penser, l'espace d'une seconde à peine, qu'il préfère voir Jun ainsi.

Comme les vagues viennent lécher le sable sur le rivage, ce rire a emporté avec lui une partie de la tension de la situation, allégeant l'atmosphère lourde et écrasante qui régnait dans la pièce. Le comptable sent une nette différence dans la crispation de ses épaules, qui se sont un peu affaissées.

« Aucun risque », venait-il de dire, et Naoki retrouve un semblant d'espoir, soudainement. S'il ne brisait pas un couple, si Jun n'avait personne dans son cœur actuellement, alors, peut-être que cela pourrait marcher ? Peut-être qu'ils arriverait à s'accorder, tous les deux. Évidemment, il avait conscience que cela allait demander des efforts constants, et, probablement beaucoup de temps. Après tout, rien que de son côté, il allait lui falloir accepter... que la vie qu'il s'était tracée dans sa tête n'allait pas vraiment se dérouler telle qu'il l'imaginait. Mais l'Incontestable ne se trompait pas, alors, ça voulait forcément dire que Jun et lui... étaient faits pour ça.

- Ah... T-tant mieux, alors... murmure t'il, les yeux baissé sur son onigiri entamé. Les traits de son visage semblent moins tendus, moins paniqués, le soulagement visible dans son expression plus apaisée.

Il triture un grain de riz collé sur la pulpe de son index, le porte à sa bouche, réalisant soudain que la réponse qu'il a apporté à Jun plus tôt n'était pas aussi transparente qu'il pensait l'avoir formulé. Il s'apprête à aborder à nouveau le sujet, à clarifier la situation, mais lorsqu'il relève la tête et entrouvre les lèvres, son époux lui coupe l'herbe sous le pied.

- Hier, tu as été la première personne que j'embrassais de mon plein gré. Donc ne t’en fais pas : ce mariage n’a absolument rien brisé de mon côté.

Ses grands yeux noirs s'écarquillent derrière ses lunettes, et les mots qu'ils voulaient prononcer se perdent et se meuvent.

- Eh ?

C'est le seul son qui lui échappe, manquant totalement d'éloquence, et, très franchement, la nouvelle le frappe tellement qu'il dévisage son vis-à-vis avec une pointe de stupidité sur ses traits.

La première personne. Il était la première personne à l'avoir embrassé. Le premier baiser de Jun s'était déroulé dans cette situation, par obligation, presque à la sauvette au détour d'une rencontre et d'une soirée quasiment catastrophique. Un sentiment de honte fait surface dans son ventre, et le picotement sur ses joues lui fait dire qu'elles sont très certainement en train d'en rougir, alors il baisse les yeux, les mots sortant sans même qu'il n'y pense.

- Je suis désolé. Ça a dû être...

Horrible ? Dégoûtant ? Angoissant ?

Décevant, ça, il en était sûr.

Une grimace amère orne le joli visage du salaryman. En plus de l'expérience de ce contact buccal peu agréable qu'il lui avait offert, ce que Jun lui signifiait, c'était aussi... qu'il n'avait jamais eu de relation avant. Et ce n'était pas comme si, lui, était un expert. Il avait eu quelques copines, quelques aventures, mais rien de plus sérieux que cela, considérant que, s'il devait s'engager, ce serait après avoir reçu sa lettre.

Il l'avait reçue, maintenant. Et il devait s'engager, avec un homme qui était même moins expérimenté que lui.
Une multitude de questions se présentent à lui. Etait-ce par choix ? Par contrainte ? Jun lui paraissait être un homme avec un charme certain, alors, il doutait franchement qu'il n'ait jamais eu aucune opportunité...

Peut-être que ça ne l'intéressait tout simplement pas ? Il n'était pas forcément des plus calé sur le sujet, mais il connaissait vaguement l'existence de certaines personnes se qualifiant comme asexuelles, non romantique, ou quelque chose du genre. Des gens qui n'étaient pas attiré par leur homologues, hommes, femmes, ou tout ce qui pouvait se trouver entre.
Penser à cela fait monter de nouvelles inquiétudes auprès du comptable. Si son époux était ainsi, où allait-il se placer, lui ? Ce mariage ne pourrait décemment jamais combler son époux, s'il était dans cette condition, et pire encore, il ne représenterait qu'une suite de contraintes et de mauvaises expériences.

Palissant à vue d'oeil à cause de l'angoisse, Naoki a abandonné l'idée de finir son onigiri, qu'il a reposé dans son assiette. Que pouvait-il faire, lui, pour que les choses s'arrangent ? Peut-être que, même avec des efforts, il n'y a rien qu'il puisse faire, qu'il puisse changer...

- T-Tsuyu-san...

Il prend une inspiration, combattant la sensation constrictive qui écrase son myocarde avec le plus d’aplomb possible alors qu'il plonge son regard dans celui de son mari.

- Je... N-nous ne nous connaissons pas bien, et... e-et je ne sais pas comment vous... tu.. te positionne sur cette... sur notre union, sur... une relation en général... P-peut-être qu'elle représente une contrainte ou... ou une prison pour toi.

Son visage est sérieux, nerveux, et il se déclame avec une certaine officialité, s'inclinant de manière droite et convenable.

- Je n'ai pas la prétention de... de venir changer l-les choses pour toi m-mais... Mais j'aimerais.. f-faire de mon mieux pour rendre notre mariage  e-et le temps que nous allons partager agréable p-pour v.. toi. A-alors, si.. si possible, j-j'aimerais que tu me guides sur... les choses qui te posent problème, o-ou.. qui te dérangent... Et au contraire, sur ce que tu apprécies...

Il se redresse, mais ses yeux restent à regarder le sol devant lui.

- J'ai conscience que n-nous avons des devoirs... i-intimes qui.. sont probablement... désagréables et problématiques pour vous. J'aimerais.. p-prendre la responsabilité pour les rendre le plus supportables possible, s-si tu veux bien.. Je n'ai pas... énormément d'expérience, et je n'ai jamais... été avec un homme avant , donc, p-peut-être que c'est prétentieux de ma part de proposer cela...

Pour lui, la situation était toute aussi nouvelle, mais si le peu d'expérience qu'il avait en plus pouvait aider ne serait-ce qu'un peu à adoucir le quotidien de son vis-à-vis, il était prêt à prendre les devants.

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Ma réponse engendre un mélange de gêne et de pitié. Du moins, c’est comme ça que je l’interprète lorsque le salaryman écarquille les yeux suite à mes aveux, puis décide de passer aux excuses. En soit, son comportement ne change pas de celui des autres à qui j’ai fait part de ma maigre expérience. C’est assez logique. Personne ne conçoit ce manque d’appétence au sexe. En général, mes interlocuteurs me cherchent directement des prétextes, comme la peur de « grandir », la recherche de préférences sexuelles, la quête identitaire, le manque d’opportunité, une phobie, … La liste est longue et parfois farfelue toutefois, je ne leur en veux pas trop. Leur incompréhension est légitime : c’est dans l’ordre des choses de vouloir embrasser, fantasmer ou désirer quelqu’un. Ce n’est pas pour rien que les adolescents sont connus pour avoir les hormones en feu ! Or, à trente ans, je suis encore en âge de réclamer des contacts intimes, comme c’est le cas de tous mes potes…

Alors, à quoi bon me braquer face à la stupeur de mon époux ? Le pauvre ne sait rien. Il se base sur la norme… Si je devais jeter des pierres, ce serait peut-être à mon entourage car, hormis quelques psy conciliants, beaucoup de mes proches demeurent perplexes. Aki ne me comprend pas, mon père préfère éviter la discussion, Inaya s’en inquiète, quant à Yosuke, pourtant mon meilleur ami, il me pousse à me faire violence et à réaliser mes propres expériences, dans l’espoir que le déclic vienne un jour…

Parfois, cela m’agace que ceux qui en savent tant de choses sur mon passé ne pigent rien... Comment leur faire réaliser que, justement, au moment où mon corps était en plein épanouissement, j’ai dû apprendre à l’oublier ? Que ma génitrice a volontairement mis un flou entre les choses « pour les filles » et « pour les garçons », et que je m’en suis rapidement accommodé ? Qu’elle voulait le choix du roi, si bien qu’elle m’a kidnappé dans cette optique, juste après avoir bousillé notre famille ? Ma jeunesse et le début de mon adolescence ont été différents de ceux des garçons normaux. C’est comme ça. Je m’y suis fait. Mes thérapies m’ont fait comprendre que, sur le moment, j’avais autre chose à penser, comme éviter de me détruire et d’empêcher mon père de faire de même… Je devais d’abord me reconstruire. Nous reconstruire.

Donc, oui. J’ai conscience que, pour autrui, il n’est pas naturel, voire blasphématoire, de ne rien ressentir ou d’avoir appris à étouffer tout ça. Mais, je m’en fous. C’est mon corps et mes envies. Le jour où je souhaiterais passer ce cap, je le ferai. En attendant, s’il faut simplement déposer mes lèvres sur la bouche d’un autre pour rester en vie, je m’y attellerai comme si c’était une tache anodine.

- T’en fais pas. Ça va. En fait, ce serait presque à moi de m’excuser pour cette expérience aussi décevante ! Argué-je avec un rictus amusé.

Ma réaction est en totale opposition avec la moue qu’il affiche pourtant, je ne peux pas faire autrement. Mieux vaut employer l’humour, plutôt que de perdre la face en revenant sur des propos dont il n’a certainement pas saisi l’impact, tant il était choqué par mon innocence. Je lui ai dit que c’était mon premier baiser de mon plein gré. Cela signifie qu’il y en a eu d’autres. Or, c’étaient des contacts volés, que je n’avais absolument pas demandés… Des gestes imposés. Impulsés sous la boisson. Dégoûtants. Avilissants. Certes, les choses n’ont pas été aussi loin que d’autres victimes ayant subi des rapports non-consentis, mais il n’empêche que leur souvenir pèse irrémédiablement dans mon envie de faire des expériences…
Camouflant mes émotions, je dodeline doucement la tête derrière un rire un peu trop nerveux pour sonner franc.

- Puisqu’on en est à jouer cartes sur table, je suis au regret de t’annoncer que la prochaine fois ne sera certainement pas mieux ! Après, si je peux te rendre la tache la moins pénible possible, genre en me lavant les dents comme tu l’as fait hier, j’essayerai de faire des efforts avant chaque baiser quotidien…

Si ce n’est que ça, ce n’est pas la mer à boire ! Et puis, de toute manière, ce sera forcément un contact rapide et éphémère comme la dernière fois, non ? Méditatif, je m’interroge sur ce qu’il pourrait me demander de faire quand, sans crier gare, le petit brun sort de son silence. Par égard pour lui, j’évite de rebondir sur sa réflexion à propos de notre union. Savoir que c’est effectivement une contrainte le renfermerait aussitôt dans sa coquille. Ainsi, je préfère demeurer mutique et continuer de le fixer, sans offrir le moindre geste ou expression trahissant la réalité.

Une part de moi note ses efforts. Il prend mon avis en considération. De plus, même si sa voix tremble, c’est bien plus compréhensible que la veille. Je note également qu’il s’évertue enfin à me tutoyer ! Consciemment ou non, cela joue sur ma réponse :

- J’aimerais simplement que tu me préviennes si tu m’embrasses… ou s’il te vient l’idée de me tripoter...

Un frisson cascade soudain le long de ma nuque... Je frémis, sentant que son simple passage fait s’empourprer mes joues. Heureusement, je ne perds pas pied et j’enchaîne dans la seconde.

- Pour le reste, je n’y connais rien. Fais comme tu préfères ? Ou ce qui te semble être le plus simple pour nous deux ?

Mon ton est hasardeux néanmoins, je ne peux rien clarifier de plus. Il est la première personne avec qui je suis en couple. De plus, j’ai bien compris que les comportements ou les préférences des gens variaient selon l’humeur et le/la partenaire… Je ne peux donc pas dire ce qui me pose problème ou les choses que je suis susceptible d’aimer. En revanche, ce dont je suis sûr, c’est de la sensation d’étouffement qui me saisit lorsque le comptable aborde le sujet de notre potentielle intimité !

- J'ai conscience que n-nous avons des devoirs... i-intimes qui.. sont probablement... désagréables et problématiques pour vous.

« La bonne blague... C’est bien plus que problématique ! On est plutôt sur du définitivement « non » ! » Me retins-je d’ajouter, tandis que, malgré moi, mes ébènes me trahissent en glissant à la hâte vers le sol.

- J'aimerais.. p-prendre la responsabilité pour les rendre le plus supportables possible, s-si tu veux bien…

Instinctivement, le duvet sur mes bras se hérisse, pendant qu’une sourde vague de remords me lèche les tripes. Ce gars ne me mérite pas ! Il est en train de me proposer de me reposer sur lui, de ne faire aucun effort et de lui laisser porter toute la responsabilité de notre intimité… Cela, sans savoir que ses performances seront vaines, puisque ma décision est déjà prise ! Putain !... Mais quel connard, je fais…

Alors que je me flagelle mentalement, la logorrhée du jeune homme se poursuit. Or, si je pensais devoir me montrer de nouveau évasif en expliquant que je n’ai vraiment aucune préférence, sa dernière phrase me souffle. Il n’a jamais été avec un homme ?! En un éclair, mes sourcils se froncent et je sens mon corps revenir sur la défensive. Cette révélation confirme bien qu’il s’attendait à une nana hier. Je suis donc une désillusion.
Un désagrément.
Un problème.
Une erreur.

- T’as qu’à faire comme si j’étais une nana. Je me maquille et j’ai les cheveux assez longs. À un ou deux détails près, on n’en est pas loin, non ? Sifflé-je sans être capable de me retenir.

À peine ai-je prononcé ces mots que je me raidis et resserre ma prise contre ma Song Bird. Merde ! Ça m’a échappé… Si ça se trouve, j’ai de nouveau pété ce qu’on avait commencé à construire… Tremblotante, mais avec détermination, ma main s’envole jusqu’au jeune homme, puis s’arrête à quelques centimètres de sa dextre, comme si un mur invisible l’empêchait d’aller plus loin. J’inspire sans un bruit, mes rétines rivées sur mes pieds.

- Ce que je veux plutôt dire, c’est que tu peux faire comme t’en as l’habitude. Comme ça te plaît le plus...... Ou comme ça te dégoûte le moins ?

Bref pincement de lèvres.

- Perso, j’pense… Qu’hormis le physique, il n’y a pas tant de différences… Il y a des mecs doux, comme des femmes entreprenantes et pas très câlines… Des types fleur bleue et des nanas plutôt terre-à-terre… Et inversement. Tous les profils existent… En soit, ce qui change le plus, ce sont mes fringues et ce qu’il y a en dessous… Pour le reste, il me semble que deux hommes peuvent faire à peu près les mêmes choses qu’un homme et une femme.

Mes joues se parent d’un léger voile carmin. Pourtant, je me force à poursuivre.

- Pour en revenir à nous, je ne te garantis pas d’être toujours réceptif ou de bonne humeur, mais… Si ça peut t’aider… Sache que je suis assez tactile avec mes amis. Je ne rechigne pas si on m’enlace ou si on m’attrape le bras. Ça ne me dérange pas, parce que je sais qu’il n’y a aucune ambiguïté entre nous. D’ailleurs, quand on regarde un film, il n’est pas rare qu’on soit tous ensemble sur le canapé, avachis les uns sur les autres, à boire dans le même verre, par pure flemme d’aller en chercher un autre.

L’image de mes musiciens préférés en train de visionner un drama à mes côtés éclaire brusquement mon faciès. Je profite alors de ce soulagement soudain pour laisser mes yeux remonter contre leurs consœurs, puis parcourir brièvement le visage tacheté d’étoiles de Naoki.

- P’tête qu’on peut essayer de faire ça ? Se découvrir sans passer directement aux contacts intimes ? Avancer à notre rythme à tous les deux sans obliger l’autre à faire quelque chose qui lui déplaît ?

Au lieu de flipper à cette idée, un sourire canaille fait brusquement surface.

- Sauf si tu veux jouer avec le feu ! Là, ce serait vraiment à tes risques et périls, parce que certains de mes ongles sont suffisamment longs pour me permettre de jouer… (Les doigts concernés s’agitent contre le bois de la guitare.) Et, crois-moi, tu ne voudrais pas qu’ils se plantent dans tes bras ou dans ton dos !

Sauf si c’est son trip ?! Hm... Nan ! Il a l’air trop gentil et bien sur lui pour avoir ce genre de délires ! Après ces quelques heures à ses côtés, je suis plutôt certain que ma « menace » va plutôt le faire rougir et blêmir en même temps. Voyons si j’ai vu juste…






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« Baby steps. »

Légers malaises, efforts. Naoki regarde le potier tenter d'alléger la situation. Leur communication est compliquée, mais elle est présente, alors, il s'efforce de se dire que ce n'est pas si mal.

- Puisqu’on en est à jouer cartes sur table, je suis au regret de t’annoncer que la prochaine fois ne sera certainement pas mieux ! Après, si je peux te rendre la tache la moins pénible possible, genre en me lavant les dents comme tu l’as fait hier, j’essayerai de faire des efforts avant chaque baiser quotidien…

Il ne peut cacher un haussement de sourcils surpris, avant de se dépêcher à secouer la tête.

- Ce n'est pas nécessaire, s'empresse t'il de dire. Il ne voudrait pas que Jun croit qu'il le pense dégoûtant. Ce n'est pas le cas.

Ses pensées butent alors sur ce point. Bien que leur baiser n'ait pas été particulièrement agréable, il n'a pas été dégoûtant, pour sûr. Et pourtant, Jun était un homme, et, jusqu'à preuve du contraire, le petit salaryman était hétérosexuel. Ne devait-il pas se sentir un minimum repoussé à l'idée de poser ses lèvres sur celles de son époux, se demande t'il alors que son regard se posent sur la partie charnue de la bouche de son interlocuteur tandis qu'il parle.

- J’aimerais simplement que tu me préviennes si tu m’embrasses… ou s’il te vient l’idée de me tripoter...

« Tripoter » ?!

- Quoi.. ? S'exclame t'il dans un souffle presque outré. Je ne ferais jamais rien contre votre consentement..! J-je ne me permettrais pas de v-v.. t-te.. tripoter comme ça sans.. sans être sûr que ça ne te met pas mal à l'aise... !

Ses sourcils se froncent légèrement dans une moue tracassée. Cela ne l'aide pas vraiment plus à savoir quoi faire, comment envisager tout cela. Alors qu'il s'essaie afin de signifier à son mari qu'il est prêt à prendre les responsabilités nécessaires malgré son manque d'expérience dans cette situation précise, il sent immédiatement qu'il a marché sur des œufs, et qu'il en a cassé quelques uns.

Son estomac se tord à la réponse de Jun, à l'amertume qui suinte de ses mots. Naoki ne comprends pas vraiment pourquoi il lui dit cela. Etait-ce que le musicien avait compris de ses intentions ? Lui avait-il fait ressentir ses doutes au point de le blesser ? Il entend son interlocuteur se reprendre, adoucir ses mots, mais le leit motiv d'une blessure sous jacente bourdonne aux oreilles du comptable, qui s'en veut inéluctablement. Triturant ses doigts, il gratte nerveusement les cuticules sous ses ongles. Ses mains sont proprement entretenues, comme tout le reste de son corps semble t'il, mais quand on y regarde de plus près, ses ongles courts témoignent de son anxiété confinée et dissimulée.

Il laisse ainsi Jun parler, se disant que peut-être, cela aidera aussi son vis à vis à apaiser la piqure douloureuse qu'il lui a involontairement faite. Il remarque bien sûr ses efforts, sa tentative de communiquer, mais aussi de lui en apprendre un peu plus sur lui. Alors il l'imagine, avec ses amis comme il le lui décrit. Une pile de personnes, un pèle mêle de gens où tout le monde est à l'aise. Cela l'attendrie un peu, et l'amuse même. Vu leurs rapports, et ce qu'il avait vu du musicien jusque là, difficile de le visualiser détendu. Ils ne se connaissaient pas, tous les deux, et les circonstances de leur rencontre n'a pas rendu très favorable leur première impression. Quelque part, Naoki le regrette un peu. Il aurait bien aimé voir Jun au centre de ses amis, paisible et insouciant, pour leur première fois.

C'est à ce moment que le potier relève les yeux, qui s'entrechoquent dans ceux du comptable. Le visage de ce dernier n'est plus aussi crispé, et on y décèle même une certaine douceur.

- Tu as l'air proche de tes amis. Je serais ravi de les rencontrer un jour, déclare t'il avec un léger sourire.

Parce qu'après tout, il allait bien en avoir l'occasion, n'est-ce pas ? Bien sûr, ils avaient tout leur temps, mais maintenant qu'ils allaient partager leur vie, les fragments qui formaient celle de Jun allaient immanquablement se mêler à la sienne. Leurs amis respectifs, leurs familles. Ce qu'ils aiment manger, regarder, écouter. Leurs hobbies, leurs passions, leurs emplois. Naoki ne pouvait qu'espérer que la collision de leur deux mondes se fasse le plus en douceur possible.

- Je... ne suis pas la personne la plus... sociable qui existe, j'ai peu d'amis, je crois. M-mais je.. je te les présenterais, si v.. tu en as envie, ajoute t'il.

Son cercle social est restreint, le petit salaryman n'étant pas du genre à vraiment rencontrer des gens, et encore moins à les laisser graviter aussi proches de lui. Les quelques personnes, rares, qui l'entouraient, avaient réussi à le faire au prix de nombreux efforts pour creuser leur place auprès du comptable.

- P’tête qu’on peut essayer de faire ça ? Se découvrir sans passer directement aux contacts intimes ? Avancer à notre rythme à tous les deux sans obliger l’autre à faire quelque chose qui lui déplaît ?

Naoki hoche la tête. La proposition est censée et raisonnable. Leur mariage récent a précipité beaucoup de choses, et l'un comme l'autre ne paraissaient vraiment prêt à autant de changement. Peut-être que ce qu'il leur fallait, c'était de lever le pied, prendre leur temps, et être un peu plus indulgent avec l'autre et soi-même.

- Sauf si tu veux jouer avec le feu ! Là, ce serait vraiment à tes risques et périls, parce que certains de mes ongles sont suffisamment longs pour me permettre de jouer… Et, crois-moi, tu ne voudrais pas qu’ils se plantent dans tes bras ou dans ton dos !

Alors qu'il s'apprêtait à prononcer son accord avec la suggestion précédente, le salaryman écarquille les yeux de surprise. Sans grand étonnement, ses pommettes deviennent aussi rouges que des cerises, et il bafouille quelque chose d'incompréhensible tellement il marmonne dans sa barbe. Il s'éclaircit la gorge pour reprendre un peu contenance. Il repousse son assiette avec son onigiri entamé, et serre l'un de ses poings alors qu'il paraît hésiter, avant de se lancer.

- Je.. ne suis pas très habitué à.. hm.. initier des contacts physiques mais.. je.. je crois qu'ils ne me dérangent pas.. Et... Peut-être que.. que.. nous pouvons commencer par...

Il tend alors une main un peu tremblante vers le potier, hésitante, paume vers le haut. Elle est moite de nervosité.

- .. Par nous.. tenir la main.. ?

La demande est pure et innocente, et bien qu'il ait fait plus que cela avec des femmes auparavant, l'idée de commencer par quelque chose de simple et basique le rassure un peu. La main toujours ouverte, il ajoute :

-- Et.. je me répète mais... Je ne ferais rien qui irait contre v.. ton consentement... J'aimerais... idéalement, bien sûr... Que nous construisions une r.. une r-relation s-saine et agréable p-pour nous deux...

Si Jun pouvait s'épanouir à ses côtés, ce serait merveilleux, se dit-il. Etait-il seulement capable de lui apporter ce cadre ?

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Bingo ! Ma dernière raillerie est récompensée par une jolie teinte carmin et les bafouillements incompréhensibles de mon homonyme. Quel succès ! C’était sûr que le coup des ongles serait un peu trop pour lui. Même s’il a plus d’expérience, ce garçon semble être du genre timide et mal à l’aise en société. Bien plus que moi, lorsque j’apprends à connaître des gens... Autant dire que l’offre d’y aller à notre rythme paraît on ne peut plus adéquate… Un petit air fripon élève l’une de mes commissures, tandis que ma « victime » continue de baragouiner.

- Déstresse, j’blaguais. Tant que tu ne fais rien sans mon accord, je ne vais pas me faire les griffes sur toi.

De toute manière, utiliser mes ongles sur de la glaise ou sur mes cordes me semble bien plus pertinent…
Mon amusement hante encore mes lèvres lorsque je fixe le comptable en train de péniblement faire le tri dans ses émotions. Le pauvre ! Le taquiner, alors qu’il est si bienveillant, me donnerait presque des scrupules… Parce que, plus je le fixe, plus je distingue une bonne personne derrière sa gêne et ses maladresses. Une personne sur laquelle j’aurais pu -je pourrais ?- compter… Ou alors, ce sont les mauvaises expériences qui m’amènent à ce constat ? Mon cœur me souffle que j’aurais pu tomber sur un individu bien pire que lui… Quelqu’un comme ces dragueurs lourdingues qui n’ont jamais compris que j’avais besoin de confiance, de temps, de régularité ou tout simplement d’un consentement mutuel, avant d’envisager quelque chose de plus. Quelqu’un de retors qui ne pense qu’à lui et ses besoins. Quelqu’un sans principes, qui considère que ce ou ceux qui sont sous sa coupe lui appartiennent comme bon lui semble.

De ce que j’ai vu, cette image ne colle absolument pas au salaryman. Son air offusqué et son effroi ne m’ont pas échappé lorsque j’ai abordé la question du consentement… Lui aussi trouve cela impensable. Aberrant. Révoltant ? Cela me rassure même si, malgré moi, une petite voix s’interroge sur nos jours futurs : tiendra-t-il toujours ce discours lorsqu’il comprendra que je ne veux pas avoir de relations sexuelles et suis prêt à mourir ?

Sentant l’angoisse étreindre ma gorge, je chasse à la hâte ces mauvaises pensées pour me concentrer sur du positif. Or, la première chose qui me vient est ce que j’ai ouï ces cinq dernières minutes : des informations rassurantes et des échanges constructifs. Naoki n’est pas l’homme que je m’étais imaginé. En plus de mettre de l’eau dans son vin, alors que je n’étais pas celui qu’il attendait, il encaisse mes peurs, mes humeurs et mes envies. Il me prend réellement en considération en me questionnant, me parlant et m’écoutant… Putain, il a même soumis le désir de rencontrer un jour mes amis ! Sur le coup, cela m’avait fait légèrement écarquiller les yeux. J’en avais presque perdu de mon masque et avais maugréé un rapide « Pourquoi pas. Seulement si je découvre les tiens… » accompagné d’une œillade appuyée. Une offre aussi sincère que mensongère, puisque je savais pertinemment que ce serait une perte de temps pour nous deux… Et pourtant… J’en avais envie… Aussi bien de lui montrer mes proches, que de voir ceux ou celles capables de le décrisper, lui, cet étrange garçon ayant trébuché sur ma vie… Fichues émotions contradictoires !

La voix de mon compagnon me tire de mes rêveries. En un éclair, mes onyx cavalent contre leurs consœurs, avant de voltiger contre la main que l’on me tend. La demande est plus qu’explicite. Je n’ai d’ailleurs pas besoin des mots qui s’en suivent pour comprendre ce que l’on attend de moi. Cependant, j’écoute avec attention mon interlocuteur. J’assimile chacun de ses mots. Ses efforts lorsqu’il se rattrape en plein vouvoiement. Son ton solennel quand il me rappelle qu’il ne fera rien sans mon aval. Les espoirs que je peux lire dans ses yeux.

- D’accord. Concédé-je d’un ton faussement assuré.

Joignant le geste à la parole, je laisse naturellement ma dextre s’approcher de son alter ego, intrigué à l’idée de goûter à la chaleur de sa peau. Hélas, la désillusion revient comme un boomerang. Ce contact ne me trouble pas spécialement. Il est à la fois chaud et moite, véritable contraste avec ma main plutôt fraîche et parfois sèche, si j’ai trop travaillé la terre. Avec les températures extérieures, je sais qu’on est simplement sur du frais ; ce qui me donnerait presque une impression de feu et de glace... Certes, ce n’est pas désagréable pour autant toutefois, j’en attendais plus ?! Où sont ces picotements dans le ventre dont parlent les chansons ? Où sont les battements de cœur effrénés des romans à l’eau de rose ? La déception me laisse comme un goût de cendres dans la bouche.

Les secondes défilent. Rien ne se passe. J’en viens à me demander si ce n’est pas moi, le problème dans cette histoire. Serais-je « cassé » depuis le meurtre de mon frère ? Est-ce que j’aurais ressenti ça avec les deux ou trois personnes pour qui j’ai eu un crush inavoué par le passé ? Faut-il que je me rapproche davantage de Naoki pour ressentir la fameuse petite étincelle ? Ou bien suis-je une cause perdue ? Perplexe, je laisse mon regard s’accrocher à celui de mon vis-à-vis. Je me demande ce qu’il ressent, LUI. De l’indifférence ? Du dégoût ? De la satisfaction ? De la peur ? J’ai presque envie de le questionner sur le sujet hélas, la pudeur scelle mes lèvres et m’oblige à reporter mon attention sur nos mains jointes.

Soulagé par le silence, je laisse mes obsidiennes partir en croisade. Elles se mettent alors à cascader le long des monts de chair et d’os de ses phalanges, marcher sur le velouté de sa peau et arpenter ses longs doigts pliés autour des miens. Cette simple vision me donne une soudaine envie de dessiner ou de modeler. Représenter des mains est tellement fascinant… Pourquoi n’en est-il pas de même lorsqu’on en tient une ?

Sans que je n’en aie conscience, mon pouce s’éveille contre la peau du salaryman. Il se plie avec douceur et, dans une lente caresse incontrôlée, vient se loger dans le creux de sa paume où il effectue quelques cercles délicats.
Dans ma tête, je songe à la matière que je travaille.
À ces petits gestes infimes qui donnent la vie et construisent.
À ce contact rassurant.
Et je ne réalise pas ce que je fais…

Klaxons soudains m’arrachant à ma torpeur.
Sursaut immédiat qui me font à lâcher la main du petit brun.
Adieu petit doigt traçant mille et un sillons sur son épiderme…

Revenu à la réalité, je me rappelle ce que nous faisions et jette une œillade vers mon colocataire dont le vermillon hante encore les joues. Sur le moment, j’ignore que cette pigmentation est en partie ma faute. J’interprète simplement cette gêne comme le résultat de cet infime rapprochement… Et, je trouve ça mignon. Je l’envierai presque d’avoir su apprécier ce premier pas. Les choses auraient peut-être été différentes s’il en avait été de même pour moi ?… Bouffée de culpabilité. Sentant mes joues rosir à cette réflexion, j’offre un sourire de façade, avant de saisir ma guitare, puis de me redresser.

- Je… Ça m’a fait plaisir qu’on ait pu parler.

Au moins, on a pu mettre certaines choses à plat.

- J’te laisse finir de manger… En attendant, je vais me préparer. On va aux courses quand tu veux. T’auras qu’à me faire signe.

Et sur ses mots, je quitte le balcon, bien déterminé à filer en direction de la chambre. Or, je suis tellement pris par ma fuite que je passe complètement à côté d’une chose importante : après un ultime regard à Naoki, mon pouce s’est prestement replié contre ma paume, en quête d’une présence fantôme et d’une chaleur difficile à oublier… Une quête vite avortée lorsque mon poing s’est refermé et que j’ai accéléré le pas... Dommage que ce détail m’ait échappé. Dommage que je n’aie pas fait attention à mon myocarde qui s’est mis à battre un peu plus fort…





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La main ouverte, avancée et invitante, Naoki commence à immédiatement regretter sa proposition durant le court instant qu'il faut à Jun pour y répondre. A peine quelques secondes, vraiment, mais elles suffisent à lui faire douter de ses mots, de ses actes. Et si son homologue trouvait ça déplacé ? Ou ridicule ? Ils étaient deux hommes adultes, et lui venait de lui proposer ce qu'un garçon demanderait à une fillette dans une cour d'école primaire. Et pourtant, à part cela, il ne voyait pas comment s'y prendre.

Avec les femmes qu'il a côtoyé, les choses étaient plus simples. Ecrites, presque. Il y avait un protocole. Une manière de se comporter, une manière de procéder. Il les invitait à un rendez-vous dans un bar, autour d'un verre. Il restait toujours galant, correct envers elles, prenait garde à ne pas être trop invasif, trop tactile. Il les complimentait, toujours le plus sincèrement possible. Les femmes avec qui il avait eu des relations s’apprêtait toujours, portaient de jolis vêtements ou un maquillage élégant pour l'occasion, alors ce n'était pas compliqué de trouver quelque chose de gentil et charmant à leur dire. Puis ils discutaient, sans trop creuser. Laisser le feeling se faire, parfois mieux que d'autres. Au moment ou la discussion commence à s'amenuiser, et ou les regards sont plus soutenus, plus insistants, il comprenait que c'était le moment pour leur proposer de les raccompagner. Parfois chez lui, souvent chez elles, il arrivait que le premier baiser n'attende même pas la sortie du bar ou l'intimité d'un chez soi. Et bien qu'il essayait le plus possible de demander un consentement explicite, parfois, la situation se privait de mots, à la faveur de caresses et de baisers qui en disaient tout aussi long.

Aussi loin qu'il puisse remonter, il ne se souvient pas avoir déjà proposé à l'une de ses conquêtes de lui prendre la main comme premier contact. Et pourtant, le voilà à proposer cela à l'homme qui va partager sa vie. Comment devait-il aborder une intimité avec son mari ? L'engager, alors qu'ils sont tous les deux si distants l'un de l'autre. Il ne pouvait qu'espérer que ce fossé ne se creuse pas d'avantage avec les jours qui passent...

Le contact des doigts froids sur sa paume brûlante d'anxiété le sort brusquement de ses pensées, et son regard passe du bas vers le haut plusieurs fois. Jun ne se moquait pas, et même, se pliait à sa demande, sans sembler la juger. Et constater cela apaise un peu le bourdonnement incessant de ses pensées en arrière plan.

La main de Jun est grande. Délicate, un peu, mais pas comme celle d'une femme. Elle ne paraît pas fragile et fluette. Elle n'est pas vraiment douce et soyeuse non plus. Naoki se prend à penser que s'il refermait ses doigts sur celle-ci, il ne pourrait pas totalement la couvrir. Et que si il la serrait dans la sienne, il risquerait moins de lui faire mal sans le vouloir. Cette pensée le rassure autant qu'elle le trouble. Il n'avait jamais envisagé cela sous cet angle avant aujourd'hui. Il avait toujours trouvé les mains des autres jolies ou fascinantes. C'était une partie du corps qu'il appréciait. Celles de son ex copine ressemblaient à des mains de poupée. Et il enviait celles de Marco -ce n'était pas la seule chose qu'il enviait dans le physique de l'hispanique- car elles étaient plus grandes et fortes que les siennes, plus masculines et rudes.
Il n'enviait pas les mains de son époux, et il ne ressentait pas non plus ce sentiment de crispation dû à la crainte d’abîmer quelque chose de trop frêle, trop délicat pour lui. Les mains de Jun étaient comme un entre deux. À la fois semblable et étrangère. Ni trop, ni trop peu. Le juste milieu.

Un confort.

Quel étrange sentiment que de réaliser cela, se dit le salaryman, avant que son regard ne remonte jusqu'au visage de son époux. La curiosité le pique. Probablement qu'il ne pense pas autant que lui. Il se savait une tendance à trop se perdre dans sa tête, à s'inquiéter ou surinterpréter bien plus qu'il ne le fallait. Mais il ne pouvait s'empêcher de se demander ce que Jun pouvait bien penser, à cet instant, avec son air concentré et ses sourcils un peu froncés.

Une sorte de réponse lui vient sous la forme d'une sensation, puisque les doigts frais du potier se mettent à tracer les reliefs de sa dextre. Ses monts un peu rugueux à cause de sa pratique des arts martiaux, ses phalanges anguleuses qui laissent deviner que son corps est plus sec que moelleux, et sa peau pâle picorée ici aussi de grains de beauté.

Le contact du musicien est doux, minutieux, comme s'il analysait chaque détail de sa main. Naoki n'a pas souvenir qu'on ait un jour porté une attention si délicate et appuyée sur lui, et il mentirait s'il disait que cela ne le trouble pas un peu. Il sent ses joues chauffer, soudainement intimidé alors que ses iris onyx filent vers le plafond dans une tentative de se calmer. En vain, puisque Jun se met à... caresser sa main ?! Sa gorge s'assèche, et une multitude de questions se cognent contre ses lèvres cousues. Si le geste venait d'une femme, il aurait interprété cela comme du flirt, probablement. Mais là, qu'est-ce qui poussait le musicien à faire cela ? Il lui semblait pourtant clair que leur relation n'était pas encore à ce stade, et allait demander bien plus de temps et d'effort que ça pour espérer y arriver.

Confus et un peu ébêté, il sursaute à l'entente du klaxon, tout son corps se crispant si bien que ses doigts se referment sur ceux de Jun avant qu'il ne les retire à la hâte. Avait-il essayé d’inconsciemment le retenir ? Pourquoi ?

Encore chamboulé par le pic de stress, le salaryman ne fait que bafouiller en réponse, une fois de plus, avec un manque flagrant d'éloquence.

- Ah euh.. O-oui.. Euh.. Hm.. T-toi aussi.. Euh.. E-enfin, j-je veux dire, m-moi aussi, ça m'a fait plaisir...

Pupilles rivées vers le sol alors qu'un sentiment de honte engouffre son cœur battant, Naoki les relève seulement pour voir le potier partir, son regard se perdant sur sa silhouette de dos avant qu'elle ne disparaisse au détour de la porte. Presque une minute s'écoule avant qu'il ne pousse un soupire, ses onyx se posant sur sa main abandonnée là dans la même position. Il la referme une fois, deux fois sur le vide, comme à la recherche de sa consœur désormais disparue. Le fantôme de son passage persiste sur son épiderme, comme un picotement glacé. Il s'en défait en frottant sa main sur son pantalon, pour le remplacer. Pour oublier.

Il reste ainsi sur le balcon pour finir son repas rapide, habitué à engouffrer sa nourriture pendant des pauses trop courtes au travail. D'habitude, il achète ses onigiris tout fait au konbini, mais maintenant qu'il s'était mis d'accord avec son époux pour s'occuper de la cuisine, il allait probablement les préparer à la maison. Jun avait bien aimé le shiso. Peut-être qu'il pourrait en faire pousser du frais ? En attendant, il allait devoir prévoir d'en avoir de manière déshydratée pour la conservation, ainsi que d'autres herbes et épices. Méthodiquement, il en fait la liste sur son téléphone. Puis il se lève, récupère les assiettes, et file vers la cuisine ou il continue la liste de tout ce qui lui semble manquant. Ils aviseront en fonction des produits présents au magasin et des promotions, mais il leur manque pas mal de basique, qu'il est nécessaire d'acheter au plus vite.

Après avoir fait la vaisselle et fait un rapide tour de l'appartement pour compléter la liste avec les produits ménagers manquants, il se présente jusqu'à la porte du bureau ou il y a vu son époux après qu'il soit sorti de la chambre. Il toque.

- Hm.. T-Tsuyu-san, v.. Tu es prêt.. ?

Il ne voudrait pas le presser, mais s'ils tardent trop, ils vont se retrouver à l'heure de pointe, et Naoki n'a pas très envie de se battre avec une grand mère pour une barquette de viande en grosse promotion. Le supermarché peut être un lieu hostile.

- Est-ce que tu préfère conduire ? Je peux le faire, si t.. si tu veux, propose t'il en se dirigeant vers le genkan, où il enfile ses chaussures et son manteau.

Ils descendent ainsi jusqu'au parking, le salaryman vérifiant une nouvelle fois sa liste. Il demande, concentré, le nez sur son écran qui se reflète dans ses lunettes.

- Est-ce qu'il y a quelque chose que vous aimeriez manger ? Il relève les yeux vers son époux avant d'ajouter. Quel est v.. ton plat préféré ?

Il pourrait commencer par lui préparer cela, se dit-il. Ce serait une bon moyen de se rapprocher.
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Me préparer est un grand mot. Ayant déjà enfilé une tenue aussi bien pratique pour traîner dans l’appart’ que pour aller dehors, m’habiller consistera simplement à enfiler mes chaussures et une veste avant de sortir. En réalité, j’ai menti… J’ai servi cette excuse bidon, juste pour laisser Naoki finir tranquillement son repas et éviter de sombrer davantage dans la gêne. Le pauvre a déjà du mal à cacher ses rougeurs et ses émotions. Rester à le regarder manger, alors que j’étais déjà lassé après plusieurs bouchées, aurait été aussi dérangeant que malvenu… Il n’avait pas besoin de ça. Notre couple nécessitait du temps. De l’espace. De l’observation. Des petits temps ensemble. Des échanges. De l’éloignement. Tout un cycle qu’il va nous falloir composer, telle une danse improvisée.

Je préfère rester sur du positif, à penser que nous venons de crever un abcès. Certes, cette discussion a été complexe et cette ultime tentative de rapprochement a puisé dans nos réserves respectives ; toutefois, ça a été essentiel. Dorénavant, nous ne percevons plus l’autre comme un simple nom craché par une machine. Nous avons maintenant un visage. Des expressions. Des tics. Des ébauches d’une personnalité. Comme une boule de glaise ayant subitement pris forme. Reste à voir ce qui va se modeler au fil des jours… Et ce qu’il adviendra de cette chose une fois l’échéance atteinte…

Ma halte dans la chambre a donc été du genre express, bien plus propice à un débriefing de notre tête-à-tête, qu’à une séance d’essayage. Peu importe. L’idée était simplement de mettre de la distance entre nous. De nous préserver. Cela dit, j’en ai quand même profité pour ranger un peu mes affaires et réajuster mon maquillage. Appelons ça comme on veut : de l’acquis de conscience, de l’utile, de la coquetterie, un argument justifiant mes propos du balcon, … Le fait est que j’ai remis un peu de khôl autour des yeux et tapissé les réminiscences d’hématomes sur mon corps à l’aide d’une bonne dose de fond de teint.

Ces derniers ne se voient plus trop cependant, mon époux semble être du genre aussi observateur que moi. Si j’ai le malheur de me déshabiller à côté de lui et qu’il remarque mes cicatrices ou les souvenirs de mes agressions passées, il va forcément réagir. Mieux vaut laisser cette conversation à plus tard, voire à jamais ! De toute manière, cela ne changerait rien à ce qu’il s’est passé. La seule chose à laquelle j’aurais le droit, c’est surtout à un regard rempli d’effroi et de pitié... Peut-être même de la compassion ? Qui sait s’il n’a pas été une victime, à cause de son petit gabarit, ses airs d’intellos et son visage fin ?! Les agresseurs n’ont pas forcément besoin de grand-chose pour vouloir passer à l’acte…

Pensif, je me traîne dans l’appartement. L’envie de m’en griller une me titille néanmoins, l’espace est toujours occupé par le salaryman, ce qui m’oblige à changer de plan. Je déambule alors jusqu’à la pièce pourvue d’un bureau et d’une mini-bibliothèque totalement vides. C’est si calme... Ma senestre s’approche délicatement de l’étagère, tel un papillon inexorablement attiré par une lumière au beau milieu de la nuit. Lente caresse du bois. Durant une poignée de secondes, je songe à ce que nous pourrions y mettre. De la paperasse ? Des bouquins de comptabilité ? Quelques romans ? Mes tablatures ? Serions du genre à tout entasser en foutoir, à tout structurer selon des domaines ou à définir un rayon par personne ? Cela m’amuse d’imaginer mon époux, probablement très carré et ordonné, en train de râler face à mon étagère bordélique.

Que ce soit chez moi ou dans mon atelier, il y a toujours eu des livres entassés les uns sur les autres, des classeurs ouverts, des feuillets ou des dessins dépassant d’une pochette et quelques documents pas encore rangés. C’est comme si un ouragan était passé par-là et que personne n’avait osé effacer sa trace… Par flemme et par habitude, je range ces documents que deux à trois fois par mois. Entre temps, c’est le chaos. Je me limite au ménage, l’éponge et l’aspirateur passant soigneusement autour de tout ce qui est susceptible de servir bientôt et rendant tout de même les pièces propres. Une part de moi s’interroge : le jeune homme parviendra-t-il s’en accommoder ou bien essayera-t-il de me changer ?

Un frisson me traverse.
Je ne devrais pas penser à ça.
Je ne devrais pas non plus nous imaginer ici. Lui, en train de télétravailler. Moi, en train de gratter sur des cordes ou du papier…
Je ne devrais pas me projeter…
Notre cohabitation ne durera pas longtemps… N’est-ce pas ?

Nouvelle vague de remords, de craintes, de questions et de doutes venus alimenter le nœud de mon estomac.

Le mal de crâne me menace. Épuisé par cet assaut, je m’assieds sans un mot sur le coussin-pouf abandonné dans un coin de la pièce. Combien de temps reste-t-il avant d’aller aux courses ? Ai-je un quart d’heure devant moi, ou beaucoup plus ? Je décide finalement de céder à la facilité. Ainsi, les minutes qui suivent se passent derrière un écran. Un temps calme idéal pour répondre à certains messages personnels et professionnels. Mon psy a par exemple été envoyé sur les roses avec un court « Je suis avec mon époux dans notre nouvelle maison. Nous nous reverrons à notre rdv mensuel. » afin de lui faire comprendre qu’il peut me lâcher la grappe.

Pour mes amis, c’est plus complexe… Si certains ont vu la fermeture du magasin, ils en ignorent encore la cause. Je ne leur ai rien dit. Papa, Inaya et mon psy sont les seuls à me savoir marié et, suite à ma demande, ils n’ont pas relayé l’information. Le problème, c’est que je ne me sens pas encore capable d’annoncer ce changement. Non pas parce que j’ai peur de leur jugement ou que mon compagnon n’est pas mon genre. En réalité, je suis incapable de leur dire si la situation me plaît ou non... Je ne veux pas non plus qu’ils lisent entre les lignes, comprennent que je refuse d’aller plus loin que de simples baisers et me prennent la tête pour me faire changer d’avis ! Ils en seraient capables. Surtout Yosuke ! Oh, j’ai bien conscience de ma lâcheté… Mais, je m’en fous. C’est pour cette raison que je noie habilement le poisson et prétexte être sur un « gros projet » nécessitant mon attention. Un moyen habile de ne pas dire si c'est familial ou professionnel et de couper court à la conversation. Une manière d'être absent, sans pour autant s'empêcher d'avoir du temps libre pour « souffler ». Une belle façon de mentir par omission.

Il y avait longtemps qu’un événement ne m’avait pas autant chamboulé. J’en ai conscience, tandis que mes doigts glissent dans ma tignasse et pressent le cuir chevelu, comme un étau de chair empêchant les incertitudes et les pensées de s’échapper. Tout me dépasse et me perd. J’assume. Je fuis. J’angoisse. Je change d’avis. Je reviens. Je coule. Bon sang ! J’ai presque l’impression d’avoir été jeté dans un lac agité, avec une petite bouée comme unique repère ! Ici, le fait d’avoir appris à nager sans personne ne me sert plus, car sans l’objet flottant, ma vie n’est pas assurée... Il faut que j’apprenne à m’y appuyer. À ne pas trop l’écraser pour ne pas qu’il coule. À le regonfler quand je peux. À faire confiance… Merde ! Pourquoi faut-il que cette « bouée » n’aie pas l’image que je me faisais d’elle ?! Elle est si petite. Si fragile. Percée à certains endroits… Paradoxalement solide et présente, mais certainement pas ad vita eternam... Mais le pire, c’est que malgré mon caractère oscillant et parfois difficile, je n’ai pas forcément envie de la voir sombrer avec moi. Elle ne le mérite pas.

« ‘Fait chier. »

L’arrivée du brun devient brusquement l’image que j’avais de lui : une bouée de sauvetage. Sans le savoir, il m’extirpe des marécages mentaux dans lesquels je suis embourbé et m’aide à me concentrer sur du concret. On va aller faire des courses. Maintenant. Joignant le geste et la parole, je clame :

- J’arrive !

C’est un faciès légèrement tiré qui l’accueille au moment où la porte s’ouvre cependant, je fais de mon mieux pour afficher un micro-sourire afin de le rassurer. Leste, je me dirige ensuite à l’entrée pour attraper mes affaires et de quoi régler. Comme j’ai reporté la question « finances » à plus tard, j’ignore comment mon interlocuteur compte procéder pour le règlement des courses toutefois, faire cinquante-cinquante me paraît être une bonne idée. Même s’il est probable que Naoki bouffe plus que moi -c’est même certain !-, il est normal de convenir d’un partage équitable. En revanche, pour ce qui est de la conduite, il n’y a pas à tergiverser !  

- C’est la voiture de mon père. Rappelé-je calmement.

Et c’est uniquement ça qu’il faut retenir ; car, pour être franc, je n’aurais rien eu à redire sur le faire de me faire véhiculer s’il avait eu sa propre voiture. Je n’ai pas l’ego de plusieurs potes voulant absolument conduire et affirmer leur position de meneur au sein du groupe. Bien au contraire, je suis plutôt celui qui se laisse entraîner et diriger… Néanmoins, c’est la caisse de mon père et je ne connais pas suffisamment mon vis-à-vis pour la lui confier. S’il l’égratigne ou se fait encastrer, je lui en voudrais autant qu’à moi-même !

L’affaire entendue, nous nous rendons paisiblement jusqu’au véhicule dans lequel je m’installe sans tarder. Mon nouveau « colocataire » me rejoint, le nez greffé aux notes de son téléphone. Avant de monter, il me consulte sur mes habitudes ou mes envies alimentaires cependant, j’attends patiemment qu’il s’assoie et s’attache avant de lui répondre.

- J’suis pas difficile… Mais, honnêtement, j’te conseille d’acheter surtout pour toi. J’ai l’habitude de sauter des repas, de manger peu ou de me jeter sur des trucs simples et instantanés. Pas sûr que tu y trouves ton compte si tu te bases sur mes envies.

Ma réponse ne l’aide pas vraiment toutefois, elle est pleine de vérités. Hormis lorsque je suis avec mes proches, me faire à manger ou avaler un truc sur le pouce me gave. Je n’ai pas non plus l’habitude de planifier les menus de la semaine. Même avec mes parents, j’achète uniquement ce qu’on me demande et je ne vois pas forcément sur le long terme. Ô merveilleuse flemme et pur manque d’intérêt.

L’un de mes sourcils s’ourle lorsque je jette une œillade sur l’écran toujours éclairé.

- Dis-moi plutôt ce que tu aimes bien manger, toi ? Si ça s’trouve on a des goûts communs… T’aimes le sucré-salé, par exemple ?

Je le laisse répondre, préférant me taire et me concentrer sur ses paroles et le trafic. Sa voix me berce un peu. Même s’il bute régulièrement sur les mots ou se reprend dès qu’il me vouvoie, il y a ce petit côté doux, rassurant, maladroit et attachant qui ne m’est pas désagréable. Histoire de donner du change, je lâche quelques informations, comme le fait d’aimer mélanger les saveurs, notamment avec des fruits ou des légumes dans les plats, et de ne pas être végétarien. Nonobstant, je reste tout de même avare : au final, c’est lui qui s’exprime le plus. Ça me plaît. Je préfère de loin l’écouter… Il n’est d’ailleurs pas rare que, lorsqu’une question culinaire ne m’inspire pas, je me contente de hausser les épaules avec indifférence et de le relancer lui, pour qu’il reprenne la parole. Il a par exemple le droit a : « Tu manges beaucoup de viande ou t’as une alimentation spéciale ? », « Tu cuisines uniquement Japonais ou ça t’arrive de varier ? », « Ça te dérange si on ne mange pas forcément la même chose à un repas ? », « Y’a un yatai sympa, pas très loin de mon travail. Ils font des yakisoba au tofu et aux fruits de mer vraiment chouettes. Ça te dit si je t’en ramène cette semaine ? ». Des questions, certes, banales, mais finalement pertinentes quand on est amenés à cohabiter avec quelqu’un.

Contrairement à mon partenaire, je n’ai pas préparé de liste. Je préfère généralement utiliser ma mémoire ou, en cas d’oubli, retourner dans un kombini et m’en griller une sur le chemin, histoire de joindre l’utile à l’agréable. Quoi qu’il en soit, Naoki est bien plus organisé que moi : il liste tout, s’évertue à prendre en compte nos goûts respectifs et veille à ne rien omettre. Voilà un homme bien préparé ! S’il en va de même à son travail, nul doute qu’il fasse partie des meilleurs employés… Et qu’il crache à la gueule des mecs comme moi ?! À l’inverse de mon travail -où je tiens mon agenda d’une main de maître-, mon temps libre est plutôt guidé par les envies du moment, mes proches et l’improvisation. J’aime sortir sur un coup de tête. J’adore décider d’inviter un pote ou aller le rejoindre, alors que rien n’était prévu. Ça ne me dérange pas non plus de laisser soudainement mon père et Inaya en amoureux, puis d’aller bosser le temps qu’il faut. Rien n’est plus beau que l’imprévu ou la spontanéité. J’espère que mon mari connaît ces mots ou qu’il va apprendre à les rajouter à son listing…

Le parking du supermarché est à moitié rempli. On devine que l’heure de pointe approche toutefois, on n’y est pas encore. Par chance, nous avons bien une heure avant que la foule ne devienne dense et oppressante… Les lèvres closes, j’observe le comptable sortir de l’habitacle et chercher du regard le stock de caddies. Sa réactivité m’impressionne ! Moi, je suis encore en train de réajuster ma capuche coincée par ma veste et de défaire ma ceinture… Le décalage me ferait presque rire. C’est peut-être pour ça que, le temps d’un battement de cils, je m’autorise à baisser quelques barrières ?... À faire comme si j’étais avec Kazuma, pour qui l’humour pourri est presque une tradition ?

- Bon… J’m’occupe du caddie ou tu veux me montrer tes talents de pilote de course ? Soufflé-je en claquant la portière.

Profitons du fait que je suis bien luné pour le taquiner et le tester. Les mauvaises pensées et la réalité finiront bien vite par me rattraper…






Jun Tsuyu
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« Adjusting. »


Naoki s’installe dans le véhicule sur le siège passager sans rechigner, il met correctement a ceinture. Sa tentative d’n apprendre plus sur les gouts de Jun se solde par un échec. Pas qu’il ne lui réponde pas, mais il reste bien trop vague pour qu’il en ressorte une information significative. Par contre, le fait qu’il lui dise rater des repas le fait tiquer. Il fronce légèrement les sourcils, se demandant si c’est une question de flemme, d’envie, de faim, d’occupation ou quelque chose de plus grave.

Le comptable, lui avait toujours accordé de l’importance aux repas, il aimait manger, et manger des choses bonnes. Il n’avait pas toujours le temps ni l’envie de s’y consacrer en cuisine, et parfois, le prospect de se retrouver devant les fourneaux lui retournait le ventre de culpabilité. Mais de manière générale, il n’avait quasiment jamais sauté un repas de son plein gré. Les pauses raccourcies ou carrément supprimées au bureau s’en chargeaient pour lui.

Avant qu’il n’ai le temps de le questionner d’avantage, Jun lui retourne la demande, et sans vraiment s’en rendre compte, il se retrouve à parler de ses gouts durant tout le trajet. Le potier apprend ainsi qu’il n’est vraiment pas difficile, puisqu’il mange, mais surtout, semble apprécier à peu près tout. Il lui confie ne pas vraiment connaître les cuisines étrangères, sauf quelques plats européens qu’un de ses amis lui a fait gouter. A part cela, ses connaissances et gouts se limitent plutôt à la gastronomie de l’archipel, parfois la Corée et la Chine. Il aimerait bien découvrir de nouvelles cuisines, et la perspective de tester un yatai qu’il ne connaît pas semble l’enchanter. Il n’est cependant pas très fan de tout ce qui est très piquant et fortement épicé, et c’est avec un peu de timidité qu’il l’avoue, comme s’il en avait honte.
De manière générale, il parle de nourriture avec bien plus d’enthousiasme que de tout le reste jusque là. Il semble clairement évident que le sujet l’intéresse, à tel point qu’il ne voit pas le trajet passer et qu’ils sont déjà sur le parking. Un coup d’œil à sa liste lui fait réaliser qu’il n’a même pas recueilli ce qu’il voulait pour la compléter un temps soit peu.

Ainsi, il descend du véhicule et va immédiatement chercher un caddie. Jun est à peine sorti quand il le rejoint, et cela le fait un peu sourire. Il a l’impression d’être sur une temporalité bien différente que celle de son époux, qui semble se laisser bien plus porter. Naoki, lui, avance sans arrêt sur un tempo rythmé et cadré. Il se demande s’ils arriveront à s’harmoniser.

- Bon… J’m’occupe du caddie ou tu veux me montrer tes talents de pilote de course ?

Le salaryman souffle par le nez, un peu amusé.

- Pilote de course est un peu exagéré. Mais, je veux bien te laisser le pousser.

Il lui tend ainsi le caddie, et alors qu’il retire ses mains de la poignée, elles frôlent celles de Jun qui vient la tenir à la place. Son cœur a un sursaut, probablement de surprise, se dit-il. Il ne réalise pas que ses joues sont devenues légèrement roses, et qu’il a détourné les yeux.

- Ce… sera plus pratique, vu que j’ai une liste… Et… si c’est moi qui me charge de la cuisine, il est plus logique que je gère aussi les courses alimentaires. Je tiendrais le compte de ce qu’il faut remplacer au fur et à mesure, à l’avenir.

Il semble réfléchir à quelque chose, en même temps qu’ils passent les portes du supermarché, étant accueillis par la voix féminine et robotique leur souhaitant la bienvenue.

- Nous pourrions installer une ardoise, ou.. un tableau, dans la cuisine ou l’entrée. De ce fait, tu pourras y inscrire ce que tu as besoin ou ce qui doit être acheté. Nous allons vivre à deux, alors pour tout ce qui est question de l’appartement, nous allons devoir nous accorder. Ce sera compliqué, si nous ne faisons que les choses chacun de notre côté. J’ai conscience… que c’est un changement important… M-Mais… Je… J’aimerais que ça se passe au mieux, et j-je crois que cela passe aussi par une organisation collective. Qu’en pensez… qu’en penses-tu ?

Le comptable triture son téléphone, visiblement nerveux dans l’attente de la réponse de Jun. Il ajoute d’ailleurs, un peu à la hâte.

- J-je ne veux pas v.. t’imposer des choses qui serait trop pénibles ou qui te changeraient trop… Après tout, c’est... c’est autant chez toi que chez moi... Alors si… Si c’est le cas, j’aimerais que tu me le dises. Je pense que tu l’as deviné, m-mais… Je suis plutôt du genre à être trop organisé…

Naoki a baissé les yeux, et il grimace légèrement. Ses épaules se sont aussi affaissées.

- Je… ne veux pas que tu ais l’impression de vivre dans une prison à cause de ma manière de faire…

Marco lui répétait sans cesse de se détendre, d’arrêter de se prendre la tête. Certaines de ses copines lui avaient aussi reproché de ne pas être assez spontané. Il avait conscience qu’il n’était pas vraiment dans la norme sur ce point. L’ordre et l’organisation le rassuraient. Si les choses étaient à leur place, si les événements étaient prévisibles, il savait comment y réagir. Être face à l’inconnu, au désordre et au chaos lui créait immédiatement une boule d’angoisse au fond du ventre. Et l’idée de rendre le quotidien de Jun pénible à cause de ses lubies lui fait peur.
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Cupidon ne hante sans doute pas les rayons...




Le couperet tombe : je conduirais aussi bien la voiture que le caddie. Ainsi soit-il ! L’explication donnée est logique, si bien que je ne trouve rien à redire. J’opine donc du chef, le visage neutre, tendant machinalement les doigts vers la longue poignée horizontale. L’effleurement de nos mains est loin de me troubler. À mes yeux, ce sont des petits gestes anodins et involontaires, comme il y en a des tas au quotidien ou lors de mes cours de poterie. Pour ces derniers, il n’est d’ailleurs pas rare que je vienne moi-même imposer le contact à mes étudiants, en les aidant aussi bien à se positionner correctement, qu’à gérer la pression de leurs phalanges sur la glaise. Tout ceci m’indiffère, car je n’ai jamais accordé de l’importance à la proximité physique, notamment dans le cadre du travail. Ceci dit, j’ai parfois conscience que cela déstabilise -ou enchante…- mes interlocuteurs et, dans ces cas-là, je veille à être le plus leste possible.

Étrangement, je ne saisis pas le trouble du salaryman lorsque j’y fais face. Certes, le changement sur ses joues ne m’a pas échappé nonobstant, je me persuade que ces rougeurs viennent du fait qu’il impose une décision, chose dont il est vraisemblablement peu habitué... À moins que cela ne vienne de sa nature timide, de sa peur à mon égard ou du fait que notre relation récente le met vraiment TRÈS mal à l’aise ? Les raisons sont nombreuses, c’est pourquoi je ne réagis pas à son réflexe épidermique. Je me contente surtout de le scruter attentivement et de l’accompagner en direction du magasin. Sa voix me parvient. Moi, je progresse sans rien dire. Mes pas se calquent le plus possible aux siens même si, à y faire un peu plus attention, je remarque qu’il ralentit parfois la cadence, tandis que je me presse un peu plus qu’à l’accoutumée.

Je l’entends me parler d’un tableau sur lequel noter des taches ou des listes à n’en plus finir et, bien que son enthousiasme soit palpable, je sens que ça ne va pas le faire. D’ailleurs, mon long silence est plus qu’explicite... Toute cette organisation me gave d’avance. Quiconque me connaissant, sait que je ne m’y tiendrais pas. Je suis quelqu’un de très rigoureux au travail, au point de tenir un agenda papier ET numérique. Toute commande acceptée se doit d’être honorée dans les temps, afin de ne pas nuire à ma réputation. De plus, je veille toujours à me laisser quelques créneaux de libres, afin de faire face à des imprévus personnels ou à des demandes inattendues. Tout ceci est primordial… Au boulot ! Parce qu’à la maison, je suis très souvent habitué à vivre au jour le jour et, évidemment, selon mes humeurs. C’est dans le foyer que l’on s’autorise à lâcher du lest, voire à se détendre. De ce fait, une vie trop cadrée risquerait de très vite m’étouffer, voire de me faire montrer les dents. Autant dire que l’idée de mon compagnon est loin de faire l’unanimité !

Face à mon mutisme déstabilisant, celui-ci s’embourbe dans ses explications. Plus je la boucle en le dévisageant fixement, plus il en rajoute. C’est presque un sketch désolant me rappelant l’image d’un parent enthousiaste, face à un ado ronchon qui n’a pas vraiment envie d’être là. Je crois qu’il m’arrive d’être un peu sadique, parce que je le laisse parler, encore et encore, jusqu’à ce que le malaise commence réellement à s’installer et que tout le corps du petit brun affiche les signes de sa détresse. Puis, lorsque les mots se tarissent enfin, je m’immobilise d’un coup et dresse un sourcil, comme pour dire « C’est bon ? T’as fini ? Ou il y a encore un truc à rajouter ?». Trois bonnes secondes défilent, avant que je prenne enfin la parole d’une voix paisible.

- On peut essayer… Mais, j’pense que tu te rendras rapidement compte que nous ne fonctionnons pas pareil.

Je hausse les épaules, armé d’un air nonchalant.

- J’ai l’habitude de m’auto-gérer. Il est donc peu probable que je noircisse ton tableau pour exiger un truc. En revanche, tu peux m’envoyer un SMS, si t’as besoin d’une course de dernière minute ou de quelque chose en particulier. Mon atelier n’est pas loin d’un konbini, donc j’peux facilement y faire un saut avant de rentrer.

Avec le temps, mon vis-à-vis va vite comprendre que je suis quelqu’un n’aimant pas être bousculé, mais de relativement disponible dès qu’il s’agit de courses ou de services. Il peut donc très bien me demander de faire quelque chose d’urgent, ou m’inonder de textos de commissions à faire pour remplir le frigo. Ce n’est pas un problème. Je m’y plierais. Par contre, il est hors de question que je me fasse chier à vérifier son ardoise chaque matin, notamment s’il est du genre à rajouter des informations la veille au soir. Mieux vaut apparaître comme un « chieur râleur et je m’en foutiste », qu’être un mec ne tenant pas ses promesses.

Ceci dit, je vois bien que mon fonctionnement n’est pas le sien et qu’il va falloir nous faire des compromis. Mon demi-refus doit lui déplaire. Quant à moi, ce sont ses habitudes qui me dérangent. Même si notre union est temporaire, je n’ai absolument pas envie d’avoir une vie bloquée dans une case, à devoir l’embrasser tous les soirs à dix-neuf heures tapantes, passer l’aspi dix minutes plus tard, avoir vingt minutes de libres et terminer chaque journée à jouer aux cartes après le souper ! Un quotidien doit être fait de surprises, d’improvisation, d’envies et d’opportunités. Pas de règlement et de tableaux Excel !

Les secondes passent, me laissant le temps de peser le pour et le contre. Mince. Il va falloir que je capitule un peu... Las, je libère un soupir, puis m’accoude complètement au caddie, le corps penché sur la poignée, la croupe légèrement en arrière et en appui sur une jambe.

- Bon… Si vraiment ça te tient à cœur, privilégie les tableaux partagés sur téléphone. J’regarderai ça de temps en temps et me mettrai une alerte si c’est important. Pour le reste, on fait comme j’ai proposé. (Une moue pensive déforme brièvement mes lèvres.) Hm… On teste ça sur une semaine, histoire de voir où se situe notre seuil de tolérance ?

Rien ne vaut de la pratique pour trouver un terrain d’entente. En tout cas, c’est tout ce que je peux lui proposer pour le moment... Reste donc à voir si cette alternative lui semble envisageable ou non ! Songeur, je laisse ma tête se poser négligemment sur l’une de mes épaules, tandis que je tends l’oreille et étudie ses réactions. Une part de moi ne peut s’empêcher de songer à la façon dont il a présenté ses habitudes de plannings. « Pénible », « Trop organisé », « Compliqué », « Imposer », « prison(nier) de sa manière de faire », … Sa requête a complètement été parasitée par des mots négatifs et dissuasifs. Partait-il défaitiste vis-à-vis de ma coopération ? Est-il du genre pessimiste ? Est-ce une technique délibérée pour me voir freiner des quatre fers et me tester ? Une petite voix me souffle que le comptable a surtout très peu confiance en lui, et qu’il a souvent dû entendre des reproches, ce qui n’a pas dû l’aider à s’affirmer… C’est dommage. Il a l’air d’être un type bien, malgré sa carapace de stress et ses tocs administratifs ! En tout cas, ça me touche bien plus que je dois l’avouer… Peut-être que si nous avions été amis, au lieu d’époux, j’aurais essayé de lui faire ouvrir les yeux sur ce détail ?

Quelques clients passent rapidement non loin de nous. Deux ou trois couples. Des gens souvent seuls. Or, si la plupart nous contournent sans même faire attention à nous, avant de reprendre leurs recherches alimentaires, je finis tout de même par sentir un ou deux regards appuyés sur nos silhouettes arrêtées... Un long frémissement cascade aussitôt le long de mon échine. En écho, mes épaules se tendent. Il faut que l’on bouge. Attirer l’attention m’a toujours mis à l’aise… Et il y a fort à parier pour que mon binôme soit de la même trempe !

- On va éviter de jouer les ronds-points. Affirmé-je derrière un sourire de façade.

À ces mots, mes jambes se remettent instantanément en mouvement. Je me dirige alors vers la première allée proposée, ignorant volontairement les stands du moment, situés au centre de l’artère principale, où l’on distingue des saucisses à foison, des barbecues en réduction, des ombrelles, des serviettes de plage, des jeux d’extérieur comme des raquettes ou des quilles, ainsi que toute une panoplie d’éléments estivaux. Aller me dorer la pilule avec mon mari n’est pas dans mes envies du moment ! Quant aux grillades, j’ai carrément la flemme d’en faire.

Mon rythme est un peu plus véloce que lorsque nous sommes sortis de la voiture. Non pas que je ne sois pas intéressé par tout ce qui est loisirs, littérature et papeterie, mais nous sommes là pour la bouffe. Aussi, je ne fais aucune halte et bifurque trois allées plus loin, lorsque nous arrivons à tout ce qui est destiné au ménage. Parfait ! Ça, c’est important. De plus, contrairement à la cuisine, c’est une tâche qui m’est plutôt familière. Le visage neutre, j’attrape donc machinalement les produits que j’ai l’habitude d’acheter pour ensuite les lancer dans le charriot, avant de reprendre ma route. Mon homologue est libre de faire de même. Après tout, je lui ai déjà sucré quelques habitudes en négociant son histoire de tableaux…

À plusieurs reprises, je m’arrête devant quelques rayons, où la scène est systématiquement la même : je saisis, puis tends un ou plusieurs flacons en direction de Naoki pour solliciter son avis et avoir son aval. Parfois, je les lui fais également sentir, afin d’éviter d’acheter une odeur qui lui serait désagréable. S’il accepte, l’objet connaît le même sort que ses confrères. En revanche, s’il s’oppose à mes choix, ou laisse entrapercevoir le moindre signe dépréciateur, je repose le pot dans l’instant sur l'étagère !

Comme souvent dès que je fais des courses, je deviens avare en mots et me contente de hocher la tête ou de lever les épaules si on m’interroge. C’est plus fort que moi. M’isoler dans une bulle est plus pratique. De coutume, je vais même jusqu’à mettre mes écouteurs, afin d’encore plus être tranquille mais, malheureusement pour moi, nous sommes deux, à présent. Jouer les taiseux revient à faire comprendre à l’adepte des chiffres que sa compagnie m’ennuie ou que ce moment est une corvée… Ce qui est le cas, on ne va pas se mentir ! Toutefois, je ne tiens pas à me montrer trop lunatique : j’ai accepté de l’accompagner. Il me faut donc être un minimum présent et faire quelques efforts.

Je prends finalement mon courage au moment où nous nous trouvons aux boissons chaudes. Ma question s’envole presque de façon abrupte, contrastant pleinement avec mes gestes ou mes rapides présentations de produits d’il y a quelques minutes.

- Plutôt thé ou café ?

« On repassera pour l’originalité… » Songé-je en m’arrêtant devant d’horribles sachets d’instantané.

Armé d’un pincement de lèvres dégoûtées, je fixe les logos représentés. Comment peut-on aimer ces abominations amères et chimiques ? Plutôt avaler un bidon de détartrant,  plutôt que de boire ce truc dégueulasse ! On devrait peut-être trouver le rayon électroménager pour s’acheter une cafetière digne de ce nom ainsi que des trucs utiles... Naoki décidera s’il préfère les capsules ou les sachets. Personnellement, je m’en fous, du moment qu’on ne prend pas cette merde instantanée !

Tandis que j’affiche un rictus en coin, mon index s’envole jusqu’au met de tous mes cauchemars.

- J’accepte tous les cafés que tu veux, sauf cet instrument de torture !






Jun Tsuyu
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« Compromises. »


La réaction de Jun face à la proposition d'organisation du salaryman en dit bien plus long sur ce qu'il pense qu'il n'aurait besoin d'en entendre. En effet, au fur et à mesure qu'il tente d'expliquer, se justifier puis presque s'excuser, l'homme en face de lui reste silencieux. Bien que son visage n'ai pas l'air d'exprimer de l'animosité, le manque d'enthousiasme et d'intérêt y est flagrant. Et en même temps qu'il s'embourbe, Naoki se sent de plus en plus anxieux. Évidemment que sa rigidité d'organisation venait de repousser son époux. Comment ne pas en être autrement ?
Ce qu'il percevait comme un simple tableau ou y exprimer ses besoins sans forcément passer par le fait de se voir ou de se croiser est en fait bien plus contraignant qu'il ne l'imaginait selon son propre prisme. Et forcer Jun à changer ses habitudes, qui allaient déjà être bien assez chamboulées, à prendre en compte ce qu'il aurait pu lui écrire, ou à devoir faire l'effort de l'intégrer dans sa routine journalière est bien trop imposant de sa part. Il ne s'était pas rendu compte que sa proposition était presque un coup de pied dans l'organisation du potier, pour venir appliquer son propre sens de l'ordre.

Il se tasse un peu sur lui-même, et ce même lorsque Jun concède en lui expliquant qu'il ne s'y tiendra de toute façon pas. Il note tout de même l'effort qu'il fait pour proposer une alternative. Échanger par SMS, ainsi qu'un tableau partagé. L'idée est bonne et créative, en plus d'être un peu plus directe. Cela dit, au fond de lui, Naoki se dit qu'il n'osera pas vraiment demander quoi que ce soit à son époux. Il ne voulait pas l'incommoder. Il ne voulait pas s'imposer. Il avait déjà l'impression d'être un cheveu indésirable sur une soupe peu appétissante. Il hoche la tête à sa destination cependant.

- Mh... Nous pouvons faire ainsi. Si vous... Si tu as besoin de quoi que ce soit, ou... Si tu as une envie particulière sur ce que tu aimerais manger, tu... tu peux me le transmettre.

Le salaryman reste silencieux après ça, visiblement dans ses pensées. Bien qu'il essaie de relativiser, la situation avec son époux l'inquiète, et chaque pas en avant qu'il a l'impression de réussir à faire se solde par deux pas en arrière. Il ne sait pas sur quel pied danser. Le fait est qu'il n'est pas quelqu'un de naturellement sociable, ni habile avec les autres, lui porte préjudice. Il ne peut s'empêcher de penser que Marco s'en sortirait bien mieux que lui, dans cette situation. Probablement qu'il aurait penser à quelque chose d'amusant ou de divertissant pour détendre l'atmosphère. Ou que son sourire ou son attitude suffirait à mettre Jun à l'aise, comparé à la sienne. Cela lui laisse un goût amer d'inadéquation dans la bouche, si bien qu'il ne se rend même pas compte de l'attention que leur immobilisme provoque. Et quand son époux reprend la marche, il le suit automatiquement, malgré ses grandes enjambées pressées.

Leur déambulation les mène jusqu'au rayon des produits ménagers, et là encore, Naoki reste relativement silencieux, si ce n'est pour demander son accord lorsqu'il lui est demandé. Il remarque que Jun, malgré tout, essaye de l'inclure dans ses décisions en lui faisant par exemple sentir les produits. Il se sent touché par cette considération, mais n'ose pas pour autant faire de véritable propositions lui-même. Lorsque son regard tombe sur le caddie cela dit, il profite que le musicien se soit arrêté pour y mettre de l'ordre, les produits y ayant été balancés sans considération. Il les réorganise, relève les bouteilles pour ne pas qu'elle fuit, et surtout, les range dans la partie avant du caddie, afin de ne pas les mélanger à leurs courses alimentaires qu'il vont faire après.

La partie ménagère est ainsi expédiée, et Naoki ne mentionne pas qu'il leur manque du matériel pour la cuisine auquel Jun ne semble pas avoir porté une seconde d'attention. Il se note dans un coin de la tête d'aller faire ces emplettes lorsqu'il sortira du bureau dans la semaine. Il le note aussi sur sa liste.
Ils continuent ainsi leur chemin, entamant le plus gros des courses du côté alimentaire. Le rayon des boissons chaudes passe en premier, et le salaryman observe les choix qui s'offrent à eux, attendant de voir ce que Jun fait avant toute chose.

- Plutôt thé ou café ?

La question lui fait relever le nez et le dévisager derrière ses larges lunettes. Jusque là, l'expérience avait été plutôt mutique et unilatérale. Est-ce que Jun était en train de faire de nouveaux efforts pour interagir avec lui ?
Naoki s'en sent un peu gêné. Il aurait aimé être celui qui prend les devants, et voilà qu'il forçait son époux à faire un pas vers lui parce qu'il s'était renfermé. Il pouvait rêver pour paraître un minimum cool ou digne de confiance face au musicien, une nouvelle fois...

- Ah hm... J'aime les deux, mais je suis plutôt thé, répond t'il alors.

Il boit du café, mais surtout au bureau, et pas vraiment car il aime ça. Le jus de chaussette qu'il ingurgite lui permet surtout de tenir lorsqu'il se retrouve à faire des heures supplémentaires, ou à enchaîner les journées à rallonges sans pause. Alors, au moins, à la maison, il préfère boire quelque chose qu'il apprécie, et rien de mieux qu'un bon thé... ou qu'un chocolat chaud. Mais ça, il ne le mentionne pas.

- Et vo.. toi, Tsuyu-san ? Tu n'aimes pas le thé ? Je te laisse choisir le café que tu préfère, et... je m'occupe du thé, si cela te convient.

Il va un peu plus loin dans le rayon, et sur le chemin son attention semble avoir été absorbée par les différentes marques de boites de cacao en poudre. Il détourne la tête quand il les dépasse pour arriver ou il se rendait en premier lieu, observant les produits qui s'offre à lui. Il n'aime pas vraiment les thé en sachet du commerce, de piètre qualité, et opte plutôt pour des choix haute gamme de feuilles de thé séchées. Il en a pris un vert et un blanc au fruits rouges. Il sait pertinemment qu'il complètera leur placard au fur et à mesure, et particulièrement en allant chez son marchand de thé favori plutôt qu'en grande surface. Pour le moment, cela fera l'affaire.

C'est ainsi qu'ils avancent de rayons en rayons selon ce procédé. Jun guide généralement, ils échangent sur leur préférences et font ainsi leur choix. Naoki organise le caddie à chaque nouveaux achats, et finalement le contact ne se passe pas si mal. Après un détour pour choisir une cafetière ainsi qu'une bouilloire au rayon électroménager, ils se retrouvent à entamer la véritable partie nourriture de leur sortie.

- Tsuyu-san... Puisque.. je suis chargé de la cuisine, vous voulez bien me laisser... prendre la main sur la suite ? Propose t'il alors, ayant pris son courage à deux mains. Je peux v... te montrer des choses et s'il y en a que tu n'aimes vraiment pas, tu me le dis.. ? Et inversement, si j'ai oublié des choses qui te font envie.. ?

Bien qu'ils n'aient que survolé le sujet, il a bien compris que le rapport de Jun à la nourriture n'était pas le même que le sien. Il ne voulait pas le forcer là dessus, c'est certain. Mais il ne pouvait décemment pas le laisser rater des repas ou ne manger que de la junkfood sans rien dire ou faire. Il allait devoir naviguer prudemment pour ne pas le froisser.

- Est-ce qu'il y a quelque chose que... tu aimes vraiment manger ? Et ce, même quand tu n'as pas faim ? Essaye t'il d'explorer.

S'il pouvait au moins trouver ses pêchers mignons, il pourrait partir de là pour étendre ses possibilités.

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L’avantage de ce genre d’interrogation futile, c’est qu’il est facile de se positionner et de provoquer un dialogue, même avec les personnes les plus récalcitrantes. Je ressens donc une pointe de fierté et une vague de soulagement, lorsque mon conjoint met fin à ce terrible monologue. Mon museau s’oriente alors vers lui pour opiner du chef, tandis que le concerné affirme boire de la caféine, tout en ayant une préférence pour le thé. J’attends qu’il développe davantage sa réponse, notamment sur les parfums qu’il affectionne néanmoins, cela n’arrive pas. Le petit brun replonge malheureusement dans ses pensées, me laissant seul avec des non-dits. Hm… L’effort aura été de courte durée ! Pourvu qu’il ne soit pas un adepte du thé noir ou du Earl Grey. Ce truc est aussi amer et désagréable qu’un café d’hôpital…

La curiosité me titille. Savoir si nos goûts sont similaires, ou de véritables opposés, me semble presque être une information importante. Pourtant, je ne la verbalise pas. Je n’ai pas envie de le forcer à dialoguer s’il n’en a pas envie. Je suis même surpris qu’il le refasse de lui-même, après quelques instants, vraisemblablement déterminé à proposer un compromis. Mes ébènes se bloquent illico à leurs consœurs. Cela me plaît qu’il prenne des directives... Ainsi, malgré mes craintes et mes envies d’envie d’en savoir plus, je rends les armes. J’accepte de laisser Naoki choisir tout ce qu’il désire. En tant que principal consommateur, il est de toute façon légitime de lui donner carte blanche.

- Ok. Ça m’va.

Je marque volontairement un temps pour permettre au jeune homme d’assimiler mon accord. Puis, je reprends d’un ton plus doux et complice.

- Fais-toi plaisir car, de mon côté, je carbure surtout au café. J’ai vraiment besoin de plusieurs tasses pour me réveiller. D’ailleurs, les jours où je dois commencer tôt à l’atelier, je m’dis qu’une perf’ serait plus adaptée !

Un rire nerveux s’envole, alors que j’ai conscience d’avoir révélé une addiction aussi dévastatrice pour l’organisme, que la clope ou mon manque d’appétit. Ce n’est pas pour rien que j’ai souvent des insomnies, que ma nervosité joue au yoyo, ou que ma faim et mon système digestif se font la malle… Je le cherche avec des habitudes merdiques ! Mon psy est d’ailleurs assez vigilent sur ce point. Pour être honnête, nous sommes surtout étonnés que mes dents restent relativement blanches et que je ne ressente pas autant d’anxiété ou de palpitations que certains consommateurs… Cela viendra peut-être si je continue à jouer au con avec mon corps mais, pour l’heure, diminuer ces excès n’est pas une priorité.

Ni une, ni deux, nous nous séparons de concert pour récupérer quelques articles. Mon choix se porte sur des dosettes de café pur et un petit sachet saveur « cappuccino ». Inaya a beau affirmer que ce truc chimique contient plus de sucre que de lait, j’avoue en apprécier le goût de temps en temps. Le tout se retrouve ensuite en vrac, dans le caddie, sans que j’ai réellement conscience des efforts de rangement. La silhouette du salaryman accapare mon attention. En outre, mes onyx ne peuvent s’empêcher de coulisser sur les paquets de feuilles séchées qu’il tient dans ses mains. Monsieur a du goût… Un timide sourire fendille le coin d’une de mes commissures. Je l’interpelle une fois qu’il a déposé ses trouvailles dans le chariot.

- Si… Si ça ne te dérange pas, on s’arrêtera à mon atelier, avant de rentrer à la maison. Je n’en aurai pas pour longtemps. Tu pourras rester dans la voiture. (Un ange passe.) J’ai tout un stock de théières. Il doit bien y en avoir une bleu marine ou avec des motifs bleutés…

La proposition faite, je détourne aussitôt la tête pour chasser l’impression de chaleur ressentie sur mes joues. J’ignore si ma peau a pris des couleurs nonobstant, j’ai conscience qu’elle peut s’y soustraire si je continue à soutenir le regard de mon vis-à-vis. Celui-ci a affirmé aimer cette teinte hier soir. L’information n’est évidemment pas tombée dans l’oreille d’un sourd… La gêne du comptable est cependant communicative, si bien que je me sens gauche en évoquant cette simple envie de lui faire plaisir. Embarrassé, je finis par pousser doucement le caddie en avant pour inciter mon partenaire à en terminer rapidement avec le rayon.

Un bref passage parmi les électroménagers nous permet de garnir le fond du chariot, juste avant de commencer aux choses sérieuses : la nourriture. J’avoue appréhender ce passage obligé. Mon compagnon va hélas vite comprendre que je ne lui serai d’aucun soutien là-dessus… Si ça ne tenait qu’à moi, on s’en tiendrait aux plats préparés, à du surgelé et aux apéritifs ! C’est alors que le fruit de mes pensées décide de prendre les commandes.

- Ok.

Les mots ont étonnamment franchi la barrière de mes lèvres, avant même que je ne cherche à les formuler. Outre le fait qu’on m’arrache une épine du pied en se chargeant de cette corvée, j’avoue être davantage du genre suiveur que meneur. Or, mon époux incarne relativement bien ce rôle malgré son ton hésitant et son manque d’assurance... J’en viens même à me rendre compte que je le suis docilement de moi-même depuis plusieurs minutes.

- Est-ce qu'il y a quelque chose que... tu aimes vraiment manger ? Et ce, même quand tu n'as pas faim ? Lance-t-il, tandis que je m’interroge sur cet excès d’obéissance.
- Euh…

Un silence. Je me rends soudain compte que je n’en ai aucune idée. Comment une question aussi banale peut-elle me laisser dans l’incertitude ? Certes, c’est assez logique, puisque ce n’est généralement pas moi qui me charge des repas et, lorsque c’est le cas, je me contente d’attraper le premier truc au packaging sympa, capable d’être directement mangé ou à réchauffer au micro-ondes, mais quand même ?! Mon esprit carbure et tente de distinguer un aliment parmi les autres. En vain. Mangeant de tout, mais en faible quantité, je n’ai jamais eu à me pencher sur la question. Ça craint…

Tendu, je grignote machinalement ma lippe inférieure, sans pour autant la mordre au sang. Je serais d’ailleurs en train de continuer à le faire, si je ne sentais pas les rétines curieuses de mon homologue sur mes épaules.

- Je t’assure que tu gagnerais ton temps à choisir des choses que tu aimes TOI… Avoué-je sans être capable de le fixer. Pour moi, un paquet de chips constitue un repas, alors tu vois l’genre…

Mon foutu épiderme semble avoir atteint son point de non-retour. En un éclair, il se pare d’une violente traînée carmin. Je baisse alors un peu plus la tête, dans l’espoir que mes cheveux soient suffisamment longs pour dissimuler mon embarras. Plus de doutes : Naoki va être désespéré de voir qu’il a hérité d’un grand ado lunatique et taciturne, aussi bosseur qu’autodestructeur en guise de mari !

- On peut prendre des cookies, deux-trois fruits séchés et des plats en sauce. Je t’assure que ça fera la semaine…

L’art et la manière de s’enfoncer en quelques phrases. Navrant.






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« Opening. »


- Si… Si ça ne te dérange pas, on s’arrêtera à mon atelier, avant de rentrer à la maison. Je n’en aurai pas pour longtemps. Tu pourras rester dans la voiture.

Penché sur le caddie pour y remettre de l'ordre, il relève la tête en s'interrompant un instant.

- Bien sûr, répond le salaryman sans une seconde d'hésitation. Ça ne me dérange pas.

Si Jun avait besoin de passer à son travail, bien sûr que ça ne posait pas de problème. Il ne lui demande pas la raison immédiatement, se disant qu'il lui en parlera quand ils rentreront de son atelier. Cela leur fera un sujet de conversation. Il n'en a pas besoin cependant, car après un silence que Naoki ne questionne pas, Jun lui apporte la raison sur un plateau d'argent.

 - J’ai tout un stock de théières. Il doit bien y en avoir une bleu marine ou avec des motifs bleutés…

Retourné à son rangement, cette fois-ci, il dévisage son époux avec un air surpris, ses lunettes glissant un peu vers le bout de son nez. Il cligne des yeux, soudainement incertain d'avoir bien entendu. La réaction gênée de son mari lui confirme qu'il ne s'est pas fourvoyé.

- Oh. Ça... Vous êtes sûr ? Est la première chose qui sort, par réflexe de politesse.

Le comptable est touché par la proposition, bien qu'il ne sache pas vraiment l'exprimer. Que Jun lui propose l'une de ses créations avait quelque chose de personnel. Et qu'il se souvienne qu'il aime le bleu, alors qu'il l'a seulement dit une fois lui fait vraiment plaisir. D'ailleurs, si Jun se prenait à regarder vers son époux plutôt que de se cacher, il verrait sur ses lèvres un petit sourire timide et sur ses joues une jolie teinte rosée.

Trop gêné par sa propre proposition, le potier fuit la scène de crime en détournant l'attention sur la tâche à remplir, ce qui fonctionne, puisque vu qu'ils quittent le rayon, Naoki se concentre à nouveau sur les courses. Puis vient le moment fatidique de l'alimentaire. La question est anodine, mais le salaryman remarque bien qu'elle met l'artisan dans tous ses états. Il ne pensait pas que ce serait une interrogation si difficile à résoudre. Et en dehors d'une réponse concrète, c'est surtout le mal-être de Jun qui le frappe. Il se doutait que le sujet de la nourriture était compliqué, mais il n'imaginait pas que c'était à ce point. Et il est un peu perdu sur la marche à suivre. Comment s'y prendre avec quelqu'un qui semble avoir des troubles alimentaires, sans les renforcer ni le froisser ? Il se fait une note mentale de faire des recherches sur le sujet dès qu'il aura une minute.

Dans l'immédiat, il devait au moins essayer de rassurer Jun. Sans l'infantiliser. Probablement que le potier ne réagirait pas bien s'il avait l'impression qu'il le traite comme un bébé. Mais il n'a pas envie de le bousculer non plus. Ses sourcils se froncent légèrement de tracas, puis après une légère inspiration, il se lance.

- Tsuyu-san... Dites-moi si je me trompe mais... J'ai l'impression que... manger n'est pas très important pour toi, c'est ça.. ?

Il triture un peu ses doigts, hésite, avant de reprendre. Peut-être que la meilleure stratégie, c'est d'essayer d'être sincère.

- Je ne voudrais pas t'imposer ma vision des choses... Je... Personnellement, j'aime bien manger et je ne peux pas.. te forcer à faire de même, mais... c... c'est important pour moi de... que la personne qui partage ma vie ait accès à une bonne alimentation. Mais... Si dans les faits, c'est.. une contrainte, j'aimerais trouver des solutions pour que.. pour que ce soit plus facile pour toi... de manger ce que je prépare.. ?

Le petit salaryman semble réfléchir intensément et sincèrement à la question.

- Si je cuisine quelque chose, et... et que je te fais des portions à réchauffer... comme un plat industriel... Ou que je prévois les choses sous forme de snacks froids... est-ce que... est-ce que tu penses que cela te conviendrait ?

Il fait de son mieux pour trouver un terrain d'entente, un juste milieu entre les habitudes de Jun, et ses propres souhaits. C'était égoïste, de chercher à contrôler ce que le potier faisait de sa vie et de ses repas, mais cuisiner pour quelqu'un, et que cette personne mange ses plats fait maison... c'était une des choses auxquelles il aspirait. C'était pour lui la vision d'une vie de famille, d'un couple. Il pourrait y renoncer, s'il se retrouvait face à un refus net. Il en ferait le deuil, avec le temps. Mais ça ne coûtait rien d'essayer de le communiquer, pas vrai ?

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Mes rougissements pathétiques font franchement peine à voir… C’en est même tellement grotesque que je m’en veux cruellement d’infliger ça à mon époux. Certes, s’empourprer lui arrive fréquemment et ce n’est probablement pas lui qui me jettera la pierre toutefois, laisser ma gêne transparaître a toujours eu la fâcheuse tendance à mettre mes nerfs en pelote. Outre la sensation d’exhiber de la fragilité, j’ai surtout l’impression de laisser libre accès à mes pensées ou à mon cœur… Permettre à l’embarras de me dominer, c’est comme accepter d’avoir une nuée d’aiguilles plantées sur chaque parcelle de mon épiderme. Des aiguilles qui, au fil des secondes, s’enfoncent de plus en plus dans la chair. D’abord, ça gratte et c’est désagréable. Puis, ça devient douloureux, insoutenable et terrifiant. Il paraît alors impossible de s’en défaire…

Malheureusement pour moi, l’alimentation est un sujet qui me pousse facilement dans mes retranchements, car cela soulève un défaut que mes proches ont du mal à saisir : ma propre négligence. Personne ne comprend cette absence d’envies alimentaires, ni ce sentiment d’ennui qui m’étreint dès qu’il s’agit de réfléchir à ce qu’on va mettre dans l’assiette. On pense généralement qu’il s’agit d’un caprice. D’une succession d’oublis dus à une journée bien remplie. D’une envie excessive d’imiter les icônes masculines, dont les formes sveltes et athlétiques font baver le genre humain. La vérité, c’est que je n’ai aucune appétence pour la cuisine. Je mange pour survivre et rassurer. C’est tout…

C’est l’un de mes psys qui a réussi à mettre le doigt sur mes agissements. La réponse a éclaté un jour, au beau milieu d’une séance où mon ventre a grogné comme un damné, alors que j’affirmais être en train de digérer… Bon, je suppose que mon état amaigri, mon irritabilité, mes traits tirés et nos entretiens lui avaient déjà mis la puce à l’oreille mais, quand le psy m’a gentiment tendu un petit paquet de gâteau que je me suis empressé de refuser, il a fini par m’imposer sa vision des choses. Ne pas manger revenait à me mutiler d’une façon invisible. À me punir. À m’infliger des maux physiques, au même titre que le tabac consommé à foison, ma dépendance au travail, mes nuits courtes ou mon absence totale de sport. Cette lente autodestruction est en fait une technique servant à éprouver des émotions, pour enfin combler le vide ressenti depuis le meurtre de mon frère.

Au début, j’ai cru qu’on se foutait de ma gueule. J’ai donc nié tout de go la réalité, avant de quitter le cabinet en insultant copieusement le spécialiste… Cependant, les mots ont progressivement pris racine dans mon crâne. J’ai alors réalisé que, oui, lésiner sur la nourriture, c’était bien la concrétisation de mes propres remords. Une manière de me châtier pour n’avoir pas pu LE sauver. D’avoir été choisi, alors qu’il le méritait bien plus que moi... Or, s’il m’arrive de me forcer à picorer le plus possible en compagnie des miens, il faut bien reconnaître que j’ai souvent tendance à me négliger dès que je me retrouve seul…

Le stress généré par la situation commence de plus en plus à gagner du terrain. Ça en devient même étouffant au moment où j’essaye de faire comprendre à mon nouvel époux qu’il n’est pas nécessaire de mettre les petits plats dans les grands. Du tout prêt, voire du surgelé, ferait parfaitement l’affaire. Hélas, le concerné ne semble pas de cet avis. Mon discours glisse sur lui, tandis qu’il continue de me toiser avec insistance, comme si mes onyx allaient lui révéler la vérité… Est-ce seulement possible ? Peut-être, si tant est qu’il ait tapé mon nom sur internet et soit tombé sur des articles de l’époque où ces foutus journalistes ne s’étaient pas gênés pour déballer nos vies… S’il sait, il fera peut-être le lien ?… Mon myocarde s’affole à cette idée. Contenant l’angoisse et mon impression d’être un foutu livre ouvert, je continue malgré tout de soutenir son regard avec aplomb. Violent contraste entre mon chaos intérieur et son œillade étrangement aussi paisible qu’appuyée.

Puis, quand un puissant frisson me traverse de la nuque à l’échine, je comprends qu’il est grand temps d’ouvrir les yeux : cette bataille m’échappe. Une retraite doit être envisagée... Mais, puis-je seulement me le permettre ? Le jeune homme a déjà subi pas mal de mes remontrances hier soir. Si je continue sur cette voie, je sais que je vais finir par le blesser, ce qui va irrémédiablement creuser un fossé entre nous… Je dois donc faire attention. Prendre sur moi. Même si cette attention accrue me met mal à l’aise, je dois éviter de fuir physiquement nos conversations et contenir mon habitude à utiliser des mots volontairement tranchants en guise de bouclier.

Les miasmes de mon dilemme intérieur me consument quand, sans crier gare, le comptable se met brusquement à parler. Son ton est étonnamment doux et chancelant, comme s’il savait qu’il marchait sur des œufs… Mais, ce qui me trouble le plus, c’est que je ne perçois aucun jugement de valeur dans son discours. Juste un constat. Un constat couplé à un ressenti personnel sur son propre rapport à la nourriture. Sur le moment, je ne remarque pas que mon myocarde s’est arrêté. En revanche, je réalise que mes lippes se sont désolidarisées toutes seules lorsque le son de ma voix hésitante ricoche tout à coup à mes oreilles.

- Je… suppose ?

Soudaine moue désappointée tenant aussi bien de la frustration due à mon timbre peu assuré qu’à la conversation en elle-même. En proie aux doutes, j’avale prestement ma salive pour me reprendre.

- Cela dit, je ne sais pas si ça sera nécessaire. On… On a pour devoir de manger ensemble une fois par jour, tu t’rappelles ?... Grignoter un peu de ce que tu as préparé me suffira.

Je n’ose lui avouer que, même dans ce cas de figure, il lui restera encore des restes. Naoki n’est toutefois pas bête. Il a déjà dû intégrer cette réalité. S’il me parle de portions à réchauffer, c’est qu’il compte au moins filmer le surplus en pensant que je pourrai toujours m’en servir en cas de fringale inopinée ou de flemme pour préparer à manger. Ce qui… pourrait peut-être marcher ?

Méditatif, je tente d’évaluer le pour et le contre de cette proposition, tout en songeant à ce qui pourrait être le moins contraignant pour mon époux. Qu’entend-il par « bonne alimentation » ? Trois cuillerées de riz et quelques morceaux de légumes seraient-ils suffisants ? Devrais-je lui rendre des comptes si jamais il apprend que j’ai laissé un tupperware dans le frigo de l’atelier ? Profitant de mes incertitudes, mes incisives bifurquent nerveusement contre ma lippe inférieure, l’éraflant un peu trop fort par mégarde. Un sursaut m’échappe. Surpris, je sens soudain la chair à vif ainsi que le regard furtif du comptable fondre sur la plaie le temps d’une fraction de seconde, juste avant de revenir sonder leurs consœurs avec toujours autant d’intensité. Cette réactivité accentue aussitôt le pourpre de mes joues.

Incapable d’assumer, je me réfugie sous un passage nerveux de ma senestre qui, grâce à sa grande taille, tente vainement d’épouser chaque pli de mon visage. Mes efforts sont hélas inutiles. Ma paume n’arrivera pas à écraser ou éradiquer chaque nuance carmin de mon épiderme. Ces dernières semblent d’ailleurs avoir pris leurs aises, gagnant même en puissance lorsque j’essaye de reprendre le fil de la conversation.

- Je… Je n’veux pas être un gosse sur lequel il faut constamment veiller pour savoir s’il a bien mangé sa purée ou son petit laitage.

Dieu sait combien je deviendrais incontrôlable, si jamais le petit brun décidait de m’infantiliser… Je suis un homme. Un adulte. Une véritable tomate en ce moment-même, certes, mais un homme malgré tout !

- Et je veux encore moins être un fardeau pour toi.

À ces mots, l’appui de mes rétines devient brusquement plus incisif contre leurs homologues. Ma voix se fait également plus déterminée.

- Même si je mange peu et que je ne sais pas cuisiner, je t’aiderai à préparer ce que tu juges simple. Éplucher les légumes. Laver le riz. Aller te chercher un ingrédient de dernière minute. Faire la vaisselle au fur et à mesure ou après. Tout ce que tu veux, tant que ça peut t’être utile… (Léger soupir.) Par contre, pour c’qui est des autres repas que nous n’avons pas forcément en commun, je me débrouillerai.

Croyant voir un subtil frémissement contestataire sur les lèvres de Naoki, j’enchaîne prestement.

- Si ça peut te rassurer, il m’arrivera parfois de prendre quelques restes pour aller au boulot… Mais, ça n’sera pas systématique… Ok ?






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