Maze Jefferson ~ Lucy in the sky ♫

«  Il y a bien longtemps, dans un royaume nommé Chicago, un beau prince…  
- ….ah c’est comme ça qu’on appelle les livreurs maintenant ?  Mais maman avait son petit sourire dans les yeux, il pouvait le voir dans le rétroviseur. Les lumières de la ville se rapprochaient à travers les vitres. Tant mieux, il commençait à avoir sacrément envie de pipi.
- C’est toi qui raconte où c’est moi ? Hm ? » répondit Papa. Il était tourné vers lui alors que maman prenait le volant à son tour. Ils avaient déjà roulé un bon moment et ils commençaient tous à fatiguer. «  Alors Maze, tu vois, ce beau prince vivait dans un royaume nommé Chicago. Un jour, ce magnifique prince lors d’une de ses patrouilles tomba nez à nez avec une princesse en détresse. Figure-toi, qu’elle porte des chaussures avec de trèès hauts talons, et que l’un d’eux s’est coincé dans une grille, par terre… »
Les lumières se faisaient de plus en plus fortes. Presque aveuglantes. Elles empêchèrent Maze de se concentrer sur cette histoire qu’il connaissait déjà par cœur. Celle de la rencontre de ses parents, de sa naissance. «  Papa… ?»
Le hurlement de la taule contre la taule. De deux véhicules qui se heurtent. Le monde qui se  met à tourner, à hurler, à faire mal.

Maze a 6 ans.
Il vient de voir son père se faire éjecter sur l’asphalte parce qu’il n’a pas mis la ceinture. Sa mère disparaître à moitié sous un camion parce qu’elle l’a mis, écrasée par la carcasse en métal censée les protéger. La magie de cette nuit s’est transformée en cauchemar au rouge indélébile.
Maze a 6 ans, il a appris que les contes de fées, eux-aussi, peuvent avoir des fins tragiques.
Il apprendra bientôt que «  orphelin » s’écrit avec un « ph ».

~   Maze a 6 ans. Presque 7 ans en fait.
Le bandage sur son oreille le gratte. Mais il le dérange pas autant que ce bourdonnement constant qui ne le quitte plus. Les docteurs ont dit que ça allait passer. Ils lui ont donné un mot, trop compliqué, à retenir. Peu importe. Ses «  acouphènes » allaient l’accompagner tout le restant de sa vie.
Dans sa main, il tient une photo de ses parents. «  Joe et Yuuki » comme les ont appelés les messieurs en uniformes. Ceux qui l’ont emmené. Toute une succession d’uniformes, d’adultes. Jamais les bons, jamais ceux qu’il attendait.
Papa et Maman ont l’air heureux sur cette image. Plus jeunes aussi, papa n’a pas ses petits plis au coin de ses yeux. A côté d’eux, il y a «  Hatori Nishimura ». Grand-père.

~   Maze a 7 ans.
Il a fallu plusieurs mois pour que les adultes se décident, s’organisent et finalement l’envoient, accompagné, dans un avion vers son Grand-père. Il a été malade à bord. Deux fois. La deuxième fois l’hôtesse a commencé à se fâcher avec lui.
Son oreille lui fait mal.

( Personne n’avait évoqué la tante Marthe du côté de son père. Elle est tombée dans la bouteille il y a bien des années et vogue de cure en réunion des AA sans résultat. Personne ne lui aurait confié un paquet de farine encore moins un enfant. Pas que Maze comprenne encore ce que tout voulait dire. Mais ça l'arrangeait bien, tante Martha sentait toujours comme une fin de réveillon et avait les yeux vitreux comme un poisson.)

Grand-père est petit. Plissé. Il parle la langue de maman, le japonais, vite, sans attendre. C’est à Maze de le rattraper. Il n’est pas méchant. Il n’est pas Papa. Puis, il est vraiment tout petit.
Il a une Grand-mère aussi qui l’attend. Il ne le savait pas.  Il découvre qu’ils font beaucoup moins de câlins que Papa et Maman. Mais ça, c’est pas grave.
Il découvre que Grand-père gifle Grand-mère quand elle n’est pas assez rapide pour lui. Il lui fait du mal. Et ça, on lui a déjà appris que ce n’est pas bien. Il le sait. Mais il découvre également que Grand-père n’hésite pas à le saluer du revers de la main, lui aussi, s’il ne respecte pas les règles.
Maze apprend à serrer les dents. De toute manière, il a bien appris que les contes de fée n’existent pas. Il peut encaisser le reste. Il est dur.
Aussi, apparemment, pour rester, Maze doit devenir japonais. Il n’est pas certain de ce que ça change. Tant que son nom reste le même. Jefferson, comme Papa et Maman. Tant qu’il n’a pas à apprendre à se conduire comme Grand-père, aussi.

~   Maze a 10 ans et 3 mois.
Il s’appelle toujours Jefferson.
Il a de plus en plus de mal à se souvenir du visage de ses parents.
Il a oublié leurs voix depuis longtemps.
Aujourd’hui, Mamie est tombée dans les escaliers. Seulement, il n’est pas sûr qu’elle soit tombée toute seule. Même si ses mains et ses pieds tremblent tous seuls parfois et qu’elle devient de plus en plus maladroite.
La semaine précédente, il a demandé à Grand-mère pourquoi elle ne demandait pas le divorce. Bon, elle était aussi vieille que le grand-canyon mais elle faisait les meilleurs mochis ! Et….Grand-père n’était vraiment pas gentil avec elle.  Mais apparemment, «  divorce » est presque un vilain mot au Japon.  
Après la cérémonie, Grand-père l’a pris  dans son bureau pour lui expliquer l’Incontestable et ses règles. Il n'y avait jamais vraiment prêté attention. Ils en avaient bien parlé à l’école mais ses kanjis n’étaient pas vraiment au point… alors il n’avait pas fait plus attention que ça. ( Quand Grand-père s’en aperçut, il eut droit à des cours du soir pendant un an. …Joie.)

~   Les années s’écoulent, Maze grandit, évolue.
D’enfant il devient ados, plus Grand-père s’affaiblit, plus il s’impose. Ca devient infernal à la maison. Mais Grand-père reste le seul avec la main leste. Seulement, moins ses gestes se font rapides, moins il parvient à l’atteindre. Et Maze se fait une grande joie de se moquer, de le provoquer. Il a grandi, pas mûri, nuance.

~   Maze a 16 ans.
Les conneries le démangent, là, juste sous sa peau. Ça grouille. Ça l’appelle. Il le sent, il ne va pas tarder à craquer. Il est trop étriqué dans son rôle, dans cette vie. C’est son prof de sport qui l’attrape au tout dernier moment, le traîne, sur la piste et lui gueule de courir s’il veut se défouler au lieu de jouer les merdeux. Alors il court….mais pas forcément le long d’une ligne blanche par terre.
Il découvre les filles. Ah….les filles….

~   Maze a 20 ans.
Avec l’argent qu’il a économisé, il s’achète une bécane. Une voiture, lui ? Jamais. Plutôt crever. Il est à l’université .  Par défaut. Pour que le vieux con lui lâche la grappe. Pour pas faire un geste qu’il regretterait. Pour les filles aussi.
Il est paumé.
Il se fait ramasser un soir ou un matin, à cette heure qu’on ne sait pas trop où caser. Une voiture de flics le raccompagne chez lui. Il a un peu trop bu, un peu trop fumé. Ce n’est que par miracle et son air misérable…et peut-être aussi grâce à ses tripes qu’il a copieusement déversées sur le bitume qu’il s’en sort aussi bien. C’était un vieux flic, un de ceux qui a vu bien plus impressionnant, ramené bien plus intéressant, à l’arrière de sa voiture de patrouille qu’un étudiant en vadrouille. Tout le long, il parle à son binôme, tout jeune, presque aussi jeune que Maze. Il ne l’épargne pas. Il le sermonne comme son père aurait peut-être pu le faire.
Mais….mince.
Il doit avoir un côté maso, parce qu’il en ressort avec une vocation.

Le reste passe très vite : concours, école de flics, formation, formation, blabla, règlement, stage, formations assommantes….et son diplôme.

Il aime être flic. Il a ça dans le sang.
Les filles adhèrent aussi. C’est un bonus. ( Quelques garçons aussi, mais moins, c’est un terrain plus dangereux, les mecs.)

Puis…son coup de foudre.
~   Maze a 27 ans et il sait qu’il ne pourra plus jamais tomber amoureux. Parce qu’il a rencontré la femme de sa vie.
Lucy.
1 an.
18 kg de poils et de muscles.
Il alterne entre cirer et casser les pompes de son supérieur pendant un mois avant de pouvoir intégrer la formation de maître-chien.
Et enfin, la voilà. Le plus magnifique berger-allemand policier au monde. Le sien.

Pour la première fois depuis des années, il ne ressent plus ce vertige, ce déséquilibre. Le Japon finalement, peut, peut-être, avoir une place pour lui. 28 ans plus tôt, sa mère était tombée amoureuse des Etats-Unis, puis de son futur-époux et avait décidé de tout tenter, de ne jamais rentrer au Japon après ses études. Maintenant, c’était son tour. Mais avec Lucy.
Uniquement Lucy.

~   Maintenant, Maze a 29 ans.
Il semble avoir échappé à l’algorithme de l’Incontestable pour le moment et ça lui va très bien. Que ça continue ainsi.
L’idée qu’on puisse lui dicter sa vie le fait pas mal grincer des dents mais, il se garde bien de le montrer. L’idée en elle-même de se retrouver marié un jour, et de devoir caser, une épouse ( ou un époux) au milieu de ses gardes, ses nuits, ses astreintes, Lucy, ses randos à moto, ses flirts, bref sa liberté soigneusement entretenue, lui file de l’urticaire.

Maze est partisan de la politique du tapis : on balaye tout ce qui fait tache dessous, puis on s’assoit dessus et on fait comme si tout va bien parce qu’il n’y a rien à voir. Ce qui est le cas. On n’est pas dans un peep-show, merci bien. Vous pouvez vous ramener avec un pied de biche, il ne vous racontera pas sa vie, c'est la sienne.  

S’il est ascendant tortue, se drapant dans une carapace d’aisance et d’arrogance, il est au fond extrêmement simple, toujours direct,  souvent trop franc, carrément trop à l’écoute de ses impulsions, même s’il s’est beaucoup calmé. (Un flic ne peut pas se faire taper sur les doigts parce qu’il a serré les poings au lieu de tourner les talons. )

Ce dernier a le sourire facile, la déconne et la drague encore plus.  Il aime le contact humain, le contact charnel reste son préféré, la question ne se pose même pas. Il est rarement seul, mais ça ne va pas plus loin. Dès qu’il sent qu’on s’attache, il coupe court. Il ne fait pas parti de ceux qui portent des lunettes aux verres teintés de rose.
Maze n’est pas anti-amour, il n’est pas un de ces désabusés de la vie et du cœur, il n’a simplement pas ça en lui. Pas le temps, pas l’envie, pas l’ambition. Puis, mince, pourquoi se limiter à un plat unique en sachant qu’en plus, la guillotine de l’Incontestable flottait au-dessus de leur tête à tous ?

Après, les contes de fées, si ça n’existe pas, ça n’empêche pas de profiter de la vie pleinement, un jour après l’autre. De préférence avec des jeunes femmes. Il est plus discret avec ses flirts masculins, ses derniers sont plus rares aussi. Peut-être parce que lorsque son Grand-père l’a surpris la langue dans la bouche de celle du fils du voisin, il s’en est souvenu pendant un moment. Qui sait.
Il n'est pas vraiment homme à tenir rancune cependant, il y a des choses qu'on n'oublie pas.

Dans son service, Maze est connu pour son tempérament assez dynamique voire dynamite. Susceptible est parfois son doux surnom. Il lui arrive d’être hargneux sans raison apparente, d’où sa réputation de lunatique. C’est généralement signe que ses acouphènes ont décidé de lui faire un « coucou » bien bruyant ce jour-là.
Cerise sur le gâteau, il a l’erreur difficile. Il ne demande de l’aide ou des conseils qu’une fois acculé devant sa connerie ou son ignorance et même là, ça lui arrache la gorge. Monsieur a sa petite fierté.

Ensuite, ce n’est guère glorieux à avouer, mais il n’y a qu’alcoolisé qu’il est généreux ou avec Lucy pour qui il dépense sans compter. Il ne paie des tournées au bar aux collègues qu'après plusieurs verres. En revanche, il est doué pour se faire payer à boire, ça oui.

Pour se défouler, il couche et il court. La nuit principalement, pour le second. (Pourquoi se limiter pour le premier ?). Il a de l’énergie à revendre au point qu’il n’est pas tard qu’il n’arrive qu’à grappiller qu’une poignée d’heures de sommeil avant de bondir sur ses pieds, attraper la laisse de Lucy pour battre le pavé avec elle. Au moins, les rues étaient tranquilles, silencieuses à ces heures-là. Cependant, avec son travail, il n’est pas rare que Maze vive souvent en décalé.

Enfin, dans un monde aussi moderne, le maître-chien est étonnement peu accro aux nouvelles technologies et aux facilités qu’elles offrent. Au contraire, il aime bien le concret, il fait parti de ceux qui faire leurs courses eux-mêmes en magasin et pas uniquement pour profiter de promotions.

A ce jour, s’il arrive à poser son derrière dans une voiture la nuit, c’est en grinçant des dents et en renâclant, mais il le fait.

Maze est un sourire, un savant mélange d’arrogance et de charisme narquois, plus qu’une belle gueule. Il agace autant qu’il charme. Il tape sur les nerfs, souvent, quand on ne sait pas comment l'interpréter. Il est un goût qui s’acquiert. Bien campé sur son confortable 1m80, Maze est bien dans sa peau. Même s’il faut un petit temps pour s’en rendre compte, il bouillonne constamment d’énergie et est toujours en mouvement. Ce qui a coûté la vie à bon nombre de tasses de café. L’inaction, ce n’est pas pour lui. L'inaction mène aux conneries. Heureusement, on demande rarement à un maître-chien de jouer les planqués des heures durant dans une voiture.

Au premier coup d’œil, avec ses éternelles lunettes de soleils, sa clope toujours à portée de main, il incarne le cliché même du flic ou de l’ancien pseudo "Bad-boy". Sa garde-robe est terne, pour ne pas dire tristement simple. Un cuir, un jean, un tee-shirt. Quelle que soit la météo, quelle que soit la saison. Et qu’on se le dise, les cravates ont été inventées pour étrangler les Hommes. Il est bien content de ne pas en avoir à en  porter au travail. Il a bien tenté de faire disparaître les chemises, mais ce n'est pas passé auprès de la direction.
Il a toujours l’essentiel dans ses poches à savoir : une capote ( toujours sortir couvert), une friandise pour Lucy. (tout aussi important.)

Dissimulée à la base de son oreille droite, il a une petite cicatrice presque complètement effacée. Un des derniers vestiges de l’accident qui a brisé sa famille enfant. Un souvenir accompagné d’acouphènes, qui s’ils varient en intensité, ne s’arrêtent jamais. Un détail dont il se garde soigneusement de parler. Au départ, parce qu’on lui avait promis qu’ils passeraient, puis de peur qu’on lui dise que ce ne soit que dans sa tête…à présent également de peur de perdre l’amour de sa vie au poil soyeux nommé Lucy. Ces acouphènes expliquent pourquoi il semble parfois ignorer ses interlocuteurs, particulièrement lorsqu’il y a de forts bruits ambiants, ou encore sa manière de pencher la tête pour leur prêter attention.

A en croire les albums photos, il a hérité des yeux noisettes de sa mère et de sa tignasse brune dont les mèches plus longues balayent sa nuque. Il faudra qu'il aille y mettre un coup de ciseau bientôt d'ailleurs car ça commence à être n'importe quoi. De son père…il a hérité les cheveux blancs précoces et ça, il s’en serait bien passé : 29 ans, une pêche du diable et voilà que quelques cheveux blancs pointaient déjà le bout de leurs nez !

Dès qu'il a eu l'âge et l'argent pour, il s'est payé une bécane et comme il n'aime pas faire les choses à moitié, il s'est évidemment aussitôt viandé et a glissé joyeusement sur le bitume. D'où la brûlure qui marque encore aujourd'hui son avant-bras gauche. Évidemment, il ne portait pas de cuir ce jour-là. Pas grave, il se dit que ça lui ajoute du charme. Les femmes imaginent toujours qu'il s'est fait ça au travail. Bonus non négligeable.