Le goût des larmes | Shizen

L’amour était un exemple de douceur autrefois. Le rire cristallin de sa mère et l’éclat lumineux dans le regard tendre de son père avaient nourrit les espoirs mielleux d’un oisillon assoiffé d’existence.

Il l’a connu aussi, ce sentiment particulier, flottant comme les pétales de cerisier au gré des prémices d’un vent printanier. Les jeunes mariés célébraient leur révolte pacifiste, lui se mourait contre les lèvres de son aimé, créant cette symphonie qu’il n’entendrait qu’à ses côtés.

De ces jours heureux d’insouciance il peut encore croquer son sourire, mais le dessiner entièrement commence à lui échapper et il suffoque, en silence dans l’obscurité, refuge. Son amour est perdu à jamais, envolé, volé. La maudite puce avait assigné son étoile à une constellation différente de la leur et elle ne l’a pas supporté, supprimant sa lumière à tout jamais, scellant en promesse qu’elle n’appartiendrait à personne d’autre que lui.

Sous ses doigts, le papier se froisse, caressant le grain fragile sur lequel l’encre saigne encore de ses dernières volontés. Vivre. Au travers de ses désirs, de ses succès et de ses peines, l’emmener avec lui et sentir son cœur battre cette mesure qu’il lui destinait. Sous sa peau, elle demeure éternellement par quatre fois, minuscules cicatrices imbibées d’ébène et de carmin. Les ronces ont scellé ses émois, étreignant d’épines la moindre affection portée trop loin d’iel.

Il aurait voulu qu’iel ne choisisse pas cette fin et que l’incontestable soit divin, mais il n’est que machine et rouages infernaux à prêcher des lois pour le gouvernement, non pour le bien des hommes. Iel n’était plus là pour rire avec lui durant quelques jours au moins de ces imperfections. Ne pouvait-il pas être englouti par la terre, ce système vorace d’économie et d’une prospérité bâtie sur les mensonges ? Il avait ri, s’était réjoui plus tard de le voir disparaitre, mais ça n’avait pas duré. Ses espoirs naissant comme une étincelle dans la nuit avaient été réduits à néant.

Vivre était difficile et le Japon rendait la tâche compliquée pour de futiles raisons, pour Shizen qui croyait en la nature, la manifestation de cette épidémie suite à la fin de cette recherche sociale était vue comme une aubaine. Lorsque la mort frappait, sans se réjouir pour autant du malheur d’autrui, il le vit comme une revanche du monde contre nature de ce pays. Les mauvaises graines sont tenaces, ainsi avait survécu l’incontestable malgré ses nouvelles menaces. Si l’idée de s’enfuir lui avait traversé l’esprit, il n’en avait eu que faire, ayant renoncé à aimer, peu lui importait qu’on lui injecte cette puce dernier cri ou qu’on le chasse. Son silence était d’or, ses pensées de plomb.

Quatre ans déjà se sont écoulés à travailler le cuir et remettre en état les semelles, les tissus de quelques chaussures abimées. En dépliant ses doigts, il y voit une ficelle rouge s’étendre et de sa main, il touchera le ciel sans regret. Il lui arrive de s'écarter du chemin de son rêve, loin de l’établi, des œuvres et de leurs imperfections à corriger, loin du chahut et de la circulation étouffante. Et lorsque la carte sur les rayons n’émet plus de son, c’est qu’il est arrivé au bord d’un lac, à l’orée d’une forêt. Enfin, il pourra oublier le monde et se perdre dans cet univers bien réel où la magie n’est que nature négligée des cœurs humains.

De la vie, il n’attend rien d’autre qu’un peu de tranquillité. Il n’en aura jamais et ne craint guère la mort, prêt à rejoindre sa moitié le jour même où ce papier d’un rose immonde viendra souiller ses doigts. Ou… peut-être qu’il s’en servira d’exutoire, plongeant un peu plus profondément dans le système pour le rendre inefficient au moins à ses yeux. Il aura marqué un point, le seul qui l’intéresse, qu’importe qu’il ne remporte la guerre, il sera libre, voilà son prix.

Ses paupières fermées, il y pense jour et nuit, vidant l’air de ses poumons en contemplant l’immensité du ciel. La corruption est un obstacle à ses paysages préférés, mais il s’y est habitué et parfois s'amuse encore de ce souvenir invincible pour jouer avec le feu. Il a tout son temps, il en profite.

Peinture, balades, quelques fleurs et le plafond azuré du monde. Une compagnie agréable pour papillonner une nuit, instant, presque imaginé. Puis il repart, se confond dans la foule, ne devient plus personne, perdu au milieu d’une marée où aucun pelage ne saura se détacher suffisamment. Si. Peut-être qu’il vous verra, peut-être qu’il vous apprécie, mais dans ce cas il passera son chemin. Il ne tient qu’à vous de le poursuivre et d’en subir les conséquences, qu’elles soient bonnes ou mauvaises, vous ne le saurez qu’en pourchassant son ombre.

Les nuances de son cœur il ne les laisse qu’entrevoir, préférant se fondre dans le décor aux couleurs fades de ce monde plutôt que d’y apporter lui-même un peu de lumière et de vivacité. Shizen est résigné autant qu’il est déterminé.

Naître japonais est une fatalité dont il ne pourra jamais se défaire et peindra sur ses lèvres un sourire amer au goût des larmes. L’amour n’existe plus et les âmes sœurs ne sont qu’illusion d’importance envers un être désigné.

Quant à sa confiance, elle n’est accordée qu’équitablement sous contrat. Sa loyauté se paye par autant de respect qu’il en donne et lorsqu’il considère que les clauses ne sont plus remplies, il se charge de rompre son minima d’attention. Sa tolérance aux impaires est aussi rigoureuse qu’il est exigeant. Qu’une relation soit trop ou peu, elle finira par se briser, car son intérêt est dénué de tout sentiment et doit le demeurer. Le moindre faux pas est soumis à sanction, ses mots s’amenuisent où se font tranchants, le tout dans un calme indifférent à tout propos, à tout geste.

Shizen est une ombre que l’on peut atteindre, mais qui annihilera toute tentative de se voir modifié. Il s’y est préparé avec minutie à fermer son cœur, du reste, il l’a déjà vendu, on ne peut plus rien lui prendre.

Enfin, c’est ce qu’il s’efforce d’être, mais s’il y a bien une certitude en ce monde, c’est que le cœur change et il n’y pourra rien, si ce n’est se battre pour aller à contre-courant, de toutes ses forces.

Parmi elles, une patience et une douceur insolente à ne répondre par l’espoir. Si l’on exige sa colère, il la restituera sucrée, fait de ces fleurs qu’il aime tant aquareller. Gratter les cordes d’une guitare sèche, prendre la route à vélo et s’enfuir loin du bruit le rendra toujours un peu plus lui. Ces instants de solitude sont un besoin vital qu’il ne partagera pour rien au monde.

Les seuls qu’il ne boude pas hormis ses parents, qu’il ne voit presque jamais sont ses chats, ses oiseaux et ses lapins. Les nourrir le met en difficulté financière, mais il ne les abandonnera jamais. Tous ses compagnons ont été sauvés d’une façon ou d’une autre et ils le lui rendent bien.

On le croirait compliqué et ce n’est pas loin d’être le cas, il cède ce qu’il a envie et si ça lui apporte quelque chose, mais ne laissera personne entraver ses libertés. Bien que ses agissements soient passifs, il sait où il veut aller et ce qu’il veut en faire. Quand ça n’est pas le cas, c’est qu’il n’y a pas encore réfléchi.

Il lui a promis que sur sa peau immaculée iel resterait gravé. De rouge et de noir sur son cœur, un signe, une fleur. Sur son poignet gauche aussi, lune éclose d’écarlate. Sur sa cheville, deux poissons se tournent autour sans jamais se toucher, l’un de sang, l’autre d’ombre. Et pour finir, sa promesse marquée d’un fils indélébile sur les contours de son auriculaire gauche, noué, serpentant sur la porcelaine brisée. (cœur + poignet + cheville + auriculaire)

Ses yeux sont d’or, envoutant de miel et de douceur, mais ne renverront d’éclat qu’en de brèves occasions. Les sourires sont faux, impassibles, il ne rendra les armes qu’en retrouvant son étoile. Dans son entêtement, peut-être ne voit-il pas le reste, Shizen n’est lui-même que lorsque personne ne s'attarde. L’or scintille et propage sa chaleur dans une aura calme et réconfortante. Quelques mèches ardoise viendront s’échouer à l’horizon et chatouiller sa nuque quand il ne les attache pas. D’un air endormi, ennuyé, on ne le remarque peu et il ne cherche pas à l’être. Ses sourires les plus beaux sont ornés de canines pointues, conservées depuis l’adolescence, dont l’une est légèrement cassée.

Sa garde-robe est essentiellement composée de tee-shirts à peine larges aux manches s’arrêtant au-dessus de ses coudes. Du reste, ses vestes sont entre jean et tissu plus lisses, il en va de même pour ses pantalons. La mode n’est une priorité que lorsqu’elle est exigée par ses clients et cela ne requiert pas qu’il s’y plie, mais qu’il l’applique dans ses domaines d’expertises, fort heureusement pour lui.

D’apparence, il est fin, ni trop grand ni trop petit, d’environ un mètre soixante-dix, il se considère chanceux. Ses épaules sont larges, mais toujours basses et sa tête toujours haute, dans la lune ou dans ses pensées malgré la vivacité qui se cache derrière.

Personnage tiré d'un anime

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